« Une revue littéraire de patrimoine et de création dédiée à la nouvelle, offrant à ses lecteurs et lectrices ce qui s’est écrit – et ce qui continue de s’écrire de mieux – en la matière, sans limite de genre et de longueur : voilà ce que Le Novelliste voudrait devenir. »
Donc : une nouvelle revue, dirigée par Lionel Evrard, ancien membre de Limite, groupe artistique dont on rappelle que l’anthologie-manifeste Malgré le monde, publiée en 1987 chez Denoël, dans la collection « Présence du Futur », déchaîna à l'époque diverses réactions. Ce fut un tremblement de terre dans le petit monde de la SF francophone, séisme désormais lointain, dont on peut parfois, encore, ressentir quelques timides répliques au cours de certaines conversations. Beaucoup moins, il est vrai, depuis la disparition de Roland C. Wagner, détracteur acharné de la démarche littéraire formelle du groupe suscité.
La première chose que l’on remarque en lisant Le Novelliste c’est la maquette intérieure, agréable bien qu’un tantinet vieillotte, avec un système de notes à revoir d’urgence tant il est mal fichu, système souffrant qui plus est d’un pénible choix de police de caractères : sans serif et de trop petite taille. Il serait sans doute bien, aussi, de réduire drastiquement le nombre de notes, mais bon, autant demander à un universitaire d’être compréhensible en première lecture.
La deuxième chose que l’on remarque, c’est l’adéquation parfaite entre la maquette et le contenu : Le Novelliste est vieillot au possible, de surcroît un poil prétentieux dans le ton, même s’il est vrai qu’on apprend beaucoup de choses sur la littérature d’anticipation britannique de 1893-1894. On reconnaîtra par conséquent que le lecteur intéressé par ce genre de sujets pointus sera fort probablement ravi. Ceci étant acquis, penchons maintenant sur les nouvelles « contemporaines ».
Celle de Dominique Warfa est emblématique du contenu de la revue ; très joliment écrite, elle joue un peu sur les mêmes registres que « Le Corps » de Stephen King ou « L'Inversion de Polyphème » de Serge Lehman, mais on n’a strictement rien à foutre de cette histoire belge de la première à la dernière ligne. Aucune magie ne s’opère, malgré un style impeccable. Quel talent ! Le texte de Christine Luce, « Les Enfants de Bohème », improbable résurgence de la SF politique française des années 70, est creux à souhait, ridicule sur le final. Bruno Pochesci s’essaye à la nouvelle de cul, un texte sans histoire plein de jeux de mots, certains bien trouvés, d’autres franchement risibles. Quand on a compris que « Enfilades » raconte moins en cinq pages que deux bonnes lignes de Houellebecq, on passe vite à la lecture en diagonale (mais avec les deux mains).
C’est sans doute Yves Letort qui s’en sort le mieux avec « Le Chien - une aventure de Claire », un texte qui fait partie d’un cycle de nouvelles toutes en rapport avec un fleuve et son étrange région. L’écriture est belle, pas vraiment d’histoire, ici aussi, mais une ambiance lourde, boueuse, intrigante, parfaitement retranscrite.
Pour une revue qui veut publier « ce qui continue de s’écrire de mieux », le bilan est plutôt minable. La vieillesse est un état d’esprit ; Le Novelliste est définitivement une revue pour vieux, au fort parfum d’illustrés poussiéreux oubliés dans le grenier et de naphtaline de placard. Les réelles qualités de la nouvelle d’Yves Letort ne changent pas grand chose à ce constat.