Tout le monde, même les misogynes, admet qu’une femme puisse avoir un talent d'écrivain. Tout le monde, même les partisans de l'apartheid, reconnaît qu’on puisse être à la fois de race noire et bon conteur. Mais demandez à un Terrien, même démocrate, ce qu’il pense de la littérature martienne ! Là, vous vous heurterez à un mur d’incompréhension totale : le racisme antimartien ne désarme pas.
Que reproche-t-on aux Martiens, en tant qu’auteurs ? Chacun répond : leur manque d'imagination.
Il est vrai que les Martiens sont télépathes ; qu’ils ne se servent du langage que pour noter des faits ; que mentir est pour eux un acte exceptionnel, toujours utilitaire, considéré, non tant comme une entorse à la morale que comme un manquement à la logique... En somme les Martiens sont un peu comme les chevaux de Gulliver ; et leur littérature, uniquement biographique, historique ou documentaire, ne sort pas du réalisme le plus strict.
Est-ce à dire qu’ils sont incapables d'inventer ? Nous prétendons que non, et nous le prouvons, en publiant ce livre exceptionnel, premier essai, et premier chef-d'œuvre dans un genre nouveau : le fantastique martien.
Dès les premières pages, l'auteur nous en explique la génèse. Contraint, pour raisons politiques, de fuir sa planète d'origine, il a élu domicile dans le corps d'un Terrien moribond, qu’il a ressuscité à son seul bénéfice. Depuis ce temps, il vit, sans se faire reconnaître, une véritable vie terrienne. C'est ainsi qu'il se trouve obligé de feindre des sentiments qu'il n'éprouve pas, de rire, de s'émouvoir, et qu'il découvre enfin la volupté de l’imagination créatrice.
Il se met alors à composer une surprenante série de contes fantastiques à la manière terrienne, d'une richesse à peine croyable et d'une variété à faire pâlir de jalousie tous les spécialistes du genre. Il fait même preuve, par moments, d'un singulier humour : ne va-t-il pas jusqu'à raconter l'invasion de la Terre, non par les vrais Martiens, mais par des Martiens de science-fiction, tels qu’on les imaginait avant la prise de contact entre nos deux planètes ?
Nous devons cependant lui adresser un reproche : en tant que Martien, et comme tel victime du racisme, il aurait pu se dispenser de tomber, à son tour, dans l’antisémitisme le plus éculé. Humain, trop humain, hélas !
Quoi qu’il en soit, la preuve est faite : il existe, dans le psychisme martien, toutes les virtualités nécessaires à l’éclosion d'une grande littérature d'imagination, et c’est avec confiance que nous attendons désormais le grand roman martien de l'avenir.