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La Femme de Putiphar

Gaston COMPÈRE

Première parution : Verviers, Belgique : Gérard et Cie, Bibliothèque Marabout - Fantastique, 1975

Présenté par Paul EMOND & Marc LITS
Illustration de Marc SEVRIN

LABOR (Bruxelles, Belgique), coll. Espace Nord précédent dans la collection n° 105 suivant dans la collection
Dépôt légal : 1995, Achevé d'imprimer : 17 octobre 1995
Réédition
Recueil de nouvelles, 336 pages, catégorie / prix : 5
ISBN : 2-8040-1076-7
Format : 11,0 x 18,0 cm
Genre : Fantastique

L'ouvrage fait l'objet d'une coédition entre Labor et RTBF Éditions. Dépôt légal belge à la KBR : D/1995/258/75.


Quatrième de couverture

Il y a diable et diable. Les grands, les gros, les gras, les féroces, les lubriques, les bêtes, les méchants. Puis, les autres – tous les autres dont les formes et les allures défient l'imagination. Ils sont des mil­liers et utilisent les tours les plus extraordinaires pour jouer aux vivants et aux morts. Peut-on y échapper ? Avec une verve et un humour qui font merveille, Gaston Compère donne ici un recueil de contes fantastiques où éclatent toutes les couleurs de l'Enfer. Et où se marient fantastique, diablerie et inventions verbales, composant ainsi un univers fort singulier auquel fut accordé le Prix Jean Ray 1975.

Gaston Compère est né en 1924 dans le Condroz namurois. Très tôt, il commence à lire et s'intéresse au piano. Il étudie la musique au Conservatoire de Liège et écrit une thèse sur le théâtre de Maeter­linck. Poète, nouvelliste, romancier, dramaturge, essayiste, il est l'auteur d'une œuvre ample, origi­nale et puissante.

Sommaire
Afficher les différentes éditions des textes
1 - Paul EMOND, Préface, pages 7 à 13, préface
2 - Histoire de la comtesse Louise, pages 15 à 38, nouvelle
3 - Barbe-bleue soixante-quinze, pages 39 à 63, nouvelle
4 - Théo-Sophie, pages 65 à 94, nouvelle
5 - Absalon Absalon, pages 95 à 110, nouvelle
6 - La Disparition du Grand Nègre, pages 111 à 129, nouvelle
7 - Reperiens quem devoret, pages 131 à 136, nouvelle
8 - Le Petit pentagone, pages 137 à 148, nouvelle
9 - Avant d'oublier, pages 149 à 161, nouvelle
10 - La Femme de Putiphar, pages 163 à 196, nouvelle
11 - Rosier et la rosière, pages 197 à 229, nouvelle
12 - Cora, pages 231 à 253, nouvelle
13 - L'Armoire de sacristie, pages 255 à 282, nouvelle
14 - Marc LITS, Lecture, pages 291 à 323, postface
15 - (non mentionné), Éléments biographiques, pages 324 à 326, biographie
16 - (non mentionné), Choix bibliographique, pages 327 à 330, bibliographie
Critiques des autres éditions ou de la série
Edition MARABOUT - GÉRARD, Bibliothèque Marabout - Fantastique (1975)

