Rosa MONTERO Titre original : El Peso del corazon, 2015 Première parution : Barcelone, Espagne : Seix Barral, Circulo de Lectores, 2015 Cycle : Bruna Husky vol. 2
MÉTAILIÉ Dépôt légal : janvier 2016 Première édition Roman, 368 pages, catégorie / prix : 22 € ISBN : 979-10-226-0417-8 Format : 14,0 x 21,5 cm Genre : Science-Fiction
Bruna Husky, la réplicante de combat des Larmes sous la pluie, a du vague à l’âme, la brièveté de sa vie programmée l’angoisse. Sa nouvelle enquête l’embarque dans une sombre affaire de poubelles atomiques aux confins du monde connu, dans une zone où règne une guerre permanente.
Elle est accompagnée dans son aventure d’un « tripoteur » séduisant autant qu’inquiétant et d’une réplicante née de la même matrice industrielle qu’elle, son portrait craché. Cet alter ego plus jeune l’amène à s’interroger sur son humanité et son destin.
Ses vieux amis, Yiannis l’archiviste, qui change d’humeur au gré de sa pompe à endorphines, Bartolo le boubi glouton, le taciturne inspecteur Lizard, sont toujours là pour lui sauver la mise. Bruna Husky est une survivante qui se débat entre l’indépendance totale et un besoin d’affection désespéré, un animal sauvage prisonnier de sa courte vie.
Rosa Montero construit des mondes extraordinaires, étranges et cohérents, avec une maestria de conteuse hors pair. Elle écrit tout à la fois un roman d’aventures politique et écologique, un thriller futuriste, une réflexion sur la création littéraire, une métaphore sur le poids de la vie et l’obscurité de la mort... et rappelle l’urgence de vivre et d’aimer quel que soit le monde qui nous est dévolu.
« Un univers fascinant, un personnage inoubliable. » Culturamas
« La première dystopie noire du siècle, toujours plus prometteuse. » El Mundo
Rosa MONTERO est née à Madrid où elle vit. Après des études de journalisme et de psychologie, elle entre au journal El Pais où elle est aujourd’hui chroniqueuse. Best-seller dans le monde hispanique, elle est l’auteur de nombreux romans, essais et biographies traduits dans de nombreuses langues, parmi lesquels La Fille du cannibale (prix Primavera), Le Roi transparent et L’Idée ridicule de ne plus jamais te revoir.
Critiques
Profitant de la réédition de Des Larmes sous la pluie (in Bifrost 70), les excellentes éditions Métailié nous gratifient d’une suite intitulée Le Poids du cœur. L’occasion de retrouver le personnage de Bruna Husky, détective désabusé et réplicant obsédé par sa date de péremption. L’occasion aussi de s’immerger à nouveau dans le futur imaginé par l’auteure espagnole.
Le XXIIe siècle de Rosa Montero n’est finalement pas si éloigné de notre époque. Migrations massives, pollution de l’air, dégradation de l’écosystème, ségrégation spatiale et sociale, libéral-capitalisme poussé jusqu’à son terme logique, autrement dit une prédation ajustée aux besoins de l’utilitarisme, et bien d’autres maux dont nous connaissons les prémisses sont ici vécus comme l’ordre naturel des choses. Seules échappatoires à ce meilleur des mondes, des utopies inquiétantes, délocalisées dans l’espace, et des marges en proie à une guerre impitoyable dont les autorités s’emploient à taire les manifestations anxiogènes. On est bien loin des visions radieuses de la SF de l’âge d’or, plutôt dans un futur inspiré des cyberpunks. De retour d’une Zone Zéro, Bruna se trouve nantie d’une injonction à se faire suivre médicalement par un tripoteur, sous peine de se voir retirer sa licence de détective. Et comme si cela ne suffisait pas, elle doit s’occuper d’une fillette gravement irradiée qu’elle a prise sous sa protection. Pas de quoi contribuer à sa tranquillité d’esprit, d’autant plus qu’elle continue à égrainer le compte à rebours des jours qui lui restent à vivre. Pour se changer les idées, elle accepte d’enquêter sur la mort suspecte d’un capitaine d’industrie. Trafics, secrets d’État ne tardent pas à resurgir…
Le Poids du cœur montre, s’il est encore utile de le faire, que la dystopie est le roman noir de l’avenir. Sur ce point, Rosa Montero acquitte sa dette au genre policier avec talent. À l’instar du détective de roman noir, Bruna Husky se révèle un individu paradoxal, partagé entre son empathie pour autrui et un cynisme implacable dicté par sa condition de techno-humain à l’obsolescence programmée. D’aucuns pourraient reprocher l’aspect fleur bleue de sa personnalité, prompte à fondre devant un homme. Le personnage n’en demeure pas moins le point fort d’un roman qui ne manque pas d’autres atouts. Parmi lesquels on relèvera la crédibilité du décor. Montero ne se contente pas en effet du minimum. Elle imagine un futur cohérent qui, s’il emprunte beaucoup de ses éléments à notre époque, n’en demeure pas moins fouillé jusque dans son évolution historique et ses spéculations, ne cachant rien de l’impact des technosciences sur le quotidien, l’organisation sociale et les rapports humains.
Bref, Le Poids du cœur se révèle un retour gagnant, même s’il ne bénéficie plus de l’attrait de la nouveauté. Il va sans dire qu’on attend un troisième épisode des aventures de Bruna Husky.