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Un Pays de fantômes

Margaret KILLJOY

Titre original : A Country of Ghosts, 2014
Première parution : New York, USA : Combustion Books, 3 mars 2014   ISFDB
Traduction de Mathieu PRIOUX
Illustration de Xavier COLLETTE

ARGYLL (Rennes, France)
Date de parution : 25 août 2022
Dépôt légal : août 2022, Achevé d'imprimer : 2ème trimestre 2022
Première édition
Roman, 208 pages, catégorie / prix : 19,90 €
ISBN : 978-2-492403-54-5
Format : 15,0 x 21,0 cm
Genre : Science-Fiction


Quatrième de couverture

« Je vais être franc avec vous, Dimos. Nous ne vous confions pas ce travail parce que vous êtes le meilleur. Certainement pas. C'est une tâche importante, mais dangereuse, et vous êtes le meilleur reporteur que nous puissions nous permettre de perdre. »

Poussé par une industrie florissante, l’empire borolien se tourne cette fois vers les Cerracs, un territoire montagneux composé d’une poignée de villes et de villages ; une simple formalité.

Journaliste en disgrâce, Dimos Horacki signe désormais des papiers ronflants dans une gazette de la capitale. Mais voilà que son employeur l'envoie au front écrire un article élogieux sur un gradé en vue de l'armée impériale.

Sur place, Dimos découvre la réalité de l’expansion coloniale, et surtout, il met un visage sur leurs mystérieux ennemis, les anarchistes de Hron, qui défendent non pas leurs possessions, mais leur mode de vie et leur indépendance. Et tandis que la guerre fait rage autour de lui, que ses pas le portent de ferme en village jusqu'à la cité-refuge de Hronople, le reporteur voit peu à peu ses convictions voler en éclat.

Margaret Killjoy est une autrice et une éditrice transgenre qui vit en communauté dans les Appalaches, et dont les débuts ont été remarqués par des écrivains tels que Alan Moore ou Kim Stanley Robinson. Excusez du peu.

À mi-chemin entre Les Voyages de Gulliver de Jonathan Swift et Les Dépossédés d'Ursula Le Guin, Un pays de fantômes est une utopie qui interroge les normes sociétales et explore d'autres possibles.

Critiques

    Anarchisme. Un terme qui éveille bien des fantasmes, mais reste assez flou pour la plupart. Justement, Margaret Killjoy nous propose un voyage en pays d’anarchismes. Histoire de découvrir, de l’intérieur, les modes de fonctionnement de ces groupes, ces communautés, ces villes. Évidemment, ne s’agis­sant pas ici d’un essai, mais bien d’un roman, un récit illustre le propos. Journaliste, Dimos Horacki a écrit un article ayant déplu en haut lieu : le voilà désormais relégué aux rubri­ques sans intérêt et sans enjeu. Or, voici qu’on lui offre une chance de réhabilitation : concocter un portrait laudateur du général Dolan Wilder, actuellement en mission dans les Cerracs. En effet, l’empire borolien brule de mettre la main sur les richesses cachées au sein des montagnes de cette région. Ainsi, histoire de s’assurer le soutien de son opinion publique, mène-t-il une campagne de propagande à laquelle Dimos va participer, contraint et forcé. Jusqu’à ce que sur place, les choses dérapent et que Dimos se retrouve prisonnier de l’ennemi. De déplacement en déplacement, de rencontre en rencontre, il découvre un autre type de société et se familiarise avec le mode de fonctionnement de ces groupes qui refusent le pouvoir central…

    Margaret Killjoy est habile. L’irruption d’un naïf, d’un candide venu d’une société où les dirigeants tout puissants ne souffrent aucune contestation, permet au lecteur de faire un voyage tout en nuance à travers les méandres de la pensée anarchiste. Ici, point de manichéisme stérile. Si certains personnages proclament haut et fort leurs idéaux et leur mépris de ceux des autres, ils sont vite contre­balancés par divers points de vue bien différents. L’autrice évite les clichés stéréotypés, et propose une vision nuancée de ce mode de vie. Ainsi, on s’aperçoit que si les prises de décision sont parfois rapides, la plupart du temps elles s’avèrent le fruit d’un processus long, voire pénible, chacun étant libre de donner son point de vue – et ne s’en prive pas. Tel est le prix à payer pour un monde plus juste et un respect du plus grand nombre. Cependant, aucun des groupes que rencontre Dimos ne propose de modèle idéal. On découvre toujours un travers, un problème qui grippe la machine. D’ailleurs, les dissensions sont nombreuses et les com­munautés peuvent se séparer pour former de nouvelles unités plus petites, mais plus homogènes. Le journaliste, tel un explorateur en contrée lointaine et étrangère, compare et évalue, résiste et adhère. Là aussi, l’autrice fait preuve de finesse dans l’évocation des sentiments et pensées de Dimos : son chaos intérieur fait écho aux bouleversements du monde qui l’entoure. De fait, libre au lecteur de déployer sa propre opinion quant à cette vision sociétale que Margaret Killjoy connaît bien, vivant elle-même dans une communauté autonome des Appalaches.

