Cela fait des années que les auteurs d'anticipation nous offrent le thème de la guerre atomique déclenchée par erreur : le geste d'un fou, aviateur, général, marin, conscient du pouvoir de destruction mis entre ses mains, brûlant de devenir ange exterminateur au nom de la Religion, de la Démocratie ou de la Paix, et qui décide de bombarder Moscou, ou Prague, etc., etc.

    Chaque fois les critiques prennent l'ouvrage au sérieux, même s'ils l'éreintent et le démolissent. Et quand Mordecai Roshwald écrit Les mutinés du Polar Lion, où l'équipage d'un sous-marin utilise ses Polaris nucléaires pour mettre en condition le gouvernement de Washington et mener une vie de patachon, on voit les mêmes critiques secouer la tête, très très choqués… Pourtant les règlements sont tels qu'il faut trois mains pour provoquer le lancer d'une fusée ou d'une bombe nucléaire… Même au sommet : Il faut le Président, le Secrétaire à la Défense et le Chef d'État-Major général. En principe le Président possède le droit de déclencher seul le mécanisme… Mais quel homme sensé prendrait une telle responsabilité ?

    Un homme sensé, non ; mais un fou ? Et qu'on ne dise pas que la chose est impossible ; les U.S.A., avec Roosevelt, eurent un malade pour président ; avec Truman, un imbécile ; pourquoi n'auraient-ils pas un président qui devient fou ? Il est aisé de trouver les sources de Knebel : d'abord un ouvrage paru voici douze à quinze mois sur Wilson, et un autre, plus ancien, décrivant le cas d'un grand chirurgien allemand, gagné peu à peu par des idées fixes, au grand détriment de ses opérés.

    C'est le cas Hollenbach de l'histoire, glissant peu à peu, par insensibles degrés, dans la folie de la persécution, commençant à voir des complots autour de lui, à tisser un réseau d'espions, de rancœurs, et menaçant à tout instant la paix du monde.

    Que finalement il ait un éclair de lucidité et qu'il démissionne est ouvertement un coup de pouce voulu par l'auteur, car – et c'est un excellent morceau dramatique (dix à parier que d'ici un an nous le verrons sur les écrans) – confronté avec son médecin et ses adversaires, le président parvient à tout écarter et à raffermir son autorité.

    Qu'on ne hausse pas les épaules ; qu'on songe à Wilson devenu complètement aphasique peu après le traité de Versailles, si bien que, pendant deux ans, les U.S.A. furent gouvernés par sa femme, brave personne pourvue en tout et pour tout d'un certificat d'études primaires…

    Il paraît que ce livre a effrayé les U.S.A. C'est possible, mais il est à craindre qu'ici on ne lui préfère un ouvrage truqué comme Fail-safe, ou encore On the beach… 

Jacques VAN HERP
Première parution : 1/6/1966 dans Fiction 151
Mise en ligne le : 29/10/2023