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L'Effet coccinelle

Yann BÉCU

Première parution : Montreuil, France : L'Homme Sans Nom, mai 2021

Illustration de François-Xavier PAVION

L'HOMME SANS NOM (Montreuil, France)
Date de parution : 3 juin 2021
Dépôt légal : juin 2021, Achevé d'imprimer : avril 2021
Première édition
Roman, 320 pages, catégorie / prix : 19.90 €
ISBN : 978-2-918541-73-8
Format : 14,1 x 21,0 cm
Genre : Science-Fiction

Couverture à rabats, couleurs recto/verso.


Quatrième de couverture

Le lancement de l'Homo Sapiens, c’était une idée pourrie. Génétiquement trop instable. Le service Créa avait prévenu dès le début. Ils préféraient de loin le projet Bonobo. Question score de paix, une vraie promenade ! Bonobo Sapiens, ça aurait signifié la résolution du moindre conflit par le sexe... Chantier pépère, en somme.

Tu parles ! Les boss du 33e étage n'avaient rien voulu entendre. L’Homo Sapiens c’était parfait pour eux : audacieux, vendeur, et tellement sexy sur le papier.

Sur le papier, peut-être, mais sur le Terrain...

Parce que nous autres on est les techniciens, les larbins de la création... « Les Boueux », comme ils disent en haut lieu. Siècle après siècle on patauge dans ces eaux crapoteuses. Et chaque fois qu’on prend possession d’un corps ici-bas, on en paie le prix : coups de chaud, coups de froid, coups de pompe, coups de blues, coups de foudre, toute la chimie humaine s’impose à nous... Alors forcément, il arrive qu'on gaffe.

Or notre récente bourde risque de coûter cher. Si on ne la rattrape pas très vite, l'humanité va droit dans le mur...

Adieu, triple A.

Adieu, Homo Sapiens.

Et bonjour les sanctions.

Avec L’EFFET COCCINELLE, Yann Bécu développe une idée vertigineuse... Si une « preuve divine » était publiée, aussi éblouissante soit-elle, il resterait tout de même une question potentiellement explosive : quelle branche de quelle religion a misé sur le bon cheval ?

Critiques

Si les voyages dans le temps sont un topos de la science-fiction, éminemment casse-gueule au demeurant, celle-ci offre également des manières plus originales de jouer avec la chronologie. D'abord bien sûr par le biais d'uchronies grâce auxquelles elle la réinvente. Mais aussi en prenant du recul, beaucoup de recul, afin de voir la frise temporelle comme une sorte de tableau. Il en va ainsi de La fin de l'éternité d'Isaac Asimov, où l'Éternité du titre est une société sise dans un futur tel qu'elle semble hors du temps, et qui envoie ses agents tout au long de l'Histoire afin de garder celle-ci sur les rails que nous connaissons, et ce faisant permettre son existence. Fritz Leiber, dans le cycle La guerre des modifications, (ou La guerre uchronique), décrit quant à lui un univers dans lequel deux camps, celui des serpents et celui des araignées, se battent tout au long du temps pour faire pencher la victoire de leur côté. Des humains, comme des membres de toutes les races de l'univers, sont extraits de leur propre trame temporelle pour servir de fantassins à un camp ou à l'autre.

Cette vision du monde est en quelque sorte aussi la toile de fond de L'effet coccinelle de Yann Bécu. Ici, une société extra-terrestre à peu près omnipotente, la Ruche, va de planète en planète afin d'y créer des mondes et de nouvelles espèces évoluées. Cette société est structurée comme une société bien humaine, avec ses dirigeants, ses ingénieurs et ses ouvriers. Ces derniers, dits les boueux, mouillent la chemise pour faire avancer les projets, ou plutôt prennent possession de corps dans le monde en construction afin de donner les coups de pouce nécessaires pour aller dans le bon sens de l'évolution. Les cols blancs, loin de ces considérations pratiques, planifient, ordonnent et sont récompensés si le résultat est satisfaisant.

Or le projet Homo Sapiens a du plomb dans l'aile. Et du gros calibre. Chez les ingénieurs et les boueux de la Ruche, c'est le branle-bas de combat pour rattraper le coup, si possible avec discrétion tant les infractions vont être nombreuses pour parvenir à un résultat satisfaisant.

À travers la description de services plus ou moins iconoclastes (service prévisions, service des fraudes, service juridique, ressources humaines, etc.) Yann Bécu dégomme joyeusement les archétypes du monde entrepreneurial. Mais son humour vachard se penche sérieusement sur une autre forme de société, fortement liée à la raison pour laquelle le projet est en train de capoter : la religion. La religion dans son principe et toutes les religions dans leur forme ; c'est à dire les entreprises qui exploitent les interrogations intimes de chacun, qui cherchent à asseoir leur puissance monopolistique, qui s'affrontent à coup de Vérités, de menaces voilées et de guerres si cela ne suffit pas. Et à travers elles, sont visées la suffisance, le mépris, le calcul mesquin de chacun.

