Né à Laon, Henri Georges Jeanne dit H.-J. Magog (1877-1947) débuta par des dialogues et des poésies puis comme dramaturge à partir de 1906. Il devint feuilletoniste en 1911 au Journal, à Excelsior et à L’Eclair, et fut conteur au quotidien Le Matin, à partir de 1923. Il eut des activités syndicales pour défendre la profession de romancier populaire dans le cadre de la Société des Gens de Lettres et fût membre du jury du Grand Prix du Roman populaire décerné par le Petit Journal (1936-39).

Paul Féval fils (1860-1933) ne se lance dans la carrière littéraire et sur les traces de son père qu’après la mort de celui-ci. Auparavant, il s’était engagé comme matelot dans la Marine nationale et découvrait l’Indochine et Madagascar. Après un début de carrière littéraire en 1889-90 peu remarqué, il va très vite multiplier les suites des aventures des héros classiques, d’Artagnan, Cyrano ou Lagardère.

Son rapprochement avec le jeune H.-J. Magog lui permet d’élargir sa palette à un domaine qu’il connaît peu, contrairement à son cadet, ardent praticien du roman scientifique depuis ses débuts de feuilletoniste.

Le duo Féval-Magog va nous donner avec Les Mystères de Demain ce que l’on pourrait considérer comme un catalogue d’impossibilités, reliées par une trame narrative assez mince et souvent incohérente.

Féval et Magog nous décrivent la mésaventure d’une jeune fille qui prend le frais sur une terrasse, quand s’approche une sorte de nuage compact et tourbillonnant. Soudain un filet tombe du nuage et arrache la jeune fille, qui disparaît dans la nuée ; laquelle se dissipe pour laisser apparaître une sphère fisse et brillante, sans marques d’identification, qui disparaît dans le ciel à une vitesse fulgurante. La jeune fille va être emmenée dans l’antre d’un savant fou, nain caricatural au vaste front, assisté d’une femme mystérieuse, d’une beauté fatale.

Les Mystères de Demain jouissent d’une aura mythique auprès des amateurs de science-fiction ancienne. Les cinq fascicules de la pentalogie sont très difficiles à réunir. En dehors de quelques éditions à la demande, la présente « édition du centenaire » est la première à proposer le cycle en un volume, grâce à Jacques Olliveau et Jean-Luc Buard qui nous ont permis, récemment, pour la première fois en plus d’un siècle, de lire enfin les introuvables romans de Marius Monnier.

Sous-titrés « roman d’aventures scientifiques », Les Mystères de Demain offrent au lecteur la promesse d’aventures d’une conception nouvelle, d’une science jamais encore lue. Ce « genre complètement inédit », relevant d’un type défini depuis Jules Verne, procède de l’accumulation extravagante, systématique, des éléments habituellement présents dans les romans scientifiques. Nos deux auteurs rivalisent dans l’excès romanesque, entassent les épisodes, mélangent et multiplient les thématiques, reculent les limites de l’imagination fantastique, dans une spirale rhétorique tendue vers l’extrême, pour épuiser tous les superlatifs.

Féval et Magog suivent avec Oronius le schéma ancien du savant génial et qui peut tout. Les Mystères de Demain pourraient tout aussi bien être classés en fantasy qu’en science-fiction, la frontière est mince. Un homme-dragon, un requin, un sorcier se débattent, emprisonnés dans la pierre. Les fascicules se situent chacun dans des fieux différents, le premier, Les Fiancés de l’An 2000, en l’air, le second, Le Monde des Damnés, sous terre, le troisième, Le Réveil d’AÜantide, dans les océans d’ailleurs asséchés, le quatrième, L’humanité enchaînée, dans un monde où l’homme a été remplacé, et le cinquième, Le Faiseur de Folles, dans une époque alternative.

Les Mystères de demain, ou la rationalité de l’irrationnel, préface de Christophe Marécaille, aborde les mathématiques de l’absurde, tandis que Jean-Luc Buard, rédacteur en chef du Rocambole et auteur de l’essai Culture médiatique et presse numénsée (Presses de l’Enssib, 2019), propose, en fin de volume, une postface, une bibliographie ainsi qu’un essai d’inventaire des feuilletons de H.-J. Magog.