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L'Homme remodelé

Vance PACKARD

Titre original : The People Shapers, 1978   ISFDB
Traduction de Alain CAILLE

CALMANN-LÉVY (Paris, France)
Dépôt légal : 1978
Première édition
Roman, 360 pages, catégorie / prix : 49 F
ISBN : 2-7021-0276-X
Genre : Hors Genre

Critiques

     COMMENT REFAIRE L'HOMME

     Vous souvenez-vous de cette nouvelle de Lafferty parue dans un ancien Galaxie (le numéro 100, pour être précis) et qui s'intitulait Comment refaire Charlemagne ? Le titre jouait sur le double sens du verbe refaire : faire de nouveau, bien sûr, mais aussi tromper, duper. Tel est le cri d'alarme que lance Vance Packard, le fameux analyste de la société américaine 1 dans ce volumineux et passionnant essai de plus de 300 pages : en voulant remodeler l'homme, pyschologues, sociologues, généticiens, chirurgiens, ne contribuent-ils pas, en fait, à sa perte ? Le dossier réuni par l'auteur est angoissant et nous concerne tous, sur un plan moral et philosophique certes, mais aussi et surtout au niveau de notre vie de tous les jours.
     La question n'est plus « Qu'est-ce que l'Homme ? », mais « Quel type d'Homme allons-nous construire ? » Car pour les nouveaux 'ingénieurs de l'Homme », l'être humain est d'une plasticité presque infinie ! Il n'y a qu'à choisir entre les techniques de contrôle du comportement et celles du remodelage du développement humain. Tout y passe dans un carnaval de cauchemar, de la psychochirurgie au service de l'ordre à la reprogrammation des déviants, du conditionnement des individus à la gestion des masses, de la modification de notre programmation génétique à la location de matrices pour la grossesse... De cette nouvelle vision-réductrice de l'Homme, celui-ci ressort laminé, déstructuré, dépersonnalisé, en miettes.
     De même que le bouquin de Packard, la science-fiction contemporaine s'attache à dénoncer la perte d'identité — et de liberté — qui guette l'individu moderne. Voilà pourquoi tout amateur de science-fiction, tout écrivain de SF se doit de lire L'homme remodelé, car l'homme remodelé c'est déjà vous, moi, au creux d'une société qui tend asymptotiquement vers celle décrite par Huxley dans Le meilleur des mondes 2.
     Et Packard de citer Skinner 3 : « De ce que l'homme peut faire de l'homme, nous n'avons encore rien vu ». A lire L'homme remodelé on le croit aisément et on en a froid dans le dos ; et encore plus pour les années (mois ?) à venir.

Notes :

1. Auteur aux éditions Calmann-Levy de La persuasion clandestine, l'Art du gaspillage, etc.
2. Puisque l'on parle d'Huxley, profitons-en pour citer la réédition, chez Presses-Pocket, du Retour au Meilleur des Mondes, essai écrit en 1968, dans lequel l'auteur reprend les thèmes abordés par lui dans le Meilleur des mondes (1931).
3. Psychologue du comportement, fondateur du behaviorisme moderne et auteur de l'utopie planifiée et puritaine Walden II, dans laquelle il fait dire au chef de la communauté « Je nie absolument que la liberté existe. Il me faut la nier sans quoi mon programme serait absurde ». Skinner qui, dans Beyond Freedom and Dignity, affirme « Ce qu'il faut c'est davantage de contrôle et non pas moins de contrôle ». Vraiment, un très chouette bonhomme, sympa et tout...

