Si vous avez aimé Peter Cheyney ou Raymond Chandler, deux célèbres auteurs de romans policiers des années 1950, alors n'hésitez pas, lisez Les Pierres du Rêve de Laurent Whale. Vous y retrouverez les meilleurs détectives marginaux des polars de la seconde guerre mondiale : Callaghan et Marlowe, sans oublier un certain Lemmy Caution dont la légendaire nonchalance est remarquablement saisie par l'auteur. Pour ceux qui n'ont pas connu ces héros, c'est l'occasion d'ouvrir une fenêtre sur ces personnages-culte sans subir l'écriture un peu datée de leurs créateurs.
Récit à la première personne, le roman de Whale commence on ne peut plus classiquement : Burett, un détective déjà bien usé par son travail, accepte d'entreprendre une banale enquête. Après une petite virée au Brésil, son chemin s'encombre d'une série de meurtres dans laquelle il perd sa fidèle secrétaire. Le récit se poursuit alors dans un environnement plus Science-Fictif, où le détective va bénéficier de pas mal de coups de chance tout en payant de sa personne.
Dès le début, l'auteur montre sa volonté d'utiliser les ressources de l'humour en générant la plupart des dénominations à partir de termes employés dans les anciens polars. Ainsi son guide favori s'appelle Bophred Humgart (Humphrey Bogart), son pistolet automatique est un Blak Hédecker (Black et Decker), il boit du whisky Dan Jackiel et ses cigarettes sont des Ready Rolled. L'enquête porte aussi sur la recherche d'un bijou appelé Tébur-Tonlor, qui vient de la planète Bura Pela de l'amas de Corvus. Si certaines créations sont d'un goût un peu discutable, comme Bura Pela, elles dénotent parfois une réflexion symbolique ; ladite planète va être le lieu de bien des tracas. Whale écrit dans l'esprit de notre temps : il ne recule pas devant l'emploi de certains termes crus. Mais sans être destiné aux préadolescents, son roman reste tout de même lisible par des jeunes. L'usage de l'ironie et de la dérision, les saillies en tout genre et les jeux de mots astucieux allègent agréablement la lecture en mariant harmonieusement la dureté de certaines circonstances avec la philosophie du conteur. L'étrangeté et le retournement des situations, tels que nos anciens auteurs les aimaient, tiennent le lecteur en haleine, jusqu'à la fin.
Les femmes occupent chez Burett une grande place, tant au plan sentimental que professionnel. Comme dans la vie, elles orientent l'intrigue et influencent le cours des événements. Contre et avec elles, il remplira, dans l'espace et sur terre, deux tâches bien différentes. L'une, ésotérique, où il va aider d'étranges entités dans leur quête finale, et l'autre, plus visible, où (coup de chapeau à la tradition littéraire) le grand méchant subira la punition qu'il mérite.
Il n'est pas nécessaire d'aimer la science-fiction pour apprécier le roman de Whale. Son intrigue policière vaut aussi le déplacement. Si l'on apprécie la SF, ce n'en est que mieux, bien sûr.