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300 millions

Blake BUTLER

Titre original : 300,000,000, 2014
Première parution : Harper Perennial, 2014
Traduction de Charles RECOURSÉ

INCULTE (Paris, France)
Date de parution : 2 janvier 2019
Dépôt légal : janvier 2019
Première édition
Roman, 550 pages, catégorie / prix : 24.90 €
ISBN : 979-10-95086-97-0
Format : 17,0 x 21,0 cm
Genre : Fantastique



Quatrième de couverture

Dans la « maison noire », Gretch Gravey recrute de jeunes disciples pour l’aider à accomplir son grand dessein : l’anéantissement de toute la population américaine et l’avènement de Darrell, la voix qui parle dans et à travers lui.

Après l’arrestation de Gravey, on retrouve des malles pleines de cassettes vidéo dont la bande est systématiquement blanche. Les policiers qui les visionnent ont parfois des hallucinations, voient se former dans le blanc des scènes de famille dont les membres sont tués. Le visionnage de ces cassettes « contamine » les policiers qui mettent fin à leurs jours ou rentrent chez eux et tuent leur famille avant de se suicider.

Gravey et Darrel, son sinistre alter ego fantasmatique, sont plus qu’un sérial killer aux mains propres, gourou à la Charles Manson, ils sont la folie ultime, ils sont la fin. Dans ce thriller qui rappelle Les Racines du mal de Maurice G. Dantec, l’étourdissante virtuosité en plus, ou encore les romans policiers de David Peace par sa dimension littéraire Blake Butler, figure montante, singulière et incontournable de la littérature américaine contemporaine, nous offre la terrifiante vision d’une Amérique avalée par un désir de mort. 300 Millions est la parabole d’un pays tout puissant dont la seule vocation est devenue la disparition.

Critiques

    À première vue, l’histoire paraît simple. Gretch Gravey a rassemblé dans « La Maison aux miroirs » un groupe d’adolescents, en vue de servir Darrell. Afin de le faire advenir, la communauté procède à divers rituels, dont le sens nous échappe ou est au contraire atrocement explicite. La police investit les lieux et prend Gravey vivant. Fin du fait-divers, et début de l’histoire.

    En surface, Blake Butler accumule les clichés, si l’on entend par là poncifs du polar américain — l’intimité qui en vient à unir le serial killer et l’enquêteur — et photos instantanées de l’Amérique. Le tout démonté puis reconstruit, comme on le dirait d’un visage défiguré. Le récit est servi par une narration chorale : quatre voix dissociées racontant le même drame. Les parties, ordonnées semble-t-il en 1-3, 2-4 puis 5, fournissent un cadre strict à l’intérieur duquel Butler laisse advenir l’anéantissement littéraire.

    Se plaçant sous les auspices d’Allen Ginsberg et de Roberto Bolaño (intégrité des renvois d’ascenseur, mais Butler est en mesure de s’élever tout seul), l’écrivain remet en cause l’idée que la narration, en se développant, dévoile l’intrigue. Comme s’il existait une adéquation nécessaire entre les faits et ce que l’on en dit. Or l’auteur met à mal la stabilité sémantique, qui voudrait que le sens des mots et des phrases demeurent permanent au fil du récit. Au contraire, à force de torsions et de répétitions, d’invraisemblances narratives (selon le confort conventionnel de lecture), par l’usage des passages censurés au noir, du blanc des pages ou de motifs géométriques (et des notes en bas de page, dans une intratextualité qui rappelle forcément La Maison des feuilles de Danielewski), Butler rend inopérant les bases fondamentales de la logique nous permettant d’appréhender le réel. Le principe d’identité vole en éclat, à commencer pour l’ensemble des protagonistes qui n’en sont pas forcément troublés. Le principe de contradiction n’est plus opérant : une même chose peut être et ne pas être en même temps, au même lieu et sous le même rapport. La maison est remplie de miroirs, mais chacun sait qu’ils ne reflètent que la surface des choses ou sont déformants. À moins que tout ce qui est raconté soit l’expression de la pure vérité, prévient Butler, conscient que l’ordre est une figure éventuelle du chaos.

    L’ensemble donne lieu à une psychomachie où objets, lieux et médias extériorisent l’état mental des protagonistes, et par rétroaction infectent les esprits. Il y aurait tant à dire de ce roman qui dit tellement et se dédit pour se redire, et dont les personnages apparaissent au fur et à mesure du récit, comme le lecteur entre dans l’histoire. Lecteur qui, et c’est un tour de force, en devient l’un des protagonistes. Il en sortira bouleversé, précisément ce que l’on attend d’une grande lecture.

Xavier MAUMÉJEAN
Première parution : 1/4/2019 dans Bifrost 94
Mise en ligne le : 14/9/2023

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