La VOLTE Achevé d'imprimer : mars 2012 Première édition Roman, 324 pages, catégorie / prix : nd ISBN : 978-2-917157-17-6 Format : 14,0 x 19,0 cm✅ Genre : Fantastique
Islande, 1986. Dans la petite école d'Hafnafjordur, entre une falaise arpentée par les fées et un champ de lave hanté par le passé, se noue un drame cosmique aux fantastiques implications. À la veille de la grande kermesse annuelle, Elliot, le très vieux concierge muet, a quitté sa chambre sans fenêtres, fermée de l'intérieur.
Bracken, le professeur de dessin, part à sa recherche flanqué de deux tortues, sans se douter que cette aventure l'amènera à franchir le seuil de la réalité, là où absurde, poésie et dangers se fondent en une vertigineuse chasse aux secrets.
Et si le Néant était quelque chose plutôt que rien ?
Voix singulière de la littérature de l'imaginaire, farfadet imprévisible et passionné, David Calvo est auteur, dessinateur et game designer.
Elliot du Néant est son septième roman.
Critiques
Après Minuscules flocons de neige depuis dix minutes en 2006 et le recueil Nid de coucou en 2007, suit une éclipse d’une demi-douzaine d’années pour Sabrina Calvo. L’autrice revient en 2012 un nouveau roman : Elliot du Néant. Chez un nouvel éditeur, donc, La Volte, structure n’ayant jamais reculé devant les ovnis littéraires. Une riche idée : le promoteur de Barbéri, Beauverger, Damasio et Noon était sûrement la structure idéale pour accueillir Calvo.
Nous voici en Islande, en 1986 – époque lointaine et bénie où l’île ne pleurait pas ses glaciers et où « The Riddle » de Nik Kershaw tournait en boucle sur les ondes radio. À la veille de la kermesse annuelle et d’un concert spécial du chanteur britannique, Bracken, un professeur de dessin français exilé en Islande, est appelé à la petite école de Hafnafjordur : Elliot, le concierge, a disparu. Disparu, certes, mais pas n’importe comment : depuis sa chambre, fermée de l’intérieur. Un drôle de bonhomme, que cet Elliot, sorte d’enfant trop vite monté en graine. Drôle de chambre, aussi, dont l’un des coins possède d’étranges qualités topologiques – cependant, il s’agit moins d’une chambre d’Ames que d’un passage vers le Néant. Justement, le Néant, c’est quoi précisément ? S’élançant sur la piste d’Elliot, Bracken va entreprendre une odyssée folle vers ledit Néant, au risque de s’y perdre. Ou de tout y gagner.
Ici, Sabrina Calvo ne nous convie pas à une sempiternelle histoire de mystère en chambre close, mais plutôt à une quête, aussi personnelle que métaphysique, dont le narrateur sortira métamorphosé. Cette quête se place sous les hauts patronages du singulier sonnet en X de Stéphane Mallarmé et de « The Riddle », étonnante et absurde chanson s’il en est – la légende veut qu’un concours ait été organisé pour trouver un sens aux paroles. Au fil du roman, on croise un corps enseignant dépassé par les événements, un tandem morse et macareux fort bavard vivant au bout du monde, deux tortues incroyables aux savoureux apartés (« Mais que pouvons-nous faire ? – On est des tortues ! On peut tout faire ! »), et l’insaisissable ombre du Maître. Sans oublier un éruptif volcan — lieu où la glace se mêle au feu, l’Islande a tout du creuset d’alchimiste. Quant aux fantômes de l’enfance et les créatures du folklore de l’île, ils ne sont jamais bien loin, rôdant à la périphérie du regard…
Roman tout à la fois triste et tendre, à la folie douce et démiurgique en diable, porté par une écriture poétique et tenu jusqu’à son explosif final, Elliot du Néant est un jalon dans l’œuvre de l’autrice.
Le Néant... C'est un peu ce qu'on se dit en regardant la couverture du livre. Les goûts et les couleurs ne se discutent pas, mais ce pauvre orange mitigé blanc, euh... bof. Surtout quand on a fini de lire le roman, et qu'on se dit : mais bon sang, avec autant d'imprégnation marine, pourquoi ne pas l'avoir faite bleue !
Passées ces considérations esthétiques, le texte résiste, lui, à toute classification. Il appartient aux œuvres qui font débat, parce que « j'adore/je déteste ». Personnellement, j'adore. Une écriture totalement décalée, un personnage barjo, voire une lecture sous LSD (non, pas moi, hein...), mais une œuvre parfaitement maîtrisée. Quand un auteur gère quatre voix au moins en même temps, on s'incline.