Le récit est structuré selon deux fils. Le premier d'entre eux suit les pas de trois boueux débarqués à notre époque, trois êtres abîmés par des siècles de labeur et par les émotions engrangées au contact des humains sur une si longue durée. Trois trognes à la gouaille particulière, d'autant qu'ils sont capables de jurer en araméen ou dans d'autres dialectes encore plus oubliés. Et entre chaque chapitre, quelques pages apportent un contre-champ franchement drôle avec des scènes de la trajectoire d'un jeune policier qui essaie de mettre le grappin sur ces personnages bizarres et si dissemblables, apparemment échappés d'une sorte d'asile breton.

Entre humour grinçant, poésie et rêveries autour du monde antique et des amours perdues, le roman se lit facilement d'une traite. S'il comporte bien un ventre mou une fois le premier tiers du récit déroulé, la plume de l'auteur n'est jamais insistante ; ses descriptions sont fluides, les chapitres courts, et le texte est émaillé de clins d'œil (certes parfois faciles) sur les épisodes les plus connus de l'Histoire ou sur les télescopages entre les différentes époques vécues par les boueux. Yann Bécu enfin, offre la démonstration hilarante que de Baudelaire aux Feux de l'amour, il ne saurait y avoir de hiérarchie entre les cultures pour des êtres millénaires.

David SOULAYROL
Première parution : 7/12/2021 nooSFere


    L’Effet Coccinelle est le deuxième roman de Yann Bécu, à qui l’on doit déjà le très drôle Les Bras de Morphée (critique in Bifrost 96). Ambiance bien différente ici, mais le même mélange d’excès toujours contrôlé et de délire souvent drôlatique. Qu’on en juge !

    Eyaël, Raphaël et Mitraillette (ex-Gabriel) sont trois « Boueux » du service Maintenance du vaisseau panspermique M828. Tout en bas de l’échelle hiérarchique, ils sont envoyés sur le terrain (d’où leur surnom) en s’incarnant dans des corps locaux afin de nudger les créations de M828 dans la bonne direction (celle d’une société en paix). Ils descendent aussi lorsqu’il faut réparer d’urgence un dysfonctionnement dans le programme. Et là, sur la Terre, avec les sapiens qui ne le sont pas tant que ça, ça vient de merder grave. Déjà, les sapiens (issus d’un blueprint de piètre qualité) sont nuls pour atteindre le ratio de paix de cinquante pour cent qui est la condition pour pouvoir considérer le chantier comme terminé. Mais là, ils se surpassent. Voilà qu’un d’entre eux va prochainement publier une preuve définitive de l’existence de Dieu. D’où intervention en cata car cette « preuve » plongera à coup sûr le monde dans le chaos ; en effet si Dieu existe, reste à savoir le Dieu de qui et à imposer que c’est le sien – alors que nous savons, nous, que Dieu est M828 et ses services de design.

    C’est sur ce début aussi débridé que spectaculaire que s’ouvre L’Effet Coccinelle (no spoil). De là, le lecteur suit sur trois cents pages les aventures délirantes d’un trio d’agents de terrain un peu nazes, dont la tête, Mitraillette, est de surcroît plus proche de Bérurier que de l’archange chargé de l’Annonciation – et tellement peu fin qu’il croit que l’effet papillon s’appelle effet coccinelle. Pour mesurer la difficulté dans laquelle se trouvent les trois (et les autres équipes sur le terrain en d’autres lieux ou à d’autres époques), il faut savoir que, non contents d’être lancés dans une mission au long cours équipés seulement de leurs discutables capacités et de leur moralité négociable, ils subissent aussi la menace constante d’être repérés par l’inspection de M828 car, nous ne l’avons pas encore dit, leur mission, organisée en catastrophe par leur hiérarchie directe, est tout sauf officielle. Ce qui devait arriver arrive : objectifs plus ou moins loupés, détection des anomalies temporelles par le Service des fraudes, exil sur Terre dans des corps qui se clochardisent peu à peu. Alors que le monde s’enfonce dans une boiteuse recherche de vérité spirituelle qui contient les ferments de guerres de religion à venir, nos trois Stooges n’ont plus qu’un but : trouver les trente-cinq millions d’euros qui leur permettront d’acheter le californium dont ils ont besoin pour assembler la balise Omega susceptible de les ramener chez eux.

    Avec L’Effet Coccinelle, Bécu signe un deuxième roman aussi drôle et barré que le précédent. Mettant le lecteur dans la tête de témoins extérieurs à l’humanité, capables de surcroît de lire les pensées, l’auteur en profite pour pointer les vilenies et bassesses humaines, guère différentes de celles de ses anti-héros ; de fait, le seul personnage décent est le gendarme Jaouen (qui traque les trois en off), pas le couteau le plus aiguisé du tiroir mais un sapiens déterminé et juste. Dans un style qui oscille entre le familier et l’hommage à Baudelaire, l’auteur parvient tant à amuser (jusqu’à de vrais éclats de rire) qu’à soutenir l’intérêt tout au long d’une histoire improbable qui tient de bout en bout en équilibre sans jamais tomber. Si le premier roman de Bécu évoquait Vian, celui-ci lorgne souvent du côté de San Antonio et c’est plutôt réussi. C’est drôle, vif, érudit, excitant, ça se lit en moins de temps qu’un transfert de corps.

Éric JENTILE
Première parution : 1/10/2021 dans Bifrost 104
Mise en ligne le : 7/1/2025

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