Deux adolescents entrent en lutte contre la milice toute puissante qui opprime le peuple de la ville basse, plongée dans une nuit sans fin.
Une ville basse enveloppée d’un brouillard opaque – la nox –, plongée dans l’obscurité. Des hommes contraints de marcher ou de pédaler sans cesse pour produire de la lumière. Une société codifiée, régentée par une milice toute-puissante. Des amis d’enfance qui s’engagent dans des camps adverses. Un héros qui se bat pour épouser celle qu’il aime. Une jeune fille qui vit dans la lumière, prête à tout pour retrouver la femme qui l’a élevée.
Pour parler des inégalités entre les différentes couches sociales, on emploie souvent le terme d'échelle sociale : ceux qui ont réussi à la gravir, ceux qui sont restés tout en bas... Yves Grevet prend ici cette image au pied de la lettre : le Nox qui s'étend sur ce monde est un brouillard opaque et obscur, dans lequel les hommes essaient de survivre. Selon leur richesse, ils habitent à une altitude plus ou moins élevée, les plus aisés vivant bien évidemment en haut. Les quartiers sont nommés d'après leur altitude. Les pauvres, plongés dans le brouillard le plus dense, n'ont également pas les moyens de s'éclairer : aussi la société s'est-elle adaptée : chacun porte sur soi des bougies, que l'on n'éclaire que lorsque l'on veut montrer quelque chose, les rues sont parcourues par des fils tendus indiquant les itinéraires à suivre, et si l'on veut de la lumière on en est réduit à pédaler sur des dynamo. Cet univers, qui repose sur un postulat simple, Yves Grevet le bâtit de manière extrêmement crédible et inventive, tout coule naturellement de source, jusque dans les moindres détails, ce qui lui confère un attrait certain.
Les protagonistes de ce roman sont un groupe de jeunes, ainsi que leur entourage. De façon à mieux nous faire découvrir son monde, l'auteur les choisit dans les différentes strates : d'un côté il y a Ludmilla, une jeune fille de la haute société, qui ne manque de rien, si ce n'est d'un peu d'amour de la part de son père, et qui n'est jamais descendue dans les couches inférieures ; de l'autre, Lucen (tous les pauvres sont affublés d'un prénom duquel une lettre a disparu), fils d'un réparateur hors pair, entouré d'un groupe d'amis parmi lesquels on retrouve des fils de miliciens et d'activistes. La société décrite par Grevet est en effet très hiérarchisée, et cet état de fait occasionne des tensions sociales évidentes. Pour éviter que les populations ne se mélangent, on a créé des milices chargées de garantir la paix dans les quartiers, fût-ce par le biais de la violence. Lucen est ainsi tiraillé entre ses amis, dont les idéaux penchent aussi bien du côté sécuritaire que du côté révolutionnaire. Ce roman jeunesse, roman d'apprentissage bien évidemment, se double ainsi d'un roman social, sur le bien-fondé supposé ou non de cette séparation, et la façon avec laquelle les barrières entre les deux mondes, aisé et dépourvu, vont se fissurer petit à petit. Car, on s'en doute, Ludmilla et Lucen sont amenés à se rencontrer, malgré la réprobation de leurs familles respectives. À l'action révolutionnaire répond ainsi l'histoire d'une rencontre entre deux êtres qui se posent beaucoup de questions sur leur vraie place dans ce monde, et sur la manière avec laquelle ils peuvent agir pour améliorer les choses.
Roman intelligent, rythmé, aux nombreux personnages tous bien campés et au propos intéressant, Ici-bas augure donc d'une excellente série pour la jeunesse signée Yves Grevet, déjà auteur pour le même public du cycle à succès Méto.