Munissez-vous de votre Mallarmé (qui ne s'offusquera pas de l'usage de son Ptyx), ainsi que d'un bon bagage de culture générale, sinon, vous serez aussi perdu que dans un volume de Terry Pratchett. Lequel, d'ail-leurs, serait sans doute amusé de voir des tortues discuter entre elles, au lieu de soutenir le Disque-Monde. Vous n'avez qu'à admettre que les tortues parlent, que les fées existent, et que votre pensionnat de jeunesse était géré par de gentil doux-dingues. Une fois cela fait, vous pouvez admettre qu'un Français expatrié en Islande deviendra le maître du Néant.
Plus sérieusement, le héros est d'une touchante fragilité. On sent même chez l'auteur une sorte de crise existentielle, qui le rapproche de Defoe dans Robinson Crusoe. Le plan prénatal, sexuel, et tout ce qui s'ensuit, est au rendez-vous.
De manière plus profonde, la recherche d'une démiurgie, parfaitement explicitée et développée dans la folie qu'elle implique, constitue l'axe principal du texte. Plus on avance dans le roman, et plus il faut accepter de lâcher prise, comme le héros. Pris dans le tourbillon du texte (enfin, l'éruption du volcan, dans le cas présent), il est impossible de refermer le livre avant la dernière page. Avec un seul regret : la fin est un peu trop facile, devant ce que l'on pouvait attendre. Nous exigeons toujours plus, c'est vrai, mais avec de telles ambitions et de telles capacités, on se sent un peu déçus.
On regrettera quelques longueurs dans la dernière partie du livre, largement compensées par une réelle réflexion philosophique qui manque trop souvent aux textes « commerciaux ». On regrettera également des fautes de frappe non corrigées, qui font vraiment désordre...
En bref : pour tous les désaxés, on se jette dessus tout droit (avec de quoi trouver toutes les références culturelles, ce qui fera du travail !). Pour ceux qui ne se posent aucune question, mieux vaudra passer sa route devant une œuvre aussi déroutante.
Voilà enfin, presque cinq ans après Nid de coucou, le nouveau roman de David Calvo, l’auteur le plus extravagant de l’imaginaire francophone. Evacuons tout de suite le résumé : vous pouvez lire la quatrième de couverture ci-dessus, vous n’apprendrez pas grand-chose sur le livre, tout simplement parce qu’Elliot du Néant n’est pas facile à synthétiser.
Mais essayons quand même de lancer quelques pistes. Mêlons, dans un grand écart culturel, « le sonnet en –yx » de Stéphane Mallarmé et son « aboli bibelot d’inanité sonore » à la pop anglaise de Nik Kershaw avec son tube The riddle (aux propos tellement abscons que sa maison de disque organisa un concours pour en trouver le sens et dont le clip lewiscarrollien résonne curieusement avec Eliott du Néant). Ajoutons un couple de tortues parlantes, un morse tenancier d’un restaurant au bout du monde préparant le repas de 200 macareux. Situons l’action dans une école islandaise et suivons un narrateur plutôt étrange, Bracken, professeur de dessin français ayant exercé dans cette école.
Si vous avez déjà lu du Calvo, vous ne serez pas étonné d’un tel mélange. Bracken, sur la piste d’Elliot, entre dans le monde du néant comme Alice passe de l’autre côté du miroir. Ce qui commence comme la simple recherche d’une personne disparue devient vite une plongée dans l’étrangeté. Le sense of wonder tout personnel de David Calvo part à l’assaut de l’esprit du lecteur qui n’a plus qu’à se noyer dans cette poésie de tous les instants, à se laisser happer par ce monde merveilleux. Avec une histoire profondément différente, l’auteur crée les mêmes sensations que dans son deuxième roman, Wonderful : une impression de basculer irrémédiablement dans une folie poétique.
Alors, évidemment, il faut accepter de lâcher prise pendant la lecture, de ne pas chercher un récit cartésien, et les lecteurs découvrant Calvo seront peut-être un peu désarçonnés. Mais, dès que l’on rentre dans le jeu, que l’on suit ses règles de narration, on éprouve un plaisir unique avec la prose de l’écrivain. Et quand émerge insidieusement une tension palpable à l’approche du dénouement, lorsque l’auteur fait basculer sans qu’on s’en aperçoive son récit dans l’effroi, on se retrouve stupéfait devant la puissance de cette fin, et l’évidence apparaît : avec Elliot du Néant David Calvo a produit son meilleur livre.