Site clair (Changer
 
    Fiche livre     Connexion adhérent
Le 31 Juin

John Boynton PRIESTLEY

Titre original : The thirty-first of June, 1961   ISFDB
Traduction de Jean ROSENTHAL

Robert LAFFONT (Paris, France)
Dépôt légal : 1963
Première édition
Roman, 256 pages, catégorie / prix : 15,90 F
ISBN : néant
Genre : Fantasy


Critiques

    Après Le reflet de Saturne, voici Le 31 juin. Le premier était un roman d'aventures peu convaincant, donnant simplement l'impression que Priestley, écrivain au solide métier, bâclait tant bien que mal un récit à suspense pseudoscientifique pour profiter du côté dont soufflait le vent. À très peu de chose près, c'est l'impression que laisse également ce récit, qui pose deux problèmes au lecteur comme au critique.

    Le premier de ces problèmes est évidemment celui du complexe d'infériorité dont souffrent beaucoup d'amateurs