El Patrón a cent quarante ans et il est l'homme le plus puissant du monde. Depuis son luxueux palais décoré de son emblème, le scorpion, il règne sans partage sur Opium, ce nouveau pays créé au XXIe siècle entre le Mexique et les États-Unis, entièrement dédié à la culture du pavot et à l'enrichissement des trafiquants de drogue.
Mais pour l'heure, El Patrón n'a pas l'intention de mourir. IL veut vivre neuf vies, comme les chats et les démons. C'est à cela que servent les clones, des réservoirs d'organes jeunes et sains, des presque humains que l'on décérèbre à la naissance.
El Patrón est si orgueilleux qu'il a exigé que Matt, son clone, fasse exception à la règle et grandisse avec son cerveau.
Le problème, c'est que, quand on a un cerveau, on s'en sert.
La très estimable collection Médium de L'Ecole des Loisirs publie toujours d'excellents livres pour les adolescents. Quand il s'agit de science-fiction, ce sont encore des romans de qualité. La Maison du scorpion n'échappe pas à la règle. Dans un avenir proche, la géographie américaine est totalement bouleversée. Le Mexique est devenu Aztlan. Il est séparé des États-Unis par un vaste territoire, Opium, le bien nommé. Cet état à part entière, vit du commerce de la drogue. Il est tenu d'une main de fer par Matteo Alacran, qui se fait appeler El Patron, un seigneur de la pègre âgé de 140 ans, maintenu en vie par une médecine toujours plus performante. Opium est un vaste domaine protégé par la Patrouille, des brutes recherchées par toutes les polices du monde, et peuplé de la main d'œuvre des eejits, des esclaves décérébrés par des implants qui les rendent obéissants comme des robots. C'est dans ce contexte que Matt vient au monde. Matt n'est pas un garçon comme les autres : c'est le clone d'El Patron. Mais la vie est loin d'être rose pour lui. Car les clones ne sont pas considérés comme des êtres humains, tout juste des animaux qui singeraient les hommes. La Maison du Scorpion est un roman émouvant aux accents tragiques, la chronique d'une adolescence peu ordinaire, l'adolescence âpre, difficile, marquée par la souffrance d'un garçon différent confronté à la haine et la mesquinerie de son entourage. Bien sûr, il y a aussi de l'affection, celle de Célia, la cuisinière du domaine qui l'a élevé, celle de Tam Lin le garde du corps, celle de Maria sa seule amie, et bien sûr, celle d'El Patron lui-même, qui le protège et qui permet à Matt de supporter le dégoût qu'il suscite chez les autres ; mais pour quelles raisons ? L'austérité de sa vie est égayée par les contes de bonne femme de Célia et les pique-niques de Tam Lin, qui essaie de lui ouvrir les yeux sur El Patron. Car l'existence même de Matt est un mystère, l'affection que lui porte le vieillard dont il est la copie, une énigme. La tension est omniprésente dans ce drame ; d'épisodes bouleversants en découvertes macabres, le dénouement s'annonce tragique. Mais l'espoir fera toujours avancer Matt, dans un livre de toute beauté.