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El gordo

Xavier MAUMÉJEAN



ALMA (Paris, France)
Date de parution : 9 septembre 2022
Dépôt légal : septembre 2022, Achevé d'imprimer : juin 2022
Première édition
Roman, 276 pages, catégorie / prix : 19,00 €
ISBN : 978-2-36279-606-7
Format : 13,5 x 18,5 cm
Genre : Fantastique


Quatrième de couverture

En 1936, le jour de ses douze ans, William, qui habite près de la Manche, quitte l’Angleterre, direction l’Espagne. Pour les beaux yeux de sa dulcinée, il traverse le pays en guerre afin de percevoir le gros lot, El Gordo. Le billet de loterie, quinze millions tout de même, semble être un « attracteur de chance ». C’est du moins ce que pensent l’ésotériste Julius Evola et le poète Federico García Lorca, deux magiciens à leur manière, qui s’affrontent dans les camps opposés.

Sur sa route parsemée de dangers, William croise Passe-montagne, son éloquent écuyer muet, Talia la tueuse sadique, Doña Pilar et son mannequin à roulettes, un sniper aveugle, les gardiennes du pont… Bref, une galerie de personnages issus de l’ordre noir et du chaos rouge.

Disons qu’il sera question d’horreurs commises par tout le monde, mais aussi de beaux sentiments qui attendriront le cœur.

Critiques

    Voici quelques années que Xavier Mauméjean ne nous avait donné de ses fictionnelles nouvelles, son roman précédent, La Société des faux visages (cf. Bifrost n° 88), datant de 2017. Un lustre au cours duquel l’auteur a avant tout mené une active carrière d’essayiste, avec entre autres un conséquent ouvrage consacré à l’artiste « outsider » Henry Darger (cf. Bifrost n° 102). C’est donc une manière de retour à l’Imaginaire, qui plus est en pleine forme, que marque pour Xavier Mauméjean la publication d’El Gordo, en cet automne 2022. Car c’est une fort belle chimère littéraire que l’auteur compose avec ce roman, fidèle en cela à sa conception, à la fois érudite et métisse, de l’Imaginaire. Pour celles et ceux ne l’ayant point encore goûtée, rappelons qu’il s’agit de relire une Histoire réellement advenue (ici, celle de la guerre qui déchira l’Espagne entre 1936 et 1939) à l’aune d’un prisme fictif composite, agençant avec un grand plaisir narratif des figures et motifs de la culture la plus considérée comme de la plus populaire.

    Soit une séduisante synthèse dont les protagonistes d’ El Gordo constituent, chacun à leur manière, les exemplaires incarnations. Le roman met en scène les aventures, à travers l’Espagne de 1936, de deux garçonnets : le disert William, sujet prépubère de sa Gracieuse Majesté, et le muet Passe-Montagne, d’origine parfaitement inconnue, ainsi surnommé du fait de son indéfectible attachement à son couvre-chef laineux. Quant à savoir ce que ledit Passe-Montagne est venu faire dans une péninsule ibérique à feu et à sang, lecteurs et lectrices ne le sauront jamais. Claires en revanche sont les motivations de William, sans pour autant être communes. Le jeune Anglais ne s’est en effet pas rendu en Espagne tel Eric Blair (alias George Orwell) pour prendre part à la guerre, mais pour y récupérer le considérable gain d’un heureux billet de la loterie espagnole. Nullement égoïste, l’entreprise de William revêt d’inédites allures chevaleresques, car ledit billet gagnant (surnommé «  El Gordo », c’est-à-dire « le gros lot ») appartenait au défunt père de Sweet, la jeune fille dont il est innocemment épris. N’ayant pour armure que des culottes courtes évoquant celles de Bennett et autres héros enfantins d’Anthony Buckeridge, William s’érige ainsi en anachronique paladin au cœur d’une Espagne du xxe siècle déchiquetée par des orages d’acier et d’idéologie, où la chevalerie n’est définitivement plus de mise. Déjà prégnant, le cousinage de William avec l’hidalgo décalé de Cervantes (sous le patronage duquel Xavier Mauméjean place liminairement El Gordo) devient encore plus manifeste après que se soit attaché à lui (à moins que ce ne soit l’inverse) le coi et débrouillard Passe-Montagne. Ce dernier s’affirmant comme un croisement assez extraordinaire entre l’ibère Sancho Panza de Don Quichotte et les ketjes (ou gamins, en bruxellois dans le texte) de Quick et Flupke d’Hergé…

