Linus Baker, fonctionnaire du Ministère de la Jeunesse Magique, inspecte depuis 17 ans les orphelinats. Il contrôle que les enfants sont bien traités et peut prendre des sanctions, voire demander la fermeture de l’établissement. Ce sont des orphelins un peu particuliers : ils sont dotés de pouvoirs magiques et sont souvent rejetés par le reste de la population. Lorsque qu’on lui demande d’inspecter un orphelinat dont il n’avait jamais entendu parler, il se doute que ce sera un travail pas comme les autres : cet établissement situé sur une île ne compte que six pensionnaires, dont le jeune Lucifer, fils du diable.
Il existe deux manières radicalement différentes de lire et de comprendre la Maison au milieu de la mer céruléenne. La première et la plus simple, est d’apprécier le roman pour ce qu’il est : un récit feel-good, un message d’amour, de compréhension, un éloge de la différence. Et c’est totalement réussi : on comprend rapidement que Linus va tomber sous le charme de ces incroyables enfants, que son esprit ouvert ne peut que soutenir le travail d’Arthur, le responsable de l’orphelinat, et que tout va bien se terminer. TJ Klune réussit cela remarquablement bien, sur un ton léger et souvent drôle, et malgré une simplification parfois extrême des comportements des personnages, le récit se dévore et comme Linus on succombe facilement à ce flot d’émotions et de bienveillance.
La seconde façon est de prendre en compte la source qui a inspiré l’auteur : la Rafle des années 60 (en anglais Sixties Scoop). Le gouvernement canadien a entre les années 50 et 80 enlevé des milliers d’enfants aux familles autochtones pour les placer dans des pensionnats et les faire adopter par des familles blanches. Ces pensionnats, souvent administrés par des églises chrétiennes, avaient pour but de supprimer la culture autochtone en coupant ces enfants de leur langue et de leur milieu d’origine. Le parallèle avec les enfants de La Maison au milieu de la mer céruléenne est alors évident et on comprend d’autant mieux le message positif du roman.
La Maison au milieu de la mer céruléenne est un roman joyeux et positif d’une efficacité redoutable inspiré par une réalité effroyable. On peut se demander s’il est utile ou même possible de transformer une horreur (l’enlèvement de milliers d’enfants, la tentative de suppression d’une culture) en roman feel-good. Je n’ai pas de réponse définitive à cette question, c’est à chaque lecteur et chaque lectrice de trancher.
René-Marc DOLHEN
Première parution : 27/12/2023 nooSFere