Denis GUIOT
Première parution : 1/3/1979 dans Fiction 299
Mise en ligne le : 18/3/2012



     NOS MEILLEURS ARTICLES DANS NOTRE CATALOGUE D'AUTOMNE

     Faut-il pleurer, faut-il en rire ? J'avoue ne pas savoir encore très bien, personnellement. Chaque lecteur de cet ouvrage est libre d'avoir les réactions qu'il veut. Une dernière liberté, car après avoir lu/dévoré ce gros livre, il semblerait que notre capacité de choisir soit en train d'en prendre un méchant coup. Mine de rien, sous le couvert, sans bruit. Choisir... étudier, peser la pour, le contre, évaluer, puis, oui, choisir naïvement que c'était une des caractéristiques de l'humain. Seulement voilà : dans le troupeau, certains de ces humains ont un bagage génétique structuré à l'ancienne mode, en provenance directe des ateliers artisanaux d'avant le déluge. Les productions du cerveau reptilien plafonnent dans les sommets des hit parades et ces « artistes », au nom du Pouvoir sous toutes ses formes, nous mitonnent dans le chaud sérail de leurs laboratoires de savants fous de bien joyeuses petites cochonneries. Tous les clichés (dont celui du savant fou) ne sont pas les symptômes d'une paresse d'auteur ; ils existent souvent parce qu'ils sont l'illustration la plus vraie, la plus forte, d'une réalité.
     Dans l'Homme Remodelé, Vance Packard, journaliste scientifique spécialisé dans l'étude de la société et du comportement humain, dresse un tableau récapitulatif de toutes ces « joyeuses cochonneries » dont je parlais plus haut. Le terme est faible, inexact. Il n'y a rien de joyeux dans cette récapitulation. Les cochonneries, elles, sont là. Les savants fous aussi. Nous lisons, en dos de couverture, dans la présentation de l'ouvrage : « Le problème est d'abord de savoir si savants et politiciens ne sont pas en train de jouer, à une échelle universelle, et avec un enjeu majeur, aux apprentis-sorciers. La science-fiction n'est pas loin de sembler archaïque... » Et comment, que la SF semble archaïque, après lecture de ce livre ! Tous les thèmes principaux y sont recensés, développés, et cela n'a plus rien à voir avec les délires imaginatifs d'un auteur de SF un peu parano. C'est le réel, c'est maintenant, c'est autour de nous, en nous. La grande fiesta, la folle sarabande. Il n'y a plus de cornues aux contenus bouillonnants, la bave de crapaud et les têtes de serpents ne sont plus aux menus et n'entrent plus dans la composition des recettes. Non. La science maléfique est électronique, micro-génétique, chimique. L'homme est un loup pour l'homme. Ce proverbe n'est pas gentil pour les loups, car les loups, contrairement à la croyance populaire, ne se mangent pas entre eux.
     Voici les titres des différentes parties qui composent ce livre : Les techniques de contrôle de comportement ; les techniques de remodelage de l'homme ; le temps des inquiétudes et des alternatives. Pris au hasard dans ce sommaire, les sujets abordés : Le conditionnement du bonheur conjugal... le modelage des écoliers... le conditionnement de communauté entière... quand l'électricité change la personnalité... rendre l'homme plus docile (la psychochirurgie au secours de l'ordre ; l'amendement scientifique des prisonniers ; comment faciliter la gestion des personnes âgées et des malades mentaux ; la discipline chimique dans les écoles}... fabriquer des génies ou des imbéciles... transplanter ou fabriquer des souvenirs... machines à évaluer les motivations...
     J'arrête ici. Tout ceci vous semble connu ? Vous avez lu de la Science-Fiction, vous autres... Seulement voilà : nous sommes en 1984, nous sommes dans un meilleur des mondes possibles.
     Que faire, que dire, en refermant ce livre ? Soupirer : « ah la la ma bonne dame Bidule, où qu'on va ! » Mais on n'y va pas : on y est. Alors ? Se méfier, se méfier, se méfier. Ouvrir l'oeil, le notre, et le bon. Prêt à gueuler, à mordre, à l'entrée de nos terriers, quand le marchand ambulant de l'état passe avec sa petite charrette. Que faire ? Déjà, savoir. Lire ce livre. Et s'imaginer des parades, des armes, en cas d'attaque. Sans espérer que d'autres y penseront pour nous, agiront pour nous : c'est de ceux-là, précisément, les premiers, qu'il convient de se méfier.
     Du même auteur et aux mêmes éditions : L'art du gaspillage et la Persuasion clandestine. Je serais curieux de les lire également, ces deux-là...

Pierre PELOT (site web)
Première parution : 1/2/1979 dans Fiction 298
Mise en ligne le : 18/3/2012

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