UNIVERSITÉ DE BRUXELLES
(Belgique), coll. Revue de l'Université de Bruxelles n° 1985/1-2 Dépôt légal : 1985 Première édition Ouvrage universitaire, 296 pages, catégorie / prix : 895 FB ISBN : néant Format : 16,0 x 24,0 cm✅ Genre : Science-Fiction
Quatrième de couverture
Le lieu propre de la SF est la schizoïdie de la société technicienne contemporaine. La SF est à la fois l'effet, la victime et la rédemptrice de cette schizoïdie qui sépare ce que C.P. Snow a appelé les « deux cultures » (l'humaniste et la techno-scientifique). Nous vivons, aimons, mourons dans un univers technoscientifique : un technocosme (dont l'astronef est l'expression culminante). Notre expérience du futur est celle d'un avenir à la fois absolument opaque et ouvert, dominé par les possibles techno-scientifiques.
La SF de qualité serait plutôt l'inverse d'une littérature marginale d'évasion puisqu'elle procède d'une sensibilité aiguë à l'univers technicien qui constitue, que nous le voulions ou non, notre référé contemporain. L'évasion, la fuite ne seraient-ils pas plutôt du côté de la Littérature Traditionnelle et Instituée où l'on continue d'aimer, de souffrir, d'agir, de décider, de vivre et de penser, de naître et de mourir comme il y a cinq cents ans ?
La SF est un ensemble de tentatives jouées d'assimilation du quotidien au futur technicien : comment vit-on (aime, écrit, parle, agit, souffre, admire, devient fou, tue-t-on, etc...) dans une dictature informatisée sur un astéroïde minier, dans une société eugénique ou un famille clonée, dans un monde envahi d'êtres technogènes, c'est-à-dire engendrés par la technique... ?
Mais la SF — où certains voient la forme moderne du roman philosophique — alimente aussi l'imagination spéculative. En ce sens, elle retient outre-Atlantique l'intérêt de beaucoup de philosophes.
Le présent recueil veut rendre justice à la complexité de la SF en accueillant à côté d'études littéraires des analyses manifestant la portée spéculative du genre. Telle est son originalité : des trois facettes de la SF — science, fiction, spéculation — la troisième a été jusqu'ici la moins bien perçue. Il importait de réparer cette négligence, grave dans la mesure où les plus grandes œuvres SF sont des méditations dramatisées sur l'homme dans l'espace-temps technoscientifique.
1 - Gilbert HOTTOIS, SF ou l'ambiguïté d'une littérature vraiment contemporaine, pages 7 à 10, introduction 2 - Roger BOZZETTO, Science-fiction française, science-fiction américaine, des relations ambiguës, pages 11 à 25, article universitaire 3 - Morton E. WINSTON, La Science-fiction et le fantastique en philosophie (Science Fiction and Fantasy in Philosophy, 1981), pages 27 à 36, article universitaire, trad. (non mentionné) 4 - Justin LEIBER, Le Temps présent futur (The Future Present Tense, 1985), pages 37 à 47, article universitaire, trad. (non mentionné) 5 - George F. SEFLER, Science, science-fiction et sémantique des mondes possibles (Science, Science Fiction, and Possible World Semantics, 1986), pages 49 à 56, article universitaire, trad. (non mentionné) 6 - Peter FITTING, Idéologie et construction du réel dans l'oeuvre de Philip K. Dick, pages 57 à 79, article universitaire, trad. (non mentionné) 7 - William M., Jr. SCHUYLER, Quand suis-je encore moi ?, pages 81 à 98, article universitaire, trad. (non mentionné) 8 - Gilbert HOTTOIS, Langage et communication dans l'imaginaire du futur, pages 99 à 139, article universitaire 9 - Darko SUVIN, L'Analyse "formelle" et l'analyse "sociologique" dans l'esthétique du roman de science-fiction, pages 141 à 148, article universitaire 10 - Jacques MARX, Sens dessus-dessous, ou l'imaginaire inversif, pages 149 à 159, article universitaire 11 - Alain VAN CRUGTEN, Drogue et contre-utopie, pages 161 à 169, article universitaire 12 - Gabriel THOVERON, Edgar Rice Burroughs, une arrière-garde littéraire, pages 171 à 185, article universitaire 13 - Robert ESCARPIT, Science-fiction stricto sensu, pages 187 à 198, article universitaire 14 - Christian DELCOURT, Un futur fasciné par le présent, pages 199 à 203, article universitaire 15 - Boris EIZYKMAN, D'une modalité temporelle des récits de S.F., pages 205 à 227, article universitaire 16 - Jacques VAN HERP, Langage et procédés d'écriture, pages 229 à 237, article universitaire 17 - Bernard GOORDEN, De quelques thèmes originaux dans la S.F. espagnole et hispano-américaine du 20e siècle, pages 239 à 257, article universitaire 18 - Ion HOBANA, L'Âge d'or de la science-fiction roumaine, pages 259 à 273, article universitaire 19 - Luk DE VOS, À la recherche d'un camp perdu. La Philosophie concentrationnaire de l'écriture dystopique néerlandaise, pages 275 à 295, article universitaire
Critiques
A la différence du numéro de Caliban sur « L'Esthétique de la S.F. », ce numéro spécial de revue n'a pas, malgré son titre, une problématique bien définie, mais ce n'est pas un défaut, car la diversité est ici synonyme de richesse. En particulier il donne la parole, à propos de la S.F., à des gens qu'on a peu l'habitude de lire sur ce sujet : les philosophes de l'école américaine (disons dans la mouvance de Quine). Leurs interventions sur les rapports de la S.F. et de la philosophie, sur le temps, sur l'identité, sur la sémantique des mondes possibles sont originales. Cela dit, dans ces 19 articles on retrouve aussi des perspectives plus classiques. Une histoire des relations entre la S.F. U.S. et la française, l'idéologie représentée chez Dick, le traitement original du temps en S.F., les communications dans l'imaginaire futur, les rapports à analyser entre l'étude formelle des textes abordés mais rarement de manière aussi éclairante. On retrouve au sommaire, outre le coordonnateur G. Hottois, Suvin, Eizykman, Bozzetto, Van Herp, Fitting, Goorden et bien d'autres, dont Hobana et Escarpit entre autres. Donc un numéro certes hétérogène, mais pas plus que le domaine immense de la S.F., dont il permet un questionnement renouvelé.