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La Monture

Carol EMSHWILLER

Titre original : The Mount, 2002
Première parution : Small Beer Press, juillet 2002   ISFDB
Traduction de Patrick DECHESNE

J'AI LU (Paris, France), coll. Science-Fiction (2007 - ) précédent dans la collection n° 13779 suivant dans la collection
Date de parution : 12 avril 2023

Réédition
Roman, 288 pages, catégorie / prix : 8,40 €
ISBN : 978-2-290-37564-8
Format : 11,0 x 17,8 cm
Genre : Science-Fiction


Quatrième de couverture

Non contents d’avoir colonisé la Terre, les Hoots, créatures extraterrestres malingres aux jambes trop faibles pour les porter, ont réduit les humains à l’état de bêtes de selle. Jeune humain d’apparat, Charley est destiné à devenir la monture du prince héritier des Hoots. Mais la troublante considération que lui porte son petit maître et sa rencontre avec son père, humain sauvage réfugié dans les montagnes, vont faire prendre conscience à Charley de son humanité perdue. Commence alors pour le garçon et le Hoot un long voyage initiatique qui les mènera loin sur le chemin de la compréhension mutuelle.

Critiques des autres éditions ou de la série
Edition ARGYLL, (2021)

La Terre est sous la domination des Hoots, des extraterrestres qui, sous un discours bienveillant, ont transformé les humains en animaux domestiques, les séparant en différentes fonctions, comme on le fait depuis des siècles avec les animaux d’élevage. Smiley est une monture : il transporte sur son dos un Hoot, car ceux-ci marchent difficilement. Il n’est pas la monture de n’importe qui : Petit Maître, son cavalier, est un futur dirigeant. Petit Maître est gentil, il traite bien Smiley, ne tire pas trop sur le mors ; Smiley est donc heureux, satisfait de sa condition animale, et ne comprend pas trop pourquoi certains humains voudraient se débarrasser des Hoots.

Carol Emshwiller est à peu près inconnue en France : une quinzaine de nouvelles traduites sur un période d’une cinquantaine d’années n’aide pas ) se faire un nom. Elle est aussi une écrivaine tardive : ses 6 romans ont été publié après ses soixante ans. Deux de ses nouvelles ont reçu un prix Nebula, un de ses recueils a eu un World Fantasy, et La Monture, publié en 2002, a gagné le prix Philip K. Dick en 2003.

La Monture, donc, est le récit de Smiley (son nom de monture, ses parents l'avaient baptisé Charley), jeune garçon de onze ans, heureux de son sort, qui découvre, au fil des événements, un monde différent de celui que les Hoots lui ont proposé. Un monde que d’autres humains, dont son père qu’il ne connait presque pas, n’acceptent pas. Roman d’apprentissage à la dure, Carol Emshwiller nous met dans la peau de ce jeune naïf, nous faisant partager son dilemme, tiraillé entre son éducation domestique et l’envie de révolte d’une partie des humains.

Miroir de la Ferme des animaux de George Orwell, remplacant les animaux de la ferme par les humains, la Monture nous détaille les mécanismes d’asservissement, les rapports de domination entre propriétaires et domestiques, entre maîtres et esclaves. En adoptant le point de vue de Smiley, dont l’attachement à son Petit Maître est réel et qui a du mal à se défaire de sa condition, le roman distille un malaise diffus mais constant, évitant tout manichéisme. La Monture n’est pas un récit plaisant à lire, il dérangera certainement une partie des lecteurs et lectrices, mais c’est dans ce malaise prégnant que réside sa force, c'est dans cette écriture ambiguë que la Monture est un grand récit de science-fiction.

