Satan se mit à rire et nous demanda quel était notre problème.

     – Rien, répondis-je, sauf que c’est un nom étrange pour un ange.

     Il me demanda pourquoi.

     – Parce que c’est... c’est... ben... c’est son nom, vous savez.

     – Bien sûr. C’est mon oncle.

     Une réponse tout à fait placide, qui nous coupa littéralement le souffle en faisant battre nos cœurs. Lui parut ne rien remarquer et se contenta de réparer d’un simple toucher nos hallebardiers et autres pour nous les tendre, complètement achevés.

     – Vous ne vous souvenez pas ? dit-il. Lui aussi a été ange – jadis.

     – Si, c’est bien vrai, déclara Seppi. Je n’avais pas pensé à ça.

     – Avant la chute, il était sans tache.

     – Oui, confirma Nikolaus. Il était sans péché.

     – C’est une bonne famille que la nôtre, dit Satan. Il n’en est pas de meilleure. Il en est le seul membre à avoir jamais péché.

     Publié aux États-Unis en 1916, six ans après la mort de Mark Twain, L’Étranger mystérieux est l’un des trois ouvrages que Twain écrivit à la fin de sa vie. Ces textes indépendants les uns des autres – Lettres de la Terre, L’Étranger mystérieux et Qu’est-ce que l’homme ? – composent néanmoins une « trilogie » nihiliste qui a marqué l’histoire littéraire américaine.

     L’Étranger mystérieux est inédit en France.