LIVRE DE POCHE
(Paris, France), coll. SF (2ème série, 1987-) n° 37681 Date de parution : 12 juin 2024 Dépôt légal : juin 2024, Achevé d'imprimer : mai 2024 Réédition Roman, 576 pages, catégorie / prix : 9,90 € ISBN : 978-2-253-24758-6 Format : 11,0 x 17,8 cm✅ Genre : Science-Fiction
En choisissant ses nouveaux maîtres, Andrea Cort a été bien récompensée : elle est devenue Procureure extraordinaire pour le Corps diplomatique de la Confédération homsap. Recevant une invitation de la famille Bettelhine, des marchands d’armes qu'elle méprise, elle se laisse emporter par la curiosité : elle doit savoir ce qu'ils lui veulent. À son arrivée au port orbital, des assassins tentent de l’éliminer avec une arme extraterrestre aux effets effroyables conçue il y a près de seize millénaires : la troisième griffe de Dieu. Andréa va mener l’enquête la plus périlleuse de sa carrière.
Une SF intelligente, ambitieuse et incarnée. La Voix du Nord.
Un polar spatial divertissant, intrigant, mais surtout addictif ! SyFantasy.
1 - Les Personnages (2009), pages 9 à 11, liste, trad. Benoît DOMIS 2 - La Troisième griffe de Dieu (The Third Claw of God, 2009), pages 13 à 474, roman, trad. Benoît DOMIS 3 - Un coup de poignard (A Stab of the Knife, 2018), pages 475 à 566, nouvelle, trad. Benoît DOMIS 4 - Remerciements, pages 567 à 568, notes, trad. Benoît DOMIS
Après Émissaire des morts, on retrouve pour de nouvelles aventures Andrea Cortes, l’agent diplomatique traumatisée dans son enfance par un massacre inter-espèces. Accompagnée des deux « inseps » (deux humains qui ont fusionné leurs esprits pour ne former qu’une seule conscience à deux corps) qu’elle a rencontré(s) lors du premier roman, elle se rend sur la planète Xana, propriété de Hans Bettelhine. Cet homme est en effet à la tête d’un richissime empire financier bâti sur le commerce d’armes et l’exploitation éhontée de tous les conflits qui ont ensanglanté la Galaxie. Un meurtre et un sabotage vont coincer ces trois personnages en compagnie de quelques membres de la famille Bettelhine, de leurs employés et de deux autres invités de marque, dans un ascenseur spatial de luxe. Et l’assassin est probablement parmi eux !
Centré sur l’enquête que mène Andrea, La troisième griffe de Dieu est pour l’essentiel un whodunit en orbite. Par de nombreux éléments, le roman évoque ceux d’Agatha Christie : une famille immensément riche où chacun dissimule des petits secrets, un meurtre qui vient troubler la tranquillité apparente de la haute bourgeoisie, des domestiques obséquieux et dotés d’un manche à balai rectal, des indices disséminés dans le passé de chaque personnage… Jusqu’à la résolution de l’enquête qu’une Andrea Poirot-Cortes expose après avoir réuni tout le monde dans le salon. On sourit souvent, d’autant que les dialogues sont émaillés de pointes d’humour bienvenues, mais on a un peu de mal à être captivé par le mystère et sa résolution. La faute, peut-être, à la présence sporadique des IA-source (qui étaient au centre du premier roman) et à leur agaçante omniscience : on comprend vite qu’elles connaissent le fin mot de l’histoire, et l’intérêt qu’on pourrait porter à son dévoilement se délite.
Comme dans le premier roman, on est frappé par un décalage gênant. Il y a d’un côté l’ampleur de l’univers imaginé par Castro, la complexité des nombreuses civilisations extra-terrestres, la démesure des enjeux stratégiques et diplomatiques qui forment l’arrière-plan du récit, soit tous les ingrédients d’un grand roman de science-fiction ; face à cela, le faible enjeu de l’intrigue, son caractère clochemerlesque et l’échelle réduite à laquelle tout se joue (un huis-clos, une famille certes riche au-delà du raisonnable mais somme toute assez peu intéressante, les problèmes psychologiques d’Andrea…) donne le sentiment d’un matériau inexploité.
Alors, bien sûr, l’énigme policière qui constitue l’essentiel du roman se suit sans déplaisir ; l’évolution du caractère d’Andrea et les nouvelles révélations sur son passé raviront tous ceux qui ont été séduits par ce personnage truculent ; les dialogues vifs et l’humour rendent la lecture agréable. Mais il manque à La troisième griffe de Dieu un véritable souffle, un enjeu, pour en faire le grand roman de SF que l’univers inventé par Castro laissait espérer.
Quelques mois après sa première publication en France avec Émissaire des morts (critique in Bifrost n°102), Andrea Cort, l’héroïne misanthrope d’Adam-Troy Castro, revient pour un deuxième round avec La Troisième Griffe de Dieu. Ce nouveau volume comprend le roman éponyme et une courte nouvelle, « Un coup de poignard », racontée du point de vue d’un autre personnage récurrent de l’auteur, Draiken. Éliminons d’emblée la question de cette nouvelle : si vous ne connaissez pas les aventures précédentes de son narrateur, ce récit vous laissera de marbre et n’a qu’un but, vous rassurer sur les liens sentimentaux d’Andrea et de ses chéris après la fin du roman qui précède. Il s’agit plus d’une vignette de présentation qu’une véritable histoire comme l’étaient les quatre nouvelles précédant Émissaires des morts dans le premier opus.
En revanche, le roman en lui-même, La Troisième griffe de Dieu, ravira à la fois les fans d’Andrea Cort et les novices qui ne la connaissent pas ou qui veulent s’essayer en douceur à la science-fiction. En effet, il ne s’agit ni plus ni moins que de la transposition d’un grand classique des récits policiers dans un univers futuriste où humains, IA et aliens se mêlent : le meurtre en huis clos cher à Agatha Christie ou Sir Arthur Conan Doyle. Tour à tour dans la peau d’Hercule Poirot ou de Sherlock Holmes, Andrea Cort, accompagnée des Porrinyard, va enquêter, coincée dans la cabine d’un ascenseur spatial, sur le meurtre d’un érudit alien, alors qu’elle-même avait juste avant l’embarquement été victime d’une tentative d’assassinat avec une arme similaire, un artefact religieux que l’on croyait disparu depuis des millénaires.
La forme de La Troisième griffe de Dieu est donc un récit extrêmement classique dans lequel le lecteur ou la lectrice se glisse très facilement. Il n’y a pas nécessité d’avoir lu le volume précédent : Adam-Troy Castro se fait un plaisir de rappeler les points essentiels à savoir sur Andrea Cort, les Porrinyard et l’univers dans lequel les personnages évoluent. Et même si les deux livres peuvent se dévorer indépendamment l’un de l’autre, nous en apprendrons plus dans celui-ci sur le passé d’Andrea et sur ses particularités. Dans le fond, Adam-Troy Castro continue de dérouler ses interrogations sur l’aliénation de l’individu au collectif à travers les différents personnages inseps, mais aussi par ce qu’une grande entité économique peut exiger de ses salariés (sans en dévoiler plus). Il déploie également ses questionnements sur la part de la nature et celle de l’éducation dans la construction d’un individu. Ici, Andrea Cort lui sert à nouveau de sujet d’étude préféré, mais également la famille richissime de marchands d’armes Bettelhine, dont différents membres sont enfermés dans l’ascenseur spatial et constituent donc des suspects potentiels. Le tout sans trop s’appesantir pour ne pas oublier son objectif premier : divertir.