Passionné de cinéma depuis toujours (amateur, chroniqueur, auteur), pionnier (avec Raymond Queneau et Jacques Audiberti) de la science-fiction en France, Boris Vian a écrit sur cet art (quand il n'est pas un commerce) et sur ce genre (propre à revivifier notre imaginaire), et aussi sur le jazz au cinéma, des pages brûlantes autant qu'expertes.
Leur vigueur et leur rigueur sont inentamées.
Banalité aujourd'hui de dire qu'il était « en avance sur son temps » ;
assurément, il est en plein dans le nôtre et, sans doute, dans celui qui commence.
Entrelardant ses réflexions et commentaires, à la fois caustiques et allègres, quelques synopsis savoureux de films attestent qu'avec Boris Vian, dans le burlesque ou la comédie, dans le policier ou le drame et même dans le sentiment, on ne s'ennuie jamais.
Fiction 290. Jean-Marc Gouanvic débutait son étude sur Boris Vian et la science-fiction en ces termes : « C'est avec raison que l'on considère Boris Vian comme l'un des propagateurs les plus éclairés et les plus actifs de la science-fiction américaine dans les années 50 (...) Ses articles sont tenus pour des contributions importantes à la présentation du genre. »
Les voici, ces écrits plus ou moins mythiques, réunis par Noël Arnaud et accouplés avec ceux que le grand Boris a consacrés au cinéma (Le tout entrelardé de quelques synopsis de films, jamais tournés hélas). Ainsi on trouvera dans ce volume le fameux Un nouveau genre littéraire : la science-fiction, article paru dans le numéro d'octobre 1951 des Temps Modernes et écrit avec la collaboration de Stephen Spriel alias Michel Pilotin ; Aimez-vous la science-fiction ? daté de novembre 1953 (dans La gazette de Lauzanne) où Vian annonce, sans la nommer, la création de notre revue ; Paris le 15 décembre 1999, l'une des deux nouvelles de SF écrites par l'auteur (l'autre étant Le danger des classiques rééditée dans Le grandiose avenir, anthologie de la SF française des années 50 — Seghers) ; Architecture et Science-Fiction conférence prononcée à la Maison des Beaux Arts en 1958 et reprise au Collège de Pataphysique, et l'intégrale de Pierre Kast et Boris Vian s'entretiennent de la science-fiction, dont un extrait était déjà paru dans le numéro d'août 69 du Magazine Littéraire consacré à la SF 1.
De par sa formation de Centralien, Boris Vian avait tendance à accentuer le côté scientifique et prophétique 2 de la SF, négligeant l'influence des sciences humaines sur le genre qui nous intéresse. Mais plus de vingt ans après, l'ensemble des propos de Vian se révèle toujours aussi pertinent. Ainsi ses définitions : « La science-fiction c'est un dépaysement de la logique, c'est un changement de logique » ou encore « La SF est une nouvelle mystique ; pour une raison simple : c'est la résurrection de la poésie épique » ; ses réflexions sur le cinéma de SF : « L'esprit même de la fiction scientifique, l'esprit même de l'aventure scientifique est un esprit qui est lié à un renouvellement complet des schémas, un renouvellement complet des thèmes, un renouvellement complet des situations dans les films, et que ce n'est pas obligatoirement dans le Châtelet ; il ne s'agit pas obligatoirement de faire Ben Hur dans les étoiles » 3 ; sa conception de l'auteur de SF « dernier des moralistes et prophète barbu ». Quant au mépris dans lequel était tenu la SF par l'intelligentzia littéraire et non scientifique, mépris que dénonçait violemment Vian, il est toujours là, fidèle au poste !
Notes :
1. Entretien paru aussi intégralement dans le numéro 8/9 de la revue Obliques et dans Futurs n° 4. 2. Par 3 fois, dans 3 articles différents, on a droit a l'histoire de Deadline, la nouvelle de Cleve Cartmill parue dans Astounding en mars 1944 et qui prédisait, avec force détails, la future bombe atomique. 3. Pan dans la gueule à Star Wars ! !