Retour dans la petite ville de Caldwell pour ce troisième opus du cycle Anges déchus de J. R. Ward et nouvelle mission pour Jim Heron : sauver l'âme de Thomas DelVecchio, un inspecteur de police dont le père, célèbre tueur en série, est détenu dans le couloir de la mort. Mais la démone Divine a pris plusieurs coups d'avance et le policier se retrouve piégé dans un plan machiavélique mettant en péril sa carrière et sa santé mentale. L'intérêt que lui porte Sophie Reilly, agent de l'inspection générale des services, sera-t-il suffisant pour faire basculer la balance vers le Bien ?
Entremêlant étroitement ses deux séries — La Confrérie de la dague noire et Anges déchus — J. R. Ward n'hésite pas à utiliser les mêmes décors et à impliquer ses personnages dans des situations communes, créant un univers partagé. La scène d'ouverture de Jalousie prend ainsi sa source dans L'amant déchainé — tome 9 de son premier cycle — où des vampires attaquent David Kroner, un tueur en série qui ose les déranger alors qu'ils vaquent à leurs petites affaires. Ils le laissent presque mort au pied d'un Thomas DelVecchio assommé violemment au moment de la bagarre. L'auteur nous avait déjà fait le coup en plaçant sa première héroïne, Marie-Terese, comme prostituée au Masque de fer, une boite de nuit tenue par nos amis suceurs de sang. Les fans naviguent donc en terrain connu et prendront très certainement plaisir à cet univers familier. Ils retrouveront ainsi l'inspecteur De La Cruz qui n'a franchement pas de chance avec ses binômes. Après avoir perdu Butch au profit de la Confrérie deux ans plus tôt — dans L'amant révélé, tome 4 de l'autre série — , son nouveau coéquipier DelVecchio devient suspect dans cette affaire d'agression.
Côté romance, pas de bouleversement scénaristique en vue. Le policier est tiraillé entre ses démons personnels — a-t-il hérité de la perversion de son paternel ? — et ses sentiments naissants pour sa collègue Sophie Reilly. Celle-ci le tient à l'œil depuis sa possible implication dans le passage à tabac de David Kroner. Nos tourtereaux vont donc vivre une histoire compliquée et pleine de contretemps, mais assez classique puisque c'est l'un des ressorts répétitifs de ce cycle.
En revanche, si miss Ward utilise le recyclage, elle développe un imaginaire très créatif et plein d'humour où la prise de risque paye. Point ici de chevalier blanc qui irradie de bonté et se sacrifie pour le bien de tous, les protagonistes d'Anges déchus possèdent tous une part d'ombre qui s'exprime plus que régulièrement. S'il ne fait aucun doute que l'histoire d'amour entre Thomas et Sophie sera menée à son terme malgré les chemins tortueux qu'elle emprunte, le devenir de Jim et de ses acolytes — Adrian et Eddie — reste sujet à caution. Ils ont beau posséder des ailes, aucun des trois ne peut être qualifié d'angélique et leurs actions encore moins ! C'est le destin de cette petite bande et celui de Divine, leur ennemie jurée, qui comportent le plus de suspens. Et on peut dire que celui-ci est savamment entretenu.
L'obsession de Jim pour Sissy, une des victimes de la démone, ne connait pas de limite. Il met tout en œuvre pour enquêter au risque de fragiliser sa position et de sortir de son rôle dans le match qui oppose le Bien contre le Mal. L'intrigue est menée tambour battant et nous restons fébrilement en attente de prochaines révélations susceptibles de faire basculer l'histoire. Les personnages sont ballottés par les événements et la démone n'est pas plus épargnée que Jim et son équipe ou encore que notre quatuor d'Archanges hauts en couleur, postés en observateurs depuis le Paradis. Tout le monde en prend pour son matricule : un pur bonheur !
Si l'humour demeure bien présent — comment ne pas sourire devant ce démon qui consulte un psy pour travailler sur ses tocs — , l'atmosphère se révèle plus sombre par rapport au début de la série. Certes, J. R. Ward propose de la romance, mais son univers se décline toujours dans un camaïeu plein de noirceur qui passe, ici, un degré supplémentaire. Le comportement de Jim s'avère régulièrement limite, voir dérangeant pour un agent œuvrant pour le Bien — on en plaindrait presque la pauvre Divine — , même s'il ne faut pas oublier qu'il conserve son libre arbitre et qu'il peut très bien basculer vers le côté obscur de la force...
Bref, encore une fois miss Ward nous propose un roman d'excellente qualité. Incontournable et addictif !
Nathalie TELL
Première parution : 7/12/2013 nooSFere