 
     Quelles qualités faut-il avoir pour écrire en 1975 un livre fantastique ? Avoir une solide culture pour pouvoir piocher avec aisance dans les archétypes, être massivement réactionnaire (ou faire semblant de l'être) pour ignorer délibérément le présent et ses problèmes. Pas de contestation, de pollution, de MLF, de centrales nucléaires et de missiles Pluton dans La femme de Putiphar, un recueil de 12 textes signés Gaston Compère (un bien savoureux pseudo), qui a recueilli cette année le Prix Jean Ray décerné par les éditions Marabout. Rien de tout ça, non, mais une délicate plongée dans un climat de sous-préfecture qui évoque à s'y méprendre le début du siècle ou la fin du précédent, ainsi que des écrivains comme Barbey d'Aurevilly, Guy de Maupassant et d'autres que je ne connais pas, même par ouï-dire, mais que notre Compère possède sûrement sur le bout des doigts. C'est dans ce climat qu'on respire une délicieuse odeur de graillon, de stupre, de lucre et de musc, que dégagent à l'envi les salons bourgeois et leurs officines, les jardins à la française, les ateliers de peintre, les bordels (bien sûr !) et les sacristies dessinés par Compère, tous endroits où l'on bouscule gaillardement mémée dans les orties — je veux dire : de fraîches et grasses (Compère n'aime la chair que débordante) créatures plus ou moins consentantes (et qu'importe ! La femme n'est qu'un objet, un réceptacle à foutre...), dans la paille ou dans la plume. Mais avec quelle délicatesse de touche ! « Il aimait les âmes, lui, et spécialement celles, il est vrai, qu'agrémentaient de fortes fesses, douces et molles. » (p. 202).
     Parce que, bien sûr, qui dit récit fantastique sous-entend lutte du Bien et du Mal, donc de Dieu et de ses anges contre le Malin et ses hordes de démons, c'est-à-dire encore le trafic d'âmes, la damnation, les tentations, les sortilèges et les miracles. Des chairs grasses, oui, mais à l'intérieur de la grâce, LA grâce, qui sera l'enjeu de tous ces combats, le jeu de chacune des nouvelles. Qu'il est bien inutile de résumer, même d'évoquer : tout le jeu se déroule et se roule sur le mot, sur la phrase. Car Compère est avant tout un styliste qui nous donne l'air d'avoir tourné 70 fois ses phrases dans sa tête avant de les coucher sur le papier. Il fait partie, ça se voit dès la première ligne, de ces jeunes auteurs qui, à droite ou à gauche, ont repris le flambeau et la manière des vieux Nimier ou Blondin pour ce qui est de ciseler un texte — ce que j'appellerais, sans que cette dénomination soit forcément injurieuse, les « nouveaux précieux » — et où l'on peut regrouper pêle-mêle un Gérard Guégan (Les irréguliers 1), un René Ehni (La gloire du vaurien 2), un Didier Yanzieu (Contes à rebours 3). A la prochaine révolution maoïste, au prochain coup d'état fasciste, tous ces beaux messieurs se retrouveront dans un camp de travail, c'est moi qui vous le dis, et je serai peut-être parmi les gardiens. Mais en attendant, quel délice de se rouler à leur suite dans la décadence, la déliquescence...
     Regardez-moi comment Compère traite la mort :
     « Ses soupirs se succédaient. Il arriva même qu'à la suite d'une maladie bizarre, elle poussât le dernier ; pour être exact : qu'elle le rendît. A qui ? Le mystère reste entier. » (p. 207).
     Et les femmes :
     « Elle avait une âme d'épicière. Une âme de sous-off. Elle était étriquée dans l'expansion. Corps d'ignanodonne, cervelle de bengalie. » (p. 1 52).
     (Et raciste, avec ça ! !).
     Il faudrait tout citer. Mais pour en rester sur un air vaporeux, une odeur subtile, je vous renvoie à ce mignon portrait des vapeurs d'une jeune vierge : « Dieu me pardonne, il lui arrivait de s'oublier : elle lâchait ce que le Petit Larousse et sœur Noémi appellent un gaz qui sort du fondement avec bruit : les propriétés principales du phénomène la faisaient rire, ce qui montre bien à quel point elle était encore enfant ; son rire la rassurait un peu. Mais peut-on vraiment compter sur un pet pour supporter l'angoisse du présent ? » (p. 188).
     Tant de nuances pour retranscrire le vulgaire (et qui nous font oublier quelques facilités, comme appeler un aide de camp un « aide de foutre le camp ») ne peuvent pas, décidément non, être le fait d'un fieffé réactionnaire. Ses traits minutieusement acérés contre les « boniches » ou les syndicalistes ne peuvent être sincères, mille fois non, et ne sont là que pour donner le ton, pour charger le portrait. Sincère, cette profession de foi : « Je continue à soutenir que, pas plus que les bourgeois n'épousent les prolétaires, les patrons ne prennent leurs comptables comme associés, » (p. 141) Allons donc ! Compère se paye notre fiole, il se marre et, haha, nous nous marrons avec lui. Gageons même que cet enseignant-poète est un militant enragé de la FEN et qu'il lit Libération chaque matin en buvant son café au lait... Enfin, feignons de le croire : ça me donnera, à moi critique « de gauche », un bon kilo de bonne conscience pour écrire que La femme de Putiphar, à l'intérieur d'un genre sans doute mineur et en tout cas furieusement rétro, est un vrai petit chef-d'œuvre d'humour.
     Un chef-d'œuvre qui, je tiens à le préciser pour terminer, n'a vraiment pas grand-chose à voir avec Jean Ray, dont la célébration posthume, qui se perpétue après une décennie à coups d'exhumations continues de petits crachouillis minables (n'est-ce pas Marabout ? N'est-ce pas Christian Bourgois ?), commence vraiment à me faire bouillir dans mes sabots.

Notes :

1. Jean-Claude Lattès.
2. 10/18
3. Christian Bourgois.

Jean-Pierre ANDREVON (lui écrire) (site web)
Première parution : 1/10/1975
dans Fiction 262
Mise en ligne le : 5/1/2015

Prix obtenus
Jean Ray, [sans catégorie], 1975


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