Stuart TURTON Titre original : The Devil and the Dark Water, 2020 Première parution : Raven Books / Bloomsbury, 1er octobre 2020ISFDB Traduction de Fabrice POINTEAU
Après le succès des Sept Morts d'Evelyn
Hardcastle, Stuart Turton est de retour.
1634. Le Saardam quitte les Indes orientales pour Amsterdam. À son bord : le gouverneur de l'île de Batavia, sa femme et sa fille. Au fond de la cale, un prisonnier : le célèbre détective Samuel Pipps, victime d'une sombre affaire.
Alors que la traversée s'avère difficile et périlleuse, les voyageurs doivent faire face à d'étranges événements. Un symbole de cendres apparaît sur la grand-voile, une voix terrifiante se fait entendre dans la nuit, et les phénomènes surnaturels se multiplient. Le bateau serait-il hanté, ses occupants maudits ? Aucune explication rationnelle ne semble possible. Et l'enquête s'avère particulièrement délicate, entre les superstitions des uns et les secrets des autres.
Vous aimez Jules Verne, Agatha Christie et Arthur Conan Doyle ? Avec ce nouveau puzzle aussi passionnant qu'étourdissant, Stuart Turton nous embarque dans une traversée diabolique, qui restera longtemps dans nos mémoires. Est-ce aussi jubilatoire que ça en a l'air ? C'est mieux encore !
Élu meilleur roman de l'année par : The Guardian, Daily Mail, Financial Times, Sunday Times et Publishers Weekly.
Critiques
Traverser les mers depuis les Indes néerlandaises jusqu’à Amsterdam au milieu du xviie siècle en indiaman (navire de transport avec quelques capacités militaires utilisé par les Anglais et les Néerlandais pour leur commerce) n’avait rien d’une sinécure : attaques de pirates, incompétence du capitaine, révolte de l’équipage, tempête… Mais si on ajoute à cette liste une malédiction venue des temps anciens, il est entendu que le périple du Saardam devait mal finir. Cependant, malgré tous les signes avant-coureurs, par cupidité ou par fierté, les instigateurs du voyage persistent, jusqu’au désastre.
Bienvenue dans une enquête en huis clos (le navire), avec un nombre limité (mais conséquent) de protagonistes (et donc, de victimes et de coupables potentiels) et une dose non négligeable de surnaturel qui flotte au-dessus de tout ça. L’auteur, Stuart Turton, un habitué de ce genre de romans à tiroirs (son premier, Les Sept morts d’Evelyn Hardcastle, avait convaincu de nombreux lecteurs, dont Xavier Mauméjean dans le Bifrost n°96), veut étonner son public. Pour cela, il multiplie les pistes, à commencer par les fausses. Il aime jouer avec les apparences pour mieux tromper son monde. Et il n’hésite pas à détourner les codes pour les tordre à ses besoins. Ainsi l’un des protagonistes, Samuel Pipps, détective de renom très comparable dans la description de ses talents à Sherlock Holmes : il est capable de comprendre une intrigue avec un nombre minime d’indices et de déjouer n’importe quel complot. Or, à peine découvert, ce remarquable atout est mis de côté : accusé d’on ne sait quel crime, il passera une grande partie du roman à fond de cale, laissant la place centrale à un ancien soldat au corps gigantesque, sorte de roc inébranlable. En apparence, bien sûr…
On ne peut nier à Stuart Turton un certain talent pour mettre en place une situation et présenter ses personnages sans lasser ni montrer trop les ficelles. On ne peut lui retirer une imagination efficace, ni lui reprocher de narrer des scènes d’action de façon brouillonne ou lourde. Tout cela est à mettre à son crédit. En revanche, sa volonté de surprendre à tout prix le pousse souvent vers une intrication excessive de certains nœuds narratifs, ou a contrario vers des facilités dans l’explication des motifs ou des tours de passe-passe qui émaillent son récit. Par ailleurs, Bifrost oblige, force est de préciser que le côté surnaturel, la malédiction d’Old Tom qui sous-tend toute l’histoire, n’est finalement pas au centre du roman. C’est avant tout l’enquête et les liens entre tous ces personnages aux passés mystérieux et lourds de secrets qui dominent. C’est vers sa résolution que portent tous les regards. Pour le reste, pour peu qu’on aime les intrigues à tiroirs, les manipulations, les retournements de situation, les complots, les haines tenaces et les sentiments contraints, et qu’on ne s’attende pas à une claque aussi puissante que celle du premier roman de Stuart Turton, s’embarquer pour cette Étrange traversée du Saardam est un choix qui fait sens.