Kim NEWMAN Titre original : Judgment of Tears / Dracula Cha Cha Cha, 1998 Première parution : New York, USA : Carroll & Graf, 1998ISFDB Cycle : Anno Dracula vol. 3
LIVRE DE POCHE
(Paris, France), coll. Fantastique n° 34213 Date de parution : 15 juin 2016 Dépôt légal : juin 2016, Achevé d'imprimer : mai 2016 Réédition Roman, 736 pages, catégorie / prix : 8,90 € ISBN : 978-2-253-13307-0 Format : 11,0 x 17,8 cm✅ Genre : Fantastique
Rome, 1959. Dracula est sur le point de se marier en grande pompe avec la princesse moldave Asa Vajda. Mais cet événement mondain exceptionnel, qui rassemblera tout le gotha vivant et mort vivant de la Ville éternelle, n'est que la première étape d'un ambitieux projet élaboré par le comte. Orson Welles et un agent secret vampire du nom de Bond sont également de la partie, ainsi qu'un mystérieux assassin, le Bourreau Écarlate, qui trouble la dolce vita de la cité en semant les cadavres derrière lui...
Le troisième volet de la série Anno Dracula, qui revisite le mythe du vampire avec un brio inégalé.
Lorsqu'un auteur a eu une idée géniale, et qu'il a su en tirer deux excellents romans, continuer dans la même lignée devient une activité à risque : comment à la fois rester dans le même esprit, pour ne pas décevoir les lecteurs, et parvenir à se renouveler pour ne pas lasser et donner l'impression d'un énième tome d'une interminable multilogie ? Tel est le défi auquel Kim Newman a dû être confronté en écrivant Le jugement des larmes, roman qui fait suite à ses uchronies vampiriques Anno Dracula et Le baron rouge sang. Il faut bien admettre que le succès est au rendez-vous.
Dans Le jugement des larmes, nous retrouvons des éléments qui ont fait l'intérêt des deux autres romans. Certains personnages sont de retour : l'espion Charles Beauregard, la vampire Pénélope Churchward, la journaliste Kate Reed, l'Ancienne Geneviève Dieudonnée... Sans oublier la star incontournable : Vlad Tepes, alias Dracula himself. Pour notre plus grand plaisir et le sien, Kim Newman continue de mêler et de faire rencontrer personnages imaginaires, personnages littéraires et personnages historiques réels. Enfin, il poursuit la description de ce que pourrait être un monde — ici, l'Europe en 1959 — où vampires et humains cohabiteraient, où des êtres mortels côtoieraient de jeunes ressuscités aussi bien que des créatures vieilles de plusieurs siècles. Les deux premiers tomes avaient leurs morceaux de bravoure (je me souviens encore des combats aériens entre as des as alliés et vampires volants !) ; Le jugement des larmes n'est pas en reste...
Mais le ton de ce nouveau roman est bien différent des deux autres, beaucoup plus sombres et cruels. Anno Dracula nous faisait visiter Londres en 1888, Le baron rouge sang nous a plongés dans le bain de boue et de sang que fut la première guerre mondiale. Cette fois, l'ambiance est plus légère. Nous sommes à Rome en 1959, c'est la grande époque du cinéma italien, les stars minaudent devant les journalistes, dans les soirées mondaines on danse le « Dracula cha cha cha ». Dracula prépare son retour sur la scène politique sous la forme d'un mariage avec une princesse moldave. Ambiance glamour, serait-on tenté de dire. Burlesque, par moments. Par ailleurs, les temps ont changé. On ne conquiert plus le pouvoir par la force ni par la guerre, mais en manœuvrant dans l'ombre. C'est l'époque de la guerre froide, on voit beaucoup d'espions dans Le jugement des larmes, des Russes, et aussi un certain Bond, espion vampire au service de sa Majesté, ce qui donne lieu à des scènes-pastiches assez savoureuses. Mais tout n'est pas rose non plus, car un mystérieux tueur masqué, le Bourreau Écarlate, assassine sauvagement des vampires résidant à Rome.
Renouvellement encore, lorsque Kim Newman n'hésite pas à faire mourir certains personnages que l'on avait suivis au cours des deux premiers romans : si d'autres opus voient le jour, l'auteur évitera donc peut-être le piège du « on prend les mêmes et on recommence ». Il introduit aussi une mythologie non vampirique en la personne de Mater Lachrymarum, une créature aussi ancienne que Rome. C'est là que réside, à mon avis, la seule faiblesse du roman. La créature est supposée être plus cruelle que le plus cruel des vampires, mais Kim Newman n'est pas parvenu à me montrer et me faire vivre cette cruauté, d'où une certaine distance qui s'introduit entre le texte et le lecteur. La fin peut aussi décevoir, en faisant étalage d'une psychologie à trois francs six sous à laquelle le talent de l'auteur ne nous avait pas habitués.
Mais le livre refermé, on songe malgré tout que Kim Newman est à nous autres lecteurs vampires ce que le sang est aux nosferatus. La soif n'est jamais apaisée très longtemps, et bientôt on en redemande...
Cité dans les Conseils de lecture / Bibliothèque idéale des oeuvres suivantesJean-Pierre Fontana : Sondage Fontana - Fantastique (liste parue en 2002) pour la série : Anno Dracula