 

René-Marc DOLHEN
Première parution : 19/10/2021
nooSFere


Edition ARGYLL, (2022)

    Il aura fallu attendre que la dame, qui aurait eu cent ans cette année, soit décédée de­puis deux ans pour qu’elle con­naisse enfin l’heur d’une publication française en volume – quand bien même elle a écrit plus de cent cinquante nouvelles et six romans, dont deux hors Imaginaire, entre 1954 et 2012. Une poignée de ses nouvelles furent néanmoins traduites, dont la dernière remonte à plus de 30 ans, dans Univers 1990. Autant dire que le nom de Carol Emsh­willer n’est évocateur que pour une poignée de fans à la connaissance encyclopédique, et qu’il y a quelque chose du miracle dans le fait qu’un éditeur publie La Monture.

    Avant d’être un roman, La Monture est une fable, qui prendra place près de La Ferme des animaux de Orwell, La Planète des singes de Pierre Boulle ou « Comment servir l’homme » de Damon Knight. Emshwiller transpose, dans un contexte SF d’invasion extraterrestre qu’elle développe à l’envi, « Le Loup et le chien » de Jean de la Fontaine.

    La Terre a donc été envahie par les Hoots, des ET qui ont les jambes atrophiées, en guimauve, ne peuvent même pas marcher et décident d’utiliser les humains comme monture. On peine à croire qu’une espèce astropérégrine doive en revenir à une traction animale. Si La Monture est bien une conjecture rationnelle, elle est fort peu plausible et exige une suspension d’incrédulité bien particulière. Chose qui n’a rien de dramatique, car le propos de la romancière n’est pas là.

    Dans cet univers, les Hoots utilisent l’humanité comme celle-ci utilisaient naguère la gente chevaline. Les humains vivent dans des stalles, sont appariés comme pour « l’amélioration de la race chevaline  » et servent à faire des courses de chevaux d’humains. Les Hoots en prennent grand soin, surtout des plus beaux spécimens, sans hésiter à user des éperons et de la cravache au besoin. S’ils en viennent à perdre de leur valeur, leur sort peut devenir moins « enviable », mais ils ne seront cependant ni tués ni mangés. Reste que les humains ne sont pas des chevaux – a-t-on jamais entendu parler d’une révolte de chevaux ? Certains s’enfuient pour aller vivre en sauvages dans les montagnes, où au confort perdu ils gagnent leur liberté.

    Dans ce double roman d’apprentissage, Smiley/Charley va devoir comprendre le monde où il vit et apprendre à faire des choix – ses choix. Très beau jeune spécimen (un ado) – le livre pourrait être repris dans une collection pour la jeunesse – il a été attribué à un jeune prince hoots, Petit Maître, qui lui aussi devra faire son pro­pre apprentissage d’un monde changeant. Lors d’un raid d’humains sauvages, Charley et Petit Maître se retrouvent en compagnie de la horde menée par son père. Charley est un dompté, conditionné à la vie parmi les Hoots, et ce qui lui semble enviable et important ne l’est nullement pour les Sau­vages, à commencer par son propre père…

    Le roman de Carol Emshwiller, qui est de la génération des Vance, Farmer, Dick ou Herbert, est éminemment spéculatif. Il est conçu pour faire réfléchir et ne livre pas du prêt-à-penser disant au lecteur ce qu’il est bon et politiquement correct d’avoir comme idées – si tant est que cela soit de la pensée… Em­shwiller ne tranche pas entre Chiens et Loups ; Herbert nous dirait que le bon choix est celui de la survie et le meilleur, la survie de l’espèce. Emshwiller nous rappelle pour sa part que l’inconfort majeur de la liberté – mais qui lui confère tout son prix – n’est ni le froid ni la faim, aisément circonvenus, mais son corollaire inéluctable : la responsabilité. Devoir faire des choix, prendre des décisions, et des plus difficiles quand la masse préfère en attendre un qui se décide à décider… Un mauvais choix fait par soi-même est-il préférable à un bon fait par autrui ?

Jean-Pierre LION
Première parution : 1/1/2022
Bifrost 105
Mise en ligne le : 6/2/2025

Prix obtenus
Philip K. Dick, Roman, 2003


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