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Cloud Atlas (Cartographie des nuages)

David MITCHELL

Titre original : Cloud Atlas, 2004   ISFDB
Traduction de Manuel BERRI

POINTS (Paris, France) n° P2759
Dépôt légal : février 2013
Roman, 720 pages, catégorie / prix : 8,90 €
ISBN : 978-2-7578-3378-0
Genre : Imaginaire

Réimpression à l'occasion de la sortie du film ; le titre en couverture est "Cloud Atlas (Cartographie des nuages)", celui en pages intérieures est "Cartographie des nuages". Couverture d'après l'affiche du film (Motion Picture Artwork © 2013 Warner Bros. Entertainment Inc.).

Autres éditions

Sous le titre Cartographie des nuages   OLIVIER (Éditions de l'), 2007
   POINTS, 2012

Quatrième de couverture
     1850 : Adam Ewing, notaire aventurier, découvre les aborigènes. 1931 : Robert Frobisher, jeune musicien, se met au service d'un compositeur de génie. 1975 : Luisa Rey, journaliste risque-tout, déjoue un complot nucléaire. Plus tard : le clone lettré Sonmi~451 est condamné à mort pour rébellion. Leur point commun : une étrange tache de naissance. Les couloirs de l'Histoire seraient-ils impénétrables ?

     Né en 1969 en Grande-Bretagne, David Mitchell a été trois fois finaliste du Booker Prize. Les Mille Automnes de Jacob de Zoet sont disponible en Points.

     Un chef-d'œuvre presque absolu. »
The Washington Times
Critiques des autres éditions ou de la série
Edition POINTS, (2012)

     Quel lien unit ces six histoires ? Le journal de la traversée du Pacifique d'Adam Ewing raconte l'éprouvante traversée d'un jeune et naïf homme de loi, mais aussi assuré de sa supériorité de Blanc, sur un voilier dont un des esclaves est le dernier des Morioris, pacifique peuple des îles Chatham décimé par l'entremise des Anglais qui débarquèrent sciemment sur leur île les féroces Maori. Adam est rongé par un parasite attaquant le cerveau et le journal s'interrompt brutalement. Les Lettres de Zedelgheim sont celles qu'écrit dans les années trente Robert Frobisher, jeune musicien vaniteux qui entre au service d'un célèbre compositeur invalide, dont il couche sur le papier la musique que ce dernier a en tête, apprenant à son contact tout en écrivant sa propre œuvre, exigeante, intitulée Cartographie des nuages. C'est là qu'il lit le récit incomplet exposé en ouverture. L'amant destinataire de ces lettres est un savant au centre de l'histoire suivante, Demi-vies, la première enquête de Luisa Rey, autour d'un rapport défavorable sur une centrale nucléaire en construction, qui voit disparaître tous ceux qui tentent de mettre la main dessus . Ce récit d'espionnage qui joue à fond les codes devient le début d'un manuscrit adressé à un éditeur que son frère intrigant fait interner dans une maison de retraite, où, drogué, il tente en vain de s'échapper . L'épouvantable calvaire de Timothy Cavendish est suivi de L'Oraison de Sonmi-451, qui se déroule dans une Corée du futur régie par des corporations consuméristes qui désignent les objets par sony, ford, disney, nike... « Fractaire » dans une chaîne de restauration, Sonmi-451 est un clone à la nourriture chimiquement contrôlée, abolissant la mémoire et empêchant la compréhension du système. Elle deviendra une Âme le jour de sa douzième étoile et vivra alors parmi les sang-purs. Mais soumise, comme d'autres, à une expérience d'élévation, ses capacités intellectuelles font d'elle un prodige lui permettant d'échapper à son destin et de réaliser l'esclavage dans laquelle elle était tenue. Mais comme elle répond aux questions d'un Archiviste avant de se rendre au Phare, où on l'exécutera, on peut s'interroger sur le succès de révolte dans une société aussi verrouillée, digne de Huxley et Orwell, ici cités comme auteurs « optimistes ». L'histoire centrale, La Croisée d'Sloosha pis tout c'qu'a suivi est un autre récit de pure SF, situé à Hawaï, dans un futur post-cataclysmique où, régulièrement assaillies par des hordes barbares, des tribus ayant perdu la Savance, dirigées par des Abbesses enseignant les préceptes de la déesse Sonmi, reçoivent une ethnologue issue du dernier bastion de civilisation. Elle est venue étudier les coutumes locales et peut-être récupérer dans les observatoires au sommet du Mauna Kea des bribes de savoir, forcément démoniaques pour le jeune narrateur, qui a pris en grippe la paisible Presciente, peut-être justement parce qu'elle lit dans son esprit. Ce récit, le seul délivré d'une traite, est rapporté dans un langage abâtardi qui n'est pas sans rappeler Les Fables de l'Humpur de Bordage ou Le Livre de Dave de Will Self ; le futur après la Chute est bien sombre mais il subsiste une lueur d'espoir. Magistralement écrit avec, comme les autres, un style approprié, il n'a rien à envier à ce qui se publie ailleurs en science-fiction. On y trouve de belles trouvailles, comme si Mitchell n'avait toujours écrit que ça, évitant les naïvetés et pesantes explications qu'on trouve d'ordinaire chez les dilettantes.

