George R. R. MARTIN Titre original : A Storm of Swords, 2000 Première parution : Voyager / HarperCollins, août 2000 (roman coupé en quatre pour l'édition française) Cycle : Le Trône de fer vol. 7 (3b)
J'AI LU
(Paris, France), coll. Fantasy (2007 - ) n° 6709 Dépôt légal : juin 2008, Achevé d'imprimer : 16 juin 2008 Retirage Partie de roman, 384 pages, catégorie / prix : 7,60 € ISBN : 978-2-290-32953-5 Format : 11,0 x 18,0 cm Genre : Fantasy
Les Sept Couronnes sont exsangues. Le royaume panse ses plaies. Les guerres ont vidé les campagnes, les épidémies ont ruiné les récoltes et les pillards écument les terres dévastées.
Pourtant les prétendants au trône ne manquent pas. Les Lannister multiplient les alliances fragiles, Stannis Barathéon se réfugie toujours davantage dans le culte de R'hllor, le Maître de la Lumière, et Robb Stark soupire après son fief en lambeaux.
Mais d'autres ennemis se massent aux frontières, loin dans le nord. Et, pendant que les puissants avancent leurs pions, les faibles tentent de survivre...
George R. R. Martin
Scénariste et producteur au cinéma et à la télévision de nombreux films et feuilletons, est également l'auteur de plusieurs romans à succès (Riverdream, Armageddon Rag). Dans la lignée des Rois maudits et d'Excalibur, Le trône de fer dont voici le septième opus, est une grande saga épique actuellement en cours d'adaptation en série télévisée par la chaîne HBO.
George R. R. Martin a déjà derrière lui une carrière remarquée comme auteur de science-fiction et de fantastique, avec plusieurs nouvelles (qui lui ont valu les prix Hugo, Nebula, World Fantasy, Stoker et d'autres encore) et romans (dont L'Agonie de la lumière et Armageddon Rag), et comme scénariste ou producteur de films et feuilletons télévisés. Mais on ne s'attendait peut-être pas à ce qu'il s'impose aussi rapidement comme l'un des chefs de file de la fantasy épique anglo-saxonne avec ce cycle, dont sept tomes sont maintenant disponibles en français. Il s'agit d'une saga historique de vaste envergure (le nombre de volumes dépassera sans doute la quinzaine) située dans un monde imaginaire qui ressemble fort à l'Europe occidentale médiévale, avec ses rois, seigneurs et chevaliers, où la magie semble jouer un rôle à première vue discret mais finalement décisif.
L'action se déroule principalement dans le pays des Sept Couronnes qui occupe la plus grande partie d'une terre en forme de ruban nord-sud (il existe aussi un continent plus grand à l'Est, dont les contours demeurent plutôt vagues). Longtemps indépendantes, les sept régions furent unifiées après leur conquête par la dynastie Targaryen, grâce (littéralement) à sa puissance de feu, résultat de l'association de cette famille royale avec les dragons. Mais ceux-ci se sont éteints depuis belle lurette ; le dernier roi Targaryen fut tué par une rébellion des grands seigneurs, qui ont installé l'un des leurs, Robert Baratheon, dit l'Usurpateur, sur le « Trône de fer » dans la capitale de Port-Royal. Il faut aussi mentionner une bizarrerie majeure : ce pays subit un dérèglement climatique qui fait que la durée des saisons est extrêmement variable, l'hiver ou l'été pouvant se prolonger au-delà d'une décennie. À cette donnée est liée l'existence d'un gigantesque Mur au nord, qui protége les Sept Couronnes d'une contrée peuplée non seulement de barbares mais aussi de créatures mythiques (géants, morts-vivants et mystérieux « Autres ») dont la menace s'accroît de façon alarmante lors d'un hiver long. On rencontre maintes autres particularités géographiques, religieuses et culturelles, car l'un des grands plaisirs de cette série est la profondeur et la complexité du monde que Martin brosse avec une économie admirable, accumulant les détails au fur et à mesure que la narration avance.
L'histoire proprement dite commence quinze ans après la chute des Targaryen. Le roi Robert, physiquement courageux mais moralement avachi par la boisson et la débauche, commence à être dépassé par les factions turbulentes de son royaume. Le principal danger vient de la famille Lannister, de riches et arrogants seigneurs de Castral Roc à l'ouest du pays. Ils désirent remplacer Robert par Joffrey, fils putatif du roi, issu en fait des rapports incestueux entre la reine, Cirsei Lannister, et son frère jumeau. Robert fait appel à son vieil allié, Eddard Stark, pour le seconder. Après la mort suspecte de Robert, et bien d'autres péripéties, la rivalité entre la maison Stark et la maison Lannister (allusion très explicite de Martin aux York et aux Lancastre de la Guerre des Roses en Angleterre) va dégénérer en une guerre civile qui mettra le pays entier à feu et à sang. D'autres prétendants au trône vont surgir et le conflit atteindre un premier paroxysme dans une bataille autour de Port-Royal, décrite dans L'Invincible Forteresse (le cinquième tome du cycle, réédité récemment chez J'ai lu Fantasy).
Au cours des deux tomes suivants, des survivants errent au milieu de la dévastation, tandis que les bandes armées toujours en lice se préparent à d'autres affrontements, moyennant divers actes de trahison et de grands renversements d'alliance. Mais un hiver prolongé s'annonce, et les Sept Couronnes, exsangues, doivent aussi faire face à un déferlement terrifiant venu d'au-delà du Mur. Et sur le continent oriental, une descendante des Targaryen en exil a réussi à ressusciter les dragons et cherche une ultime revanche.
Résumée ainsi, cette œuvre peut paraître un simple calque d'autres cycles du genre, mais en fait Martin prend le contre-pied de la plupart des clichés qui dominent dans la fantasy épique contemporaine. Le point de vue alterne entre une bonne douzaine de personnages, dont la plupart ne sont pas de grands guerriers, mais des femmes, des enfants ou des marginaux (dont un nain et un couard qui se reconnaît comme tel) victimes du conflit. Leurs commentaires désabusés et ironiques tendent à subvertir les codes de conduite chevaleresque et les révèlent comme autant de paroles creuses et hypocrites. La guerre est décrite avec un réalisme sans fard comme une succession de massacres, de viols et de pillages, où les plus faibles sont toujours pris en otage ou utilisés comme moyen d'échange ou de défoulement par les puissants. Le pays des Sept Couronnes en finit par ressembler à la Bosnie ou à la Tchétchénie plus qu'à l'Albion du roi Arthur. Le style est très direct et sans fioritures, presque austère, et l'auteur réussit à entraîner le lecteur tout simplement par l'identification intense aux personnages (parfois même les plus « coupables ») et les effets de surprise créés par les renversements de situation. La magie et autres aspects fantastiques semblent n'avoir tout d'abord qu'une influence très feutrée, voire marginale, sur les événements, mais surgissent plus tard dans le récit avec une violence inouïe. À mi-parcours du cycle, il est toujours très difficile de voir où Martin veut nous amener, mais on peut parier que peu de lecteurs arrivés à ce point pourront décrocher avant la fin. Le huitième tome en français, Les Noces pourpres, paraîtra cet automne chez Pygmalion. Les anglo-saxons auront droit à un quatrième énorme pavé, A Feast for Crows, au printemps 2003, puis à deux autres, selon les derniers dires de l'auteur. Et on retient son souffle...