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Liens de sang

Octavia E. BUTLER

Titre original : Kindred, 1979
Première parution : Doubleday, 1979   ISFDB
Traduction de Nadine GASSIE
Traduction révisée par Jessica SHAPIRO
Illustration de Olivier FONTVIEILLE

AU DIABLE VAUVERT (Vauvert, France)
Date de parution : 15 avril 2021
Achevé d'imprimer : mars 2021
Réédition
Roman, 480 pages, catégorie / prix : 22 €
ISBN : 979-10-307-0408-2
Format : 13,0 x 19,8 cm
Genre : Fantastique


Quatrième de couverture

Dana, jeune femme noire d’aujourd’hui, se retrouve propulsée au temps de l’esclavage dans une plantation du Sud et y rencontre ses ancêtres…

UN ROMAN D’AVENTURE QUI EXPLORE
LES IMPACTS DU RACISME, DU SEXISME
ET DE LA SUPRÉMATIE BLANCHE.

« Je la tiens pour une des auteures les plus inspirantes de notre génération. » Virginie Despentes

Octavia E. Butler, écrivain visionnaire référence de l’afro-féminisme américain, fut plusieurs fois lauréate du Prix Hugo de la nouvelle et du prix Nebula et a été distinguée du prix Genius de la Fondation Mac Arthur Grant. Elle est prématurément décédée en 2006 à Seattle, à 59 ans.

Critiques

    Il est des livres marquants et indispensables… Liens de sang en est un. En 1979, Octavia E. Butler livre un roman intense sur la condition des Noirs et, surtout, des femmes noires à travers une évocation du passé esclavagiste des États-Unis. Kevin et Dana sont deux jeunes amoureux qui s’installent ensemble. Nous sommes dans les années 70 ; Dana est Noire, Kevin est Blanc. Les couples mixtes sont possibles alors, même si les belles-familles respectives trouvent à y redire : racisme encore latent de part et d’autre. Mais soudain, le 9 juin 1976, Dana se sent mal et se trouve transportée devant une rivière en campagne : un enfant se noie. Elle le sauve. Mais les parents, au lieu de la remercier, la frappent et la menacent d’un fusil. Aussitôt, et sans rien comprendre, elle voyage à nouveau pour retrouver son quotidien. À peine le temps de se remettre de ses émotions et d’essayer d’appréhender la situation que cela recommence. Cette fois, le jeune garçon met le feu à des rideaux, risquant à nouveau sa vie. Dana le sauve une fois de plus, mais ne repart pas aussitôt. Elle en profite pour tenter de saisir le fin mot de cette histoire. Et comprend qu’elle a voyagé dans le temps jusqu’en 1815. Sans doute pour venir sauver son ancêtre lointain, Rufus. Un Blanc. La voilà piégée dans un état esclavagiste alors qu’elle est Noire. Le choc est terrible pour Dana, habituée à vivre comme une femme libre et émancipée. Elle est rabaissée à la condition de Noire et de femme. Le coup est d’une violence incroyable.

    Choc pour Dana, mais aussi pour le lecteur. Le contraste entre les deux époques, entre les deux conditions, est si fort, si vertigineux, qu’on ne peut qu’être saisi. D’autant qu’Octavia E. Butler fait montre d’une grande intelligence dans la construction de son texte. Les incursions dans le passé se font progressivement plus longues, permettant à son personnage, en même temps qu’à son lecteur, de comprendre les tenants et aboutissants, de voir évoluer les liens réels entre Rufus et Dana malgré toutes les différences ; mais aussi de s’habituer à l’organisation de cette société et aux traitements inhumains imposés aux esclaves. Car c’est une chose de savoir les mauvais traitements, de savoir le fouet, de savoir le viol. C’en est une autre de les vivre. Ici, grâce à la puissance de l’écriture d’Octavia E. Butler, on est Dana, on subit, avec une révolte saine mais vaine, le poids de l’habitude. On comprend comment des centaines de milliers de personnes ont accepté de souffrir ainsi. Combien il était difficile, voire impossible, de faire autre chose, au quotidien, que d’obéir en courbant les épaules et en espérant éviter la colère des maitres imbus d’eux-mêmes et de leur importance.