     Mais nous n'en sommes qu'à la moitié du livre. La lecture se poursuit par l'interrogatoire de Sonmi, la fin du calvaire de Cavendish et, à rebours, par chacune des histoires enchâssées comme une succession d'encarts dans un magazine. Chacune s'articule avec les suivantes en même temps que des images, des réflexions, pour dérouler la même ritournelle à travers les époques, celle de la violence. L'homme esclave de sa violence prend diverses figures selon les situations : de l'esclavage traditionnel on passe à la situation de maître-esclave du musicien au service d'une célébrité, puis à celle de la journaliste sommée d'obéir à un patron obtus, à la dépendance, jusqu'au clone conçu dans ce sens, puis au retour de la barbarie. Point de dichotomie entre le Bien et le Mal ici : même les personnages positifs sont bourrés de défauts, égoïstes, lâches, condescendants ou pétris de préjugés. Chaque histoire contient aussi une trahison destinée à s'emparer d'un bien d'autrui, mais d'une mauvaise action résulte un bien.

     Cette violence qui fait résurgence au centre du roman est une méditation autour de l'éternel retour nietzschéen dont Mitchell, de son propre aveu, a été obsédé. Le point commun à chaque protagoniste, une tache de naissance en forme de comète, symbole de présage, suggère l'origine génétique, récurrente, de cette violence, même après que l'Homme ait décidé de manipuler les gènes à la place de la nature. « Sonmi était née d'un dieu d'Savance nommé Darwin, c'est c'qu'on pensait. » est la réflexion glissée dans le récit central. Darwin avait été pareillement choqué par cette violence lors de son périple dans le Pacifique. Chaque récit évoque une forme d'esclavage, raconte une traîtrise, présente des individus positifs bourrés de défauts, égoïstes et pétris de préjugés. Miroirs et enchâssements répètent des motifs à l'infini. Ce n'est pas un hasard si Melville, peintre de l'ambiguïté et précurseur de la littérature de l'absurde, est évoqué dans chaque récit, jusqu'à placer un Melvil dans le futur post-cataclysmique, on vogue le Navire de la Sapience explorant, comme au début, les îles du mal-nommé Pacifique.

     Le fait que des drogues ou parasites rongeant le cerveau sont récurrents soulignent combien l'idée de recommencement suscite l'indignation de l'auteur. Si éternel retour il y a, peut-on alors avoir la prémonition des futurs susceptibles d'influencer les présages de la comète ? En miroir de cette question obsédante revient le regret de l'éditeur âgé qui n'a pas pensé à repéré les moments de bonheur pour les retrouver ensuite, lui qui rêve « d'avoir la carte définitive d'un immuable ineffable », de « posséder si pareille chose existait, une cartographie des nuages ». Du souffle, de la virtuosité, de la générosité, dans une écriture sans cesse réinventée, Cartographie des nuages est un chef d'œuvre.

Claude ECKEN (lui écrire)
Première parution : 18/6/2012
nooSFere

Adaptations (cinéma, télévision, BD, théâtre, radio, jeu vidéo...)
Cloud Atlas , 2012, Tom Tykwer & Lana Wachowski

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