L'excellent souvenir laissé par World war Z n'a pas été effacé par les douze années qui se sont écoulées, et voici le nouveau roman de Max Brooks, Dévolution. Autant dissiper les illusions d'emblée, le coup de génie de World war Z ne s'est pas reproduit.
En premier lieu, le style factuel de Max Brooks convenait au kaléidoscope de nouvelles de World war Z, qui faisaient, sous prétexte d'un récit journalistique, le tableau d'une épidémie mondiale sur plusieurs années ; Dévolution prend le parti-pris inverse d'un récit unique qui focalise sur un microcosme de onze personnes pendant un mois, et le style ne colle plus. L'écriture de Max Brooks nous laisse à l'extérieur du microcosme, et raconter le drame par le biais du journal intime de l'une des protagonistes ne change rien, car elle a le style de Max Brooks. Les personnages de Dévolution sont des fantômes.
En second lieu, Dévolution n'a pas la puissance d'effroi de World war Z, alors qu'il en avait le potentiel. Des traces subsistent çà et là du récit d'un cataclysme provoqué par une éruption volcanique dans le Nord-Ouest des États-Unis, de Seattle pris de folie, d'une société connectée qui ne sait plus rien faire sans télécommunications, mais il est réduit à l'état d'échos du récit principal, celui de l'invasion crypto-animale d'un village expérimental qui voudrait préfigurer l'urbanisme du futur. Ce récit-là a aussi son potentiel d'épouvante. À défaut de nous y attacher par des personnages rendus présents, Max Brooks en mène bien les péripéties, ce qui fait que le livre reste quand même un moment passable.
L'effet page-turner, incontestable, se fait sentir au bout de cinquante pages. Âmes sensibles s'abstenir, le récit n'est pas dénué de cruauté. Il est aussi nourri de données zoologiques, et comme World war Z jette un regard acerbe sur certaines errances de notre civilisation occidentale. Il se pourrait même que l'auteur ait eu l'ambition de produire une fable. Si j'en ai compris le sens, alors il me reste à signaler que le titre exact, en français, serait plutôt « involution ».
Au final, un thriller science-fictif qui sort du lot car l'auteur a des idées, mais dont le talent de conteur n'est pas à la hauteur pour cette fois.