Site clair (Changer
 
    Fiche livre     Connexion adhérent
La Symphonie des spectres

John (Champlin) GARDNER

Titre original : Mickelsson's Ghosts, 1982
Première parution : New York, U.S.A. : Alfred A. Knopf, Inc., 1982   ISFDB
Traduction de Philippe MIKRIAMMOS
Traduction révisée par Thomas DAY

POINTS (Paris, France), coll. Signatures précédent dans la collection n° P3175 suivant dans la collection
Date de parution : 9 janvier 2014
Dépôt légal : janvier 2014
Réédition
Roman, 938 pages, catégorie / prix : 13.50 €
ISBN : 978-2-7578-3139-7
Format : 12,0 x 17,8 cm
Genre : Fantastique

Image de couverture : © Marie Docher / Plainpicture


Quatrième de couverture

« Il était voué, subtilement et irrévocablement condamné au monde d'ombres dont il sentait constamment la proximité... » Harcelé par le fisc, l'ancienne gloire de la philosophie Peter Mickelsson se réfugie dans un hameau perdu de Pennsylvanie. Là, dans une vieille bâtisse prétendument hantée, il entame l'écriture de son grand œuvre. Mais des silhouettes rôdent dans la campagne alentour, une voiture le file, son nouveau foyer est cambriolé... Ces étranges événements sont-ils le fruit de sa démence ? Ou les manifestations d'une inexplicable hostilité à son endroit... peut-être surnaturelle ?

John Gardner est né en 1933 à Batavia, New York. Professeur d'université spécialiste de la littérature médiévale, critique acerbe, écrivain iconoclaste, il se tue à moto en 1982.

Critiques des autres éditions ou de la série
Edition DENOËL, (2013)

 
     Après Grendel il y a peu, Gilles Dumay continue son exhumation des œuvres de John Gardner avec la présente réédition de son dernier roman, La Symphonie des spectres (on pourra légitimement préférer le titre original, Mickelsson's Ghosts), mais pas dans la collection « Lunes d'encre », cette fois (il est vrai que l'élément fantastique, s'il a son importance, reste diffus tout au long des presque 800 pages de ce monstre littéraire). « Le chef-d'œuvre oublié de la littérature américaine », nous dit la couverture. Le procédé peut faire grincer des dents... mais pour une fois, c'est peut-être bien vrai.
     Peter Mickelsson est un professeur de philosophie dans une obscure université de Pennsylvanie. Cet ancien footballeur (il y tient) traumatisé par Luther (il est issu d'une longue lignée de pasteurs) et obsédé par Nietzsche est à bien des égards un raté, cerné par les problèmes. Et notamment ceux qui concernent l'argent : son ex-femme Ellen est dépensière et inconséquente, mais il se sent tenu de lui verser plus que de raison, notamment pour assurer l'éducation de leurs deux enfants, dont il n'a pas eu de nouvelles depuis un bail ; aussi n'a-t-il pas payé ses impôts depuis quelques années, ce qui lui vaut d'être harcelé par l'IRS. Ses cours comme ses collègues le gonflent pas mal, et il ne s'intéresse plus guère à la recherche (même s'il envisage de publier un best-seller de philosophie pour les nuls). Il accumule par ailleurs les déceptions sentimentales, et les faux-pas qui vont avec, notamment avec la prostituée mineure Donnie et la sociologue (non marxiste, un cas unique !) Jessie. Il sombre peu à peu dans l'apathie, laissant traîner son courrier, et ne retrouve un tant soit peu de goût pour la vie qu'en s'exilant dans les Montagnes Infinies, à une heure de route de sa faculté : en effet, bien que n'ayant pas l'argent pour ce faire, il fait l'acquisition d'une vieille demeure près de Susquehanna, bled paumé infesté de sorciers et de mormons ; là-bas, il passe son temps à retaper la baraque et à fabriquer lui-même ses meubles. Seulement voilà : la maison a la réputation d'être hantée... et ça pourrait bien être davantage qu'une superstition campagnarde.
     Peter Mickelsson, dans lequel on reconnaît pas mal John Gardner lui-même, est un superbe personnage, d'une humanité rare, aussi attachant qu'agaçant, et merveilleusement complexe. A travers lui, John Gardner dresse un portrait lucide de l'Amérique au tournant des années 80, quand Reagan arrive à la Maison Blanche. Il faut dire que les digressions sont nombreuses (avec des vrais morceaux de cours de philo dedans), qui permettent de mieux cerner la personnalité de ce magnifique loser de héros.
     Aussi le roman, loin d'être frénétique malgré ses faux airs de thriller fantastique vaguement conspirationniste (Mickelsson est passablement paranoïaque...), prend-il son temps, se développe-t-il avec une lenteur majestueuse. Mais, tout au long de ces presque 800 pages (on l'a dit), il ne suscite jamais pour autant l'ennui. Belle performance : ce pavé, pour exigeant qu'il soit par moments, notamment du fait de sa trame diffuse et des délires philosophiques plus ou moins sérieux qui le parsèment, est, ainsi que le fait remarquer Fabrice Colin dans sa postface, impossible à lâcher. C'est qu'on se prend vite d'intérêt pour le sort du pathétique Mickelsson, et que Gardner, de sa plume habile et splendide, étonnamment fluide, sait toujours rattraper son lecteur et lui intimer l'ordre de poursuivre.
     La Symphonie des spectres est un roman souvent drôle, parfois même hilarant — ainsi, dans sa satire lucide de l'université et des mondanités hypocrites qui vont avec — , mais aussi profondément émouvant. Et, si l'appellation un peu facile et parfois tellement creuse de « roman philosophique » peut sembler plus ou moins pertinente, on se prend cependant d'envie de le qualifier de « roman total », tant il balaye une multitude de thèmes avec un brio sans cesse renouvelé. Tout y passe, du plus trivial au plus sérieux, et les interrogations éthiques abondent à l'égard de l'ensemble. Et c'est passionnant.
     Superbe description d'un homme qui sombre pas à pas dans la dépression et la folie (ou pas), l'ultime roman de John Gardner est une merveille d'une richesse insoupçonnée, à vrai dire inclassable. Jamais lassant en dépit de sa longueur, débordant d'humanité et d'empathie, soufflant le chaud et le froid avec une maestria qui n'appartient qu'aux meilleurs, c'est un livre fascinant et en tout point abouti qui ne prête en rien le flanc à la critique. Il relève de la meilleure littérature américaine — et au-delà — , et constitue bel et bien un authentique chef-d'œuvre. Précipitez-vous sur cette merveille, réédition bienvenue après une trentaine d'années d'un injuste oubli. La Symphonie des spectres, avec son ambition phénoménale mais jamais étouffante, est bel et bien la confirmation du génie de son auteur. Un livre rare, bluffant, à chérir précieusement, et dont on espère qu'il augurera de nouvelles publications.

Bertrand BONNET
Première parution : 1/1/2013
Bifrost 69
Mise en ligne le : 12/12/2017

retour en haut de page

Dans la nooSFere : 87296 livres, 112236 photos de couvertures, 83732 quatrièmes.
10815 critiques, 47166 intervenant·e·s, 1982 photographies, 3915 adaptations.
 
NooSFere est une encyclopédie et une base de données bibliographique.
Nous ne sommes ni libraire ni éditeur, nous ne vendons pas de livres et ne publions pas de textes. Trouver une librairie !
A propos de l'association  -   Vie privée et cookies/RGPD