Moi, l'ange gardien d'un quartier de la cité d'H, j'avais pris dans son sommeil une des mortelles dont j'étais responsable, l'épicière Giuseppa Entrezigui.
Moi, l'ange invisible, je l'avais enveloppée de mes ailes transparentes, je l'avais enlevée, tirée de son lit, sortie de sa maison, à minuit, cette brave humaine endormie de soixante-trois ans, en chemise, toute mince et fragile, les cheveux blancs, la peau douce.
Moi, l'ange terrible, par compassion j'avais porté vers les cieux cette vieille épicière.
Afin que les dieux la rassurent, cette Giuseppa, afin qu'ils se montrent à elle, se dévoilent : afin qu'ils lui donnent de l'amour !
Un ange inquiet se demande à quoi servent les anges et quelles sont les limites de leur pouvoir. N'intervient-il pas trop, et de façon trop pesante, dans les destinées humaines ? À cause de lui, une brave commerçante commet un meurtre, un architecte prend une maîtresse et se torture la vie, un vieux juge innocent est inculpé. Voulant faire le Bien, cet ange fabrique des malheurs, et des aventures apparemment comiques deviennent tragiques ! À tel point qu'il risque d'entrer en conflit avec les dieux — qui existent, bien sûr, comme les anges...
Cette nouvelle fable « cosmique » de François Coupry paraît en même temps qu'un court essai (aux mêmes éditions), qui en est le fondement théorique : Notre société de fiction.
François Coupry, né en 1947, a publié de nombreux romans, dont Le Fils du concierge de l'Opéra (Gallimard, 1992) et L'enfant qui lisait dans le ciel (Robert Laffont, 1993), ainsi que des essais, notamment Éloge du gros dans un monde sans consistance (Robert Laffont, 19889). Premier directeur de la Maison des écrivains, il est actuellement président de la Société des gens de lettres.