Petit rappel : Autre-Monde n'est autre que notre Terre rendue à une Nature exubérante à la suite d'une bien étrange tempête. Alors que les enfants – Pans – sont demeurés indemnes, les rares adultes survivants – Cyniks ou Gloutons – souffrent d'amnésie et se montrent violents (voir critique du tome 2).
Nos héros, Matt et Ambre, arrivent enfin à Eden, la cité qui abrite la plus grande communauté de Pans. Ils y annoncent la guerre imminente que préparent les Cyniks aux ordres de la Reine Malronce...
Après la quête, voici venue la guerre finale. Structurée comme une trilogie de fantasy, Autre-Monde s'achève avec ce Cœur de la Terre animé du même dynamisme que les précédents volumes. Ces aventures spectaculaires et rythmées emportent d'autant plus facilement l'adhésion du lecteur que Chattam a réussi à nous épargner les temps morts que comportent bien d'autres trilogies.
Restait une réticence quant à la cohérence interne de cet univers où, en plus du décor post-apocalyptique et de la thématique écologique, l'auteur replace ça et là quelques vagues justifications scientifiques, à base d'altérations génétiques et d' « énergie » issue de la fameuse matière noire de l'univers. Ces éléments science-fictifs beaucoup trop évasifs pour être crédibles paraissaient inopportuns et factices dans un récit aux forts accents fantastiques.
Tout bascule dans ce troisième tome lorsqu'on apprend les véritables identités du sombre Raupéroden et de l'inquiétante reine Malronce. L'intrigue prend alors un tour plus psychanalytique : Autre-Monde peut se deviner comme le paysage mental d'un adolescent bouleversé.
Ce nouvel éclairage permet de réinterpréter les épreuves traversées par nos héros et de balayer les objections sur la cohérence du monde où ils évoluent. Ce n'est plus la Terre qui se révolte contre l'humanité, mais un adolescent qui rejette le monde des adultes en raison d'un drame personnel. Les vagues hypothèses scientifiques ne reflètent guère que les connaissances superficielles ou les fascinations de l'adolescent, qu'il mêle sans sourciller à l'évocation de super-pouvoirs ou à des visions plus radicalement fantastiques.
De même, on s'étonne moins de la contradiction apparente d'un discours qui rejette Dieu pour ce qu'il n'est qu'une tentative de rationaliser l'univers afin de rassurer l'homme, mais qui y substitue aussitôt une sorte de « conscience » terrestre vengeresse, ou un « arbre de vie » protecteur, entités un peu naïves auxquelles on peut évidemment adresser le même reproche.
Enfin, l'opposition que j'avais qualifiée de « simpliste » entre enfants et adultes prend ici tout son sens et devient plus « naturelle ».
Bref, au-delà de ses péripéties, Autre-Monde est une mise en scène du syndrome de Peter Pan. Même si la trilogie demeure avant tout un récit d'aventures fantastiques principalement destiné à la jeunesse, Chattam nous offre ainsi un autre niveau de lecture pertinent et bienvenu.
Du coup, on accueille sans déplaisir la page 471 où la mention « Fin du premier cycle d'Autre-Monde » nous informe que Matt n'a pas dit son dernier mot.