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Romans Fantastiques - 1

Gaston LEROUX



Robert LAFFONT (Paris, France)
Dépôt légal : 1961
Première édition
Recueil de romans, 588 pages
ISBN : néant
Genre : Fantastique

Edition reliée avec jaquette.


Quatrième de couverture

... Un terrifiant fantôme amoureux hante la salle, la scène, les coulisses, les souterrains de l’Opéra !
... Et un homme s’est promené un quart d’heure dans la mort !

Critiques

    1800. Jules Grévy est président de la République ; le ministère de Freycinet, qui a succédé le 28 décembre de l'année précédente au cabinet Waddington, démissionne le 19 septembre ; Jules Ferry prend la suite le 23 du même mois… En somme, une année pareille à tant d'autres.

    Pareille à tant d'autres ? Peut-être pas… Car, certain soir, à l'Académie Nationale de Musique et de Danse, une toute jeune, une ravissante cantatrice suédoise, Christine Daaé, reprend au pied levé le rôle de Marguerite, dans « Faust ». C'est une révélation, un triomphe inouï… Mais c'est aussi le début d'une étrange et tragique histoire qui va bouleverser tout Paris : l'histoire des amours d'Erik, le « Fantôme de l'Opéra ». Ce monstre humain à tête de mort hante les dessous enténébrés du Palais Garnier ; il s'y terre ; il y habite. Cet Erik n'est pas n'importe qui : à la fois ange et démon, il tient de Gwynplaine – Gaston Leroux n'a jamais fait mystère de son admiration pour Hugo – et de Maldoror. Compositeur de génie, chanteur et prestidigitateur hors de pair, c'est aussi un amateur de trappes – et Dieu sait que le Théâtre de l'Opéra n'en manque pas ! C'est enfin le plus extraordinaire ventriloque de tous les temps. « Il allait même jusqu'à faire chanter les gueules de pierre de mes taureaux androcéphales sur les murs du palais de Mazendéran…» Dès lors, on comprend aisément que lorsqu'il lui plaît de se manifester, soit vocalement, soit « en chair et en os » – surtout en os ! – en un point quelconque des 12.000 mètres carrés de l'Académie Nationale de Musique, Erik n'ait nul besoin d'ouvrir même la plus secrète des 2.531 portes de ce pharamineux édifice, pas plus que d'utiliser à cet effet la plus ingénieuse de ses 7.593 clefs. Le pouvoir d'Erik est quasiment illimité… Pourtant, si Christine Daaé, qu'il séquestre dans son inquiétante demeure du lac, le plaint et l'admire, il ne parvient pas à s'en faire aimer. Il lui fait peur. Au reste, la cantatrice a déjà, petite fille, « donné son cœur » une fois pour toutes, et sur la plage de Perros-Guirec, à son jeune camarade de jeu, le vicomte Raoul de Chagny. Erik menace, supplie, se résigne, puis s'efface. Après quoi, ayant achevé dans la fièvre sa grande œuvre lyrique, un « Don Juan triomphant », il ne lui reste plus qu'à « mourir d'amour ». Ce qu'il fait » à deux pas du lac de la rue Scribe, de la chambre des supplices et de ces barils de poudre noire auxquels il avait, un moment, songé pour quitter ce bas monde, en supprimant du même coup son seul amour et « beaucoup de ceux de la race humaine »… 

    Ce surprenant récit dont Hollywood a déjà tiré deux films, et qui ne date pas d'hier, recèle encore, intacts et toujours opérants, d'innombrables charmes qui sont ceux-là mêmes du roman-feuilleton. Des charmes étonnamment poétiques et infiniment plus subtils que l'on ne consent généralement à l'admettre. En fait, Leroux fut un grand, un très grand feuilletoniste ; et j'aimerais bien que quelque malin s'avisât de m'expliquer enfin la différence qu'il y a entre un « grand feuilletoniste » et un « grand écrivain ». Pour moi, je n'en vois guère… J'ajoute que « Le fantôme de l'Opéra », qui n'est peut-être pas l'un des maîtres livres de l'auteur, est indiscutablement l'un de ceux où s'exprime le mieux cette poignante, cette déchirante nostalgie du « vert paradis des amours enfantines » dont Leroux n'a jamais pu se guérir. Rappelez-vous Chéri-Bibi : « Je la voyais encore venir quelquefois avec sa mère, au milieu des blés. Elle se faisait des couronnes d'épis et de coquelicots…» Et l'Antoinette passionnée d'« Hardigras » : « Si nous étions encore à la « Fourca », tu irais me chercher des nids et tu ferais toujours danser pour moi les chèvres de la mère Bibi…» Ici, quand, après des années, Raoul de Chagny parvient enfin à approcher de nouveau Christine Daaé, il lui parle ce même langage ; il lui dit ceci qui n'est sibyllin que pour ceux qui les entourent : « Je suis le petit enfant qui est allé ramasser votre écharpe dans la mer, » Et la jeune fille le reconnaît…

