Le TRIPODE
(Paris, France) Date de parution : 28 mai 2020 Dépôt légal : avril 2020, Achevé d'imprimer : février 2020 Première édition Roman, 520 pages, catégorie / prix : 19 € ISBN : 978-2-37055-225-9 Format : 15,0 x 20,0 cm✅ Genre : Science-Fiction
Anton et Maxine forment un couple sans histoires, doucement consumé par la routine. Une nuit, en rentrant d'un dîner, ils découvrent par hasard une lovebot - robot sexuel animé et doué d'intelligence artificielle, jetée dans des ordures. L'irruption dans leurs vies de ce corps, programmé pour le plaisir mais martyrisé dans sa chair synthétique, va bien vite bousculer leur intimité.
Tandis que la créature retrouve peu à peu vie et révèle des fragments de son passé, ils ne se doutent pas encore que les épreuves qu'elle a traversées la rendent exceptionnelle, et en font la proie d'une traque féroce.
Critiques
Dans un monde futuriste pas si éloigné du nôtre, les robots occupent une place de plus en plus grande et tout spécialement les lovebots féminins dont la dernière génération assure aux possesseurs une expérience en tout point semblable, physiquement du moins, à celle qu’ils auraient pu avoir avec une véritable femme, tout en laissant libre cours à leurs moindres pulsions. Les fantasmes ne se heurtent plus au réel ni au respect qui conditionne les relations humaines, et rapidement les lovebots deviennent — parfois — des esclaves sexuels soumis aux pires tortures. C’est le cas d’Esther, qui finit par tuer son propriétaire. Une enquête est ouverte pour homicide et Esther est recherchée par la police, mais aussi par la firme qui l’a créée, Synthetic Industries. Anton et Maxine vont la découvrir, presque hors d’usage, dans une rue sombre. Cette découverte va bouleverser la vie de ce couple moyen, mal dans sa peau et dans sa relation amoureuse, puis celle de leur fils, adolescent standard, en délicatesse avec les filles de son âge et le réel de manière générale. La relation qui va se nouer peu à peu entre ces personnages amènera Esther à prendre conscience (?) de la nécessité de percer le secret de ses origines. Elle se met en quête du patron de Synthetic Industries, Franck Yalda.
Esther met en scène le passage à la singularité tant redoutée, le moment où la vie artificielle s’élèvera au niveau de la conscience humaine. Olivier Bruneau fait le choix de traiter cette problématique au prisme d’un des plus grands moteurs de consommation — notamment numérique — de notre époque : la sexualité. Il en fait la source de la transformation de la société, et en quelque sorte le facteur de l’avènement de cette singularité, puisque c’est dans l’intime de la relation amoureuse que se posent les questions fondamentales de notre condition humaine : quelle place accorder à l’autre ? comment s’accorder à lui ? qu’apprendre sur soi grâce à et par lui ?
Dans Une machine comme moi (cf. Bifrost n° 99), tout en s’interrogeant davantage et plus profondément sur la question des interactions entre savoir et conscience, Ian McEwan met en scène le même questionnement et arrive à une même réponse, dans une certaine mesure : la vie de ces nouvelles consciences est intenable. Olivier Bruneau livre, quant à lui, un récit plus facile d’accès, scandé par de larges dialogues tirés du quotidien et ponctué de quelques scènes érotiques bien menées mais très marquées, elles aussi, du sceau du même quotidien. Plus encore qu’une réflexion sur la naissance d’une conscience et ses affres, l’auteur dessine ici le portrait de notre société, peinant à penser son rapport au vivant et à l’autre, et malade d’un désir mal pensé, avec des hommes souvent brutaux, aveuglés par la pulsion et donc ignorants du consentement. Esther sauvera néanmoins le couple d’Anton et Maxine. On aurait pu souhaiter qu’elle le fasse avec un peu plus de chair et de concision.