    … car si El Gordo convoque nombre de références littéraires (à celles déjà citées, et selon un même œcuménisme transgénérique, on pourrait ajouter le drame shakespearien et les chroniques guerrières de Sven Hassel), c’est peut-être aux bandes dessinées de Hergé qu’il doit in fine le plus. Sorte de relecture hardcore de Tintin (avec en guise de principal méchant le très réel et «  surfasciste » Julius Evola), El Gordo se réapproprie les caractéristiques essentielles des aventures géopolitiques du reporter à la houppette, dressant ainsi un portrait aussi enlevé que saisissant de l’âge des extrêmes dont l’Espagne fut l’un des terrifiants théâtres…

Pierre CHARREL
Première parution : 1/1/2023 dans Bifrost 109
Mise en ligne le : 22/6/2025


William, jeune garçon anglais, entre en possession du ticket gagnant de la loterie espagnole. Il décide d'aller toucher ce gros lot (« el gordo ») à Madrid. Nous sommes à l'été 1936 et la guerre d'Espagne vient de commencer. Avec la naïveté de ses douze ans, William se lance à l'aventure. Bientôt rejoint par Passe-Montagne, son mutique compagnon de six ans, ils vont traverser le chaos de la guerre civile, protégés par leur candeur enfantine et une chance phénoménale que leur octroie le ticket de loterie. Ce véritable talisman attirera l'attention de deux occultistes engagés dans un duel à distance, le républicain Federico García Lorca et le fasciste Julius Evola.

Roman foisonnant, à la fois drôle et tragique, servi par le style élégant et plein d'ironie de Xavier Mauméjean, El Gordo entremêle plusieurs histoires, plusieurs thèmes.
C'est d'abord un hommage ludique autant que respectueux à Don Quichotte, que l'auteur pastiche avec humour tout au long de son texte. Ainsi de l'incipit : « Il vivait au village de Hole, dans un comté du sud de l'Angleterre que je serais bien incapable de situer [...] Ah, voilà que ça me revient, il vivait près de la Manche. » qui fait écho à celui de Cervantes : « Dans un petit bourg de la Manche, dont je ne veux pas me rappeler le nom ».
C'est aussi une description précise et saisissante de l'Espagne en guerre. Mauméjean s'appuie sur un important travail de recherche et de documentation ainsi que sur le témoignage des membres de sa famille, mais l'abondance des anecdotes, des détails et des personnages historiques n'encombre jamais la narration. El gordo est un roman historique, mais c'est avant tout un roman. Le style élégant, faussement distancié de l'auteur et son humour pince-sans-rire mettent en lumière toute l'horreur et l'absurdité de la guerre, un maelström de barbarie d'où émerge, parfois, comme par inadvertance, un acte de bienveillance ou un geste héroïque.

De façon étonnante, le récit évite tout manichéisme : il n'y a pas d'un côté les gentils républicains, de l'autre les méchants phalangistes. Ce que décrit Mauméjean, ce n'est pas un camp contre un autre, c'est la guerre civile, une folie collective dans laquelle s'effondre la société, c'est la sauvagerie de l'être humain brusquement libérée du carcan de la civilisation. D'un côte comme de l'autre, on tue, on torture, on viole, on exécute par jeu, on massacre jusqu'aux enfants dans le chaos le plus total et avec une légèreté glaçante. L'auteur s'explique de cet inhabituel numéro d'équilibriste dans une courte mais instructive postface.
Mais si El gordo est un roman sur la guerre, c'est au premier chef la guerre à hauteur d'enfants qui nous est donnée à voir. William et Passe-montagne parcourent l'Espagne du sud au nord, passent d'un camp à l'autre, traversent champs de bataille, villes assiégées et charniers nimbés de l'innocence propre à leur âge. Mieux encore, la magie de l'enfance envahit parfois le réel, comme chaque fois que William vient à bout d'insolubles problèmes techniques à l'aide du mecanismo, ce jouet qu'il a fabriqué et dont on ne saura rien si ce n'est qu'il comporte un élastique et un trombone.

Roman sur la folie de la guerre, roman où le fantastique déborde la réalité historique, roman sur l'enfance, roman sur l'Espagne et hommage à son plus célèbre écrivain, El gordo est tout cela à la fois, et bien davantage encore : peut-être le meilleur roman de Xavier Mauméjean ; quoi qu'il en soit, le plus personnel et le plus touchant.

 

Jean-François SEIGNOL (lui écrire)
Première parution : 14/12/2022 nooSFere

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