    La première publication en volume du « Fantôme de l'Opéra » remonte à 1910. S'il faut en croire une allusion aux lévriers de course de M. Gabriele d'Annunzio que l'on trouve dans l'un des chapitres de « L'homme qui revient de loin ». c'est à peu de chose près durant cette même année 1910 que se déroule l'hallucinant roman qui porte ce titre, et qui parut en 1917.

    Il y a là, à l'orée de la forêt de Sénart : un « défunt », André Munda de la Bossière, qui revient errer nuitamment dans le château qui fut sien ; son frère Jacques qui mourra deux fois ; une jeune femme inexorablement ambitieuse ; un ricanant M.Saint-Firmin ; une amoureuse que l'on dît visionnaire ; deux sommités de la médecine, dont l'une réussira une bien scabreuse opération « à cœur ouvert » ; un énigmatique sourd-muet ; une vieille demoiselle adepte d'Allan Kardec… Et puis des accessoires, beaucoup d'accessoires : une table tournante ; la petite maison du bord de l'eau ; des bruits de chaîne ; la porte basse de la Tour Isabelle ; une innocente, une affolante bougie – « qui donc l'a éteinte ?… qui donc l'a coiffée de son petit casque d'argent ?…» – et, enfin, une énorme malle « moralement » omniprésente, une malle qui en évoque immanquablement d'autres : celles, illustres, de Gouffé et de Mme Bessarabo…

    Après cela, qui ne le laisserait guère soupçonner, il importe de souligner que ce récit d'une déconcertante habileté est l'un des plus « réalistes » que Leroux ait jamais écrits, au point même que certaines de ses parties semblent directement inspirées d'un fait divers.

    Ah ! j'oubliais : on retrouve épisodiquement dans cet « Homme qui revient de loin » la belle Mme de Bithynie, laquelle sort tout droit du premier roman de Leroux, l'admirable « Double vie de Théophraste Longuet » (1904), comme en sortent également l'élégant commissaire de police Mifroid qui réapparaît, lui, dans « Le fantôme de l'Opéra » et le sâr Eliphas de Saint-Elme de Taillebourg de la Nox, que l'on reverra dans « Le fauteuil hanté ».

    Cela dit, j'avoue que la classification des œuvres de Leroux adoptée par l'éditeur du présent volume me surprend un peu : en effet, ni « Le fantôme de l'Opéra » ni « L'homme qui revient de loin » ne me semblent authentiquement fantastiques, leur surnaturel, au reste spécieux, se trouvant en fin de compte toujours expliqué. Il eût été préférable de nous dire de l'ensemble de l'œuvre du père de « Chéri-Bibi » qu'elle constitue l'un des sommets du « roman d'aventures fantastiques », ce qui eût été plus général, moins restrictif. Et l'on aurait été dans le vrai.

    Maintenant, un regret : pourquoi les extraordinaires « Mohicans de Babel », repris en volume en 1928, après la mort de leur auteur, ne figurent-ils pas parmi les titres qu'on nous promet encore ? C'est pourtant là l'un des grands livres de Leroux. Et je ne suis sûrement pas le seul à ne pouvoir oublier la grandiose et terrifiante figure de M. Barnabé Ternisien, son déroutant protagoniste, pas plus que ce merveilleux chapitre XI – « Une toute petite histoire d'amour » – qui est à lui seul un véritable morceau d'anthologie : « Elle n'était pas jolie, jolie, Julie…»

Roland STRAGLIATI
Première parution : 1/11/1961 dans Fiction 96
Mise en ligne le : 21/1/2025

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