Adrian Eckard, biologiste de talent, réchappe à un attentat de dimension planétaire en perdant la vue. Bénéficiaire de la première greffe cybernétique oculaire mais bouleversé par l’évènement, il quitte tout pour parcourir le monde et enseigner la science la plus fondamentale dans les endroits les plus reculés. Humble et charismatique, soutenu par des compagnons convaincus, il fonde un mouvement mondial, le thinking, qui rencontre un succès foudroyant et bientôt, le dépasse. Pour le meilleur comme pour le pire...
Sa soeur Diane, neuro-informaticienne de génie, est au même moment recrutée par Eternity Incorporated, entreprise philanthropique vouée à la survie de l’espèce humaine par-delà d’hypothétiques catastrophes en tout genre. Elle y développe les premières consciences artificielles destinées à oeuvrer pour notre bien. À moins qu’elles ne finissent par nous remplacer...
Dans un monde en proie aux questions brûlantes des dernières découvertes scientifiques, Thinking Eternity est à la fois un thriller haletant, une enquête journalistique et une anticipation visionnaire qui nous montre en direct la marche de l’humanité vers sa singularité, ce moment-clé où les capacités technologiques dépasseront l’être humain. Pour l’éternité ?
Remarqué pour ses textes courts et son premier roman, Raphaël Granier de Cassagnac est chercheur en physique des particules. Il fait partie de ces voix nouvelles et talentueuses de la science-fiction francophone qui nous permettent de déchiffrer le futur proche. Passionné par les voyages, les villes et l’imaginaire, il anime chez Mnémos la collection de livres-univers Ourobores.
Critiques
9 novembre, une date funeste dans l’histoire de l’humanité. Des terroristes répandent un gaz mortel dans des stations de métro du monde entier. Plusieurs milliers de personnes meurent à travers la planète. Quelques rares individus survivent, mais y perdent la vue. Adrian Eckard est l’un d’eux. Ce biologiste de haut niveau va profiter de la greffe d’un œil révolutionnaire. Homme augmenté, mais complètement bouleversé par cet événement tragique, il change de vie. Il va désormais partager son savoir avec ceux que le monde a laissés de côté, créant ainsi, sans le vouloir, un mouvement mondial, le thinking. De son côté, sa sœur, brillante neuro-informaticienne, est approchée par Eternity Incorporated. Cette entreprise tentaculaire, à la fortune considérable et à l’influence non moins importante, cherche des moyens de sauver l’espèce humaine : villes protégées par des bulles, intelligences artificielles, etc. Malgré eux, frère et sœur vont se trouver mêlés à des intrigues telles que le visage du monde en sera durablement modifié.
En 2011 paraissait Eternity Incorporated (critique in Bifrost 65), chronique d’un monde ravagé par un virus exceptionnellement efficace. Thinking Eternity nous raconte comment on en est arrivé là, comment l’humanité a couru à sa perte. Une réflexion sur l’avenir de nos sociétés, en somme : peut-on continuer en laissant dans l’ignorance, la pauvreté et la faim, une grande partie de l’humanité ? Pour Adrian, la réponse est non, plus encore depuis que son regard a été modifié. La solution réside dans le savoir, un savoir accessible à tous, chaque habitant de la planète, d’une part grâce à un réseau fiable et gratuit, mais aussi par la vulgarisation des connaissances scientifiques et leur traduction dans la plupart des langues. Diane, elle, explore une autre voie : la création d’I.A. capables de pallier les faiblesses des êtres humains, de guider les civilisations vers la paix et la prospérité. Deux directions pas forcément incompatibles, portées par des personnages riches et complexes dont les doutes ponctuent l’intrigue, offrant de fait la possibilité au lecteur de s’interroger sur ce thème capital, de remettre en question ses propres certitudes.
Récit à deux voix, Thinking Eternity se lit vite. Trop, peut-être (c’est là le seul reproche qu’on pourrait faire à ce roman SF construit comme un thriller à la mécanique un peu trop apparente). Les chapitres courts, les regards croisés sur les événements confèrent à cette chronique d’une mort annoncée un rythme efficace. D’autant que certaines des pistes suivies par les deux personnages principaux semblent des plus crédibles et nourrissent une réflexion stimulante. Les complots succèdent aux tentatives d’assassinat, les coups de théâtre aux choix cornéliens, le tout sans temps mort. On souligne parfois dans nos pages le peu d’appétence des auteurs français pour cette SF qui pense le monde et ses enjeux actuels. Si Thinking Eternity manque peut-être encore un peu d’ampleur, pêche parfois du fait d’un cadre narratif un tantinet rigide, Raphaël Granier de Cassagnac nous rappelle ici qu’il n’en est pas moins un véritable auteur de science-fiction. Francophone, qui plus est. Voilà qui n’est pas si courant, et mérite qu’on y regarde d’un peu plus près : il y a là de quoi y trouver son compte.