« Aucune histoire ne s'achève jamais vraiment tant qu'elle continue à être racontée. »
Dans la bibliothèque de son université, Zachary Ezra Rawlins trouve un livre mystérieux, sans titre ni auteur. Découvrant avec stupéfaction qu'une scène de son enfance y est décrite, il décide d'en savoir davantage. C’est le début d’une quête qui le mènera à un étrange labyrinthe souterrain, sur les rives de la mer sans Étoiles. Un monde merveilleux fait de tunnels tortueux, de cités perdues et d'histoires à préserver, quel qu'en soit le prix...
Erin Morgenstern a grandi et vit toujours dans l’État du Massachusetts. Son premier roman, Le Cirque des rêves (Flammarion, 2012), a conquis des légions de lecteurs à travers le monde. Avec La Mer sans Étoiles, l'auteure confirme ses extraordinaires talents de conteuse.
Lorsque Zachary Ezra Rawlins, étudiant en jeu vidéo, trouve un vieux livre non référencé intitulé Doux Chagrins à la bibliothèque universitaire, sa curiosité est attisée. Et lorsqu’un chapitre de ce livre décrit une scène qu’il a vécu enfant et dont il n’a parlé à personne, il veut comprendre d’où vient ce livre. Son enquête le mène vite à une fête donnée par une mystérieuse organisation dont les membres se reconnaissent à des pendentifs ornés de trois symboles : une abeille, une épée et une clé. Cette fête se révèle pleines de découvertes pour Zachary : un beau et étrange garçon qui lui raconte une histoire puis lui propose d’aller cambrioler le local de cette organisation, une femme tout aussi mystérieuse qui lui accorde une danse et surtout une porte, première étape vers de nombreux univers au centre desquels se trouve le port de la mer sans étoiles.
Sorti d’abord en grand format chez Sonatine, éditeur plus habitué aux thrillers grand public, La Mer sans étoiles est un pur roman de fantasy utilisant la mise en abyme comme moteur principal. Le livre dans le livre, Doux Chagrins, dont les histoires alternent avec les chapitres consacrés à Rawlins, est composé de contes qui, petit à petit, se connectent avec ce que vit Zachary lors de sa quête. Trimbalant son personnage principal de sa petite vie tranquille d’étudiant à un univers fait de légendes et d’univers parallèles, Morgenstern trouble ce qui pourrait être un récit d’apprentissage classique en y ajoutant une bonne dose de méta. Cela donne un récit dense et touffu dont les liens n’apparaissent pas tout de suite de manière évidente et on peut par moment se sentir un peu perdu dans cette œuvre luxuriante qui n’est pas sans quelques longueurs. Mais Erin Morgenstern maîtrise son roman et intègre toutes ses histoires à la trame principale, formant un tout cohérent.
Roman d’une richesse impressionnante, déclaration d’amour au pouvoir des livres, à mi-chemin entre le réalisme magique d’Haruki Murakami dans La Fin des temps et le jeu avec la littérature et les univers parallèles d’Alix Harrow dans Les Dix milles portes de January (coïncidence, Les Dix milles portes… et La Mer … ont paru en même temps), La Mer sans étoiles captivera les lecteurs et lectrices friands de jeu littéraire et de récit hors norme bousculant les formats habituels de narration. Un régal.
Il y a de cela une huitaine d’années, Erin Morgenstern avait su nous enchanter avec Le Cirque des rêves – ce dont nous nous étions fait l’écho dans notre 64e livraison. La magie qui imprégnait les pages du premier roman de l’autrice serait-elle à nouveau présente dans son second ? Délaissant le monde forain du xixe siècle, Erin Morgenstern nous emmène en 2015, dans une bibliothèque universitaire. C’est dans ses rayonnages poussiéreux que Zachary Ezra Rawlins, étudiant préparant une thèse sur les jeux vidéo, met la main sur un recueil de contes intitulé Doux Chagrins. Le plus surprenant pour le jeune homme est d’y découvrir que l’un des récits raconte un épisode de son enfance, lorsqu’il n’a pas traversé une porte dessinée dans un mur. Décidé à connaître le fin mot de l’histoire, Zachary se lance alors dans une quête qui va l’amener à rencontrer d’étranges personnages – tant dans la réalité que dans les pages des livres, même si les deux ont une tendance curieuse à se mélanger – et surtout l’amener dans une bibliothèque souterraine et infinie, au-dessus d’une mer sans étoiles…
Pour les rats de bibliothèque que nous sommes (si vous n’en êtes pas un, signalez-vous de ce pas à la rédaction !), lire un roman mettant en scène d’infinis rayonnages de bibliothèques a quelque chose de réjouissant. Des livres, des livres, encore des livres, des labyrinthes de livres, des secrets cachés dans des livres, le pouvoir démiurgique de la littérature, et puis des chats (parlants). Des personnages ? Parlons plutôt de silhouettes. À vrai dire, la magie peine à prendre au fil des pages de cette Mer sans étoiles : l’ensemble est très soigné mais ne suscite guère d’émotions, et s’avère trop élusif, avec ses énigmes enveloppées dans des mystères, ses tenants et aboutissants flous, ses jeux de miroirs obscurs. Voilà qui est paradoxal pour un roman prenant pour objet la narration : alternant entre contes comme autant de fragments épars d’une intrigue plus vaste et récit de l’aventure de Zachary, l’histoire finit hélas par lasser. Peut-être faudrait-il replonger une deuxième fois dans cette Mer… pour en saisir toutes les subtilités ? Avouons-le, les rats de bibliothèque que nous sommes ont déjà une pile à lire haute comme ça bien plus riche en promesses…
Et pourtant… Même s’il faut attendre encore huit ans, on guettera le prochain roman d’Erin Morgenstern, en espérant que l’autrice saura retrouver la magie du Cirque des rêves.
Erwann PERCHOC Première parution : 1/10/2020 Bifrost 100 Mise en ligne le : 26/4/2024