    Liens de sang est un livre indispensable et beau. Face à l’intolérance et au racisme, il ne se veut pas moralisateur ni ne donne de solution miracle. Mais il offre une réponse évidente, qui prend aux tripes et oblige à garder les yeux ouverts.

Raphaël GAUDIN
Première parution : 1/10/2022 dans Bifrost 108
Mise en ligne le : 5/6/2025


    Octavia E. Butler a écrit Kindred en 1979. Le roman a été publié en français sous le titre Liens de sang chez Dapper Littérature en 2000. Il est réédité en 2021 au Diable Vauvert dans une traduction révisée. On s’en réjouit.

    « J’ai perdu un bras en rentrant de mon dernier voyage. » C’est sur cet incipit que s’ouvre l’histoire de Dana, femme noire américaine vivant avec Kevin, homme blanc américain, en Californie en 1976. Il se sont mariés contre l’avis de leurs familles. Dana et Kevin sont tous deux écrivains et leur situation financière est précaire. Quittant les loyers trop élevés de Los Angeles, ils déménagent pour s’installer dans une petite maison à quelques kilomètres de là. À peine installée, le jour de son vingt-sixième anniversaire, Dana est prise d’un malaise et s’évanouit… dans l’espace et le temps. Elle ouvre les yeux pour voir devant elle un enfant, blanc et roux, se noyer dans une rivière. Elle le sauve mais la mère de l’enfant la roue de coups. Dana revient à elle dans sa maison, auprès de Kevin. Quelques secondes se sont écoulées. Dès le lendemain, Dana est prise d’un nouveau malaise et se retrouve devant le même enfant, un peu plus âgé. Il se nomme Rufus Weylin, vit en 1815 dans une plantation du Maryland et est le fils unique d’un propriétaire d’esclaves. Le temps de quelques jours de 1976, Dana va subir de nombreux sauts temporels et vivre plusieurs jours, mois, puis années dans la plantation Weylin, parmi les esclaves puisque c’est la place que sa couleur de peau lui réserve. Elle y découvrira ses racines familiales.

    Liens de sang est un chef-d’œuvre, et on le comprend dès les premières pages. C’est un roman puissant et réaliste, habité de nombreux personnages qui ne se réduisent jamais à une fonction romanesque. Ils possèdent un passé, un avenir, une psychologie, des souffrances et des peurs. Le génie d’Octavia E. Butler est, par le jeu du voyage dans le temps, de confronter une pensée moderne, celle du xxe siècle, celle de Dana et de Kevin, à celle du xixe, celle de Rufus et son père, mais aussi celle d’Alice, de Sarah, de Luke, de Nigel, de Carrie et de tous les esclaves côtoyés. Contrairement à Kevin, qui fera aussi partie du voyage, Dana n’est pas en position de rester spectatrice du passé esclavagiste de son pays. Elle en fait partie intégrante. Sa relation à Rufus illustre toute la complexité de la dynamique de dépendance au sein des rapports de pouvoir. L’histoire de l’esclave est l’histoire de la domination. Celle-ci est construite sur des relations complexes au sein d’un système d’oppression dont l’autrice met en lumière les mécanismes et qu’elle compare à un totalitarisme. Le fouet marque autant les chairs que les esprits. La violence, inouïe, s’exprime à tous les niveaux des interactions humaines.

    Ce roman, difficile mais brillant, est porté par une écriture tranchante, droite, directe. Il n’y a pas un mot de trop, pas un qui manque. Octavia E. Butler ne fait ni détour ni raccourci, mais dit exactement ce qui doit être dit, de la première à la dernière phrase. Il faut lire Liens de sang.

FEYDRAUTHA
Première parution : 1/7/2021 dans Bifrost 103
Mise en ligne le : 1/12/2024

Adaptations (cinéma, télévision, BD, théâtre, radio, jeu vidéo...)
Kindred , 2022, Branden Jacobs-Jenkins (Série)

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