« Il était une fois un prince beau comme le jour. Il vivait entre son chien et son cheval, à l'orée d'un bois, dans un château aux murs gris et au toit mauve... »
C'est pour sa femme Michelle convalescente, que Boris Vian rédigea en 1943 ce conte de fées où abondent les sorcières, les cavernes, les îles fantastiques, comme dans les romans de chevalerie médiévaux. Mais n'attendons pas, bien sûr, du futur romancier de L'Ecume des jours qu'il prenne au sérieux les mille et une péripéties qui jaillissent sous sa plume. Dès cette oeuvre de jeunesse, son jeu consiste à piéger le récit à coups de calembours, de clins d'oeil, de dérision et de burlesque. Il y excelle, et nous amuse autant qu'il s'amuse.
« Le premier chapitre n'est pas de moi » est le titre du premier chapitre... Un peu plus loin, le troisième chapitre se limitera à deux mots : « Sans intérêt » !
Le ton est immédiatement donné : Boris Vian s'est laissé aller à la dérision la plus triviale. Gags faciles, calembours approximatifs, notes absurdes, commentaires divers, péripéties débiles nous attendent dans ce récit qui dynamite les clichés du conte et de la fantasy, de façon plus habile qu'on ne pourrait croire avec un regard superficiel, parce que les astuces se succèdent sans jamais se répéter.
Par exemple, si Vian singe un style moyenâgeux, il ne le fait que sur quelques lignes, pour s'en moquer dans les lignes suivantes, et passer à autre chose... La variété de son inspiration empêche ainsi toute lassitude, et c'est avec jubilation que l'on dévore ce drôle de conte, irrévérencieux et burlesque.
Cette édition présente également une seconde version incomplète du conte, où Vian a semblé vouloir supprimer — à tort — les gags les plus faciles, ainsi que l'ébauche d'une suite qui ne verra malheureusement jamais le jour.
En bref, un vrai régal de bonne humeur, qui devrait enthousiasmer, entre autres, les amateurs de Lewis Carroll et de Terry Pratchett !