Ce roman décrit les conséquences d'un attentat contre la Hague, l'usine où sont stockées et retraitées d'énormes quantités de déchets nucléaires. Suite au gigantesque incendie qui ravage l'installation, un nuage chargé de pluies acides et de particules radioactives se forme sur la région, conduisant à l'évacuation de la Normandie et de la Bretagne d'abord, puis s'étendant jusqu'à Londre et Paris.
À travers le regard de Jack, un policier qui s'est infiltré dans une communauté d'activistes installés en Bretagne, on assiste au chaos qui règne dans les jours qui suivent l'attentat. Puis, lorsque les militants décident de braver les autorités et refusent d'être évacués, le roman dépeint la vie dans une zone contaminée et vidée de ses habitants.
Le principal intérêt du roman est la description des conséquences de l'attentat au niveau local puis sur une partie de plus en plus grande de l'Europe. S'appuyant sur une documentation rigoureuse, l'auteur dénonce les dangers que le choix français du tout-nucléaire fait courir aux populations ainsi que l'oppacité, l'impréparation et le déni qui règnent au sein des gouvernements successifs en matière d'énergie atomique.
Le roman évite cependant l'écueil du pamphlet anti-nucléaire. Si l'auteur n'est évidemment pas tendre envers le lobby nucléocrate (mais il a la dent tout aussi dure contre les militants anarcho-écolos qu'il met en scène), il n'inflige pas au lecteur une longue et minutieuse description des effets de la contamination radioactive de la zone. Parce que les personnages principaux sont progressivement coupés du reste du monde, les conséquences de l'attentat leur parviennent façon de plus en plus sporadique : les évacuations des grandes villes européennes, les longues cohortes de réfugiés, les troubles, la prise de contrôle par l'armée... sont renvoyés dans un arrière-plan qui devient flou alors que la focale se resserre sur la survie de la petite communauté. À la chronique de ce méga-Tchernobyl vient se superposer la lente évolution de Jack : le policier connaîtra une douloureuse épiphanie au contact des militants qu'il était chargé d'infiltrer. Agréable surprise, la fin du roman se teinte d'onirisme et de mélancolie.
Malgré un début un peu laborieux, La Pierre jaune est une grande réussite. Il dresse un portrait glaçant et précis des risques liés à une installation nucléaire comme celle de la Hague tout en racontant une histoire portée par des personnages forts dans un décor non dénué de poésie.
Jean-François SEIGNOL (lui écrire)
Première parution : 3/6/2021 nooSFere