    Un pays de fantômes est un roman surprenant car à rebours de quantité d’œuvres aux idées bien tranchées et/ou pétries de désespoir, un récit aussi rythmé qu’intelligent qui questionne et qui, mais oui, fait montre d’espérance. Voilà qui fait un bien fou en ces temps troublés.

Raphaël GAUDIN
Première parution : 1/10/2022 dans Bifrost 108
Mise en ligne le : 21/5/2025


Journaliste à la Gazette de Borol, Dimos Horacki est envoyé en reportage auprès de Doran Wilder, général de l’armée impériale en pleine ascension. Mais, arrivé sur la ligne de front, il constate que la guerre en cours n’est guère glorieuse, qu’elle ne vise qu’à une extension de l’empire colonial au détriment de la population de ces territoires. Capturé alors qu’il accompagne un petit groupe de soldats aux avant-postes, il découvre qu’il s’est fait manipuler par Wilder et sympathise rapidement avec l’ennemi, dont le fonctionnement anarchiste lui fait découvrir un nouveau monde.

Un Pays de fantômes est l’histoire d’un éveil. Dimos Horacki, s’il n’est pas un défenseur particulièrement zélé du pouvoir, participe à un journalisme de connivence. Son employeur n’est pas là pour informer, mais pour soutenir la politique d’expansion guerrière de l’empire. Et lorsqu’il est envoyé au front pour dresser une hagiographie du général, tous les moyens sont bons pour le mettre dans les meilleurs dispositions : « On me graissait la patte, on m’offrait un aperçu du train de vie des élites ». Mais c’est une fois sorti de Borol, la capitale de l’empire, qu’il va se heurter à la réalité de cette guerre coloniale et que sa vie va basculer. Le roman passe alors d’un récit de guerre conventionnel à la découverte d’une communauté anarchiste résistant à son voisin militarisé. Pour Horacki, c’est le passage d’un système hiérarchisé, où les soldats ne sont que des ressources, à une organisation libre à laquelle les gens adhèrent (ou pas) en conscience. Comme dans Les Dépossédés d’Ursula Le Guin, cela ne se passe pas sans problème : la petite taille de la communauté, son manque de moyen, ses désaccords internes, tout cela ne simplifie pas cette résistance et permet à l’autrice d’éviter l’idéalisation béate de cette utopie malmenée par la guerre. Cette guerre, d’ailleurs, est décrite par Kiljoy avec un ton peu habituel au genre : loin d’une succession d’actes de bravoure, c’est avant tout à sa banale horreur que nous assistons, où les amis souffrent autant que les ennemis, où la victoire est plus un soulagement qu’une gloire. L’autrice ne se complait pas dans la violence et utilise même un subterfuge pour couper court à une bataille.

Un pays de fantômes est le premier roman de Margaret Killjoy et n’échappe pas à quelques défauts mineurs, quelques facilités dans la construction de son intrigue. Certes, le portrait de cette société alternative, de cette utopie en devenir, peut sembler un peu démonstratif par moment, mais son cœur, cette communauté anarchiste résistant contre vents et marées, ses personnages avec leurs espoirs et leurs doutes, rend ce peuple de Rohn terriblement vivant. Doté d’une excellente préface de Patrick Dewdney (à lire après le roman, comme toujours), Un pays de fantômes est un récit marquant aussi bien par la force de son utopie anarchiste que par l’humanité qui s’en dégage. Margaret Killjoy a depuis publié deux autres romans, espérons que les belles éditions Argyll pourront nous les proposer.

 

René-Marc DOLHEN
Première parution : 7/9/2022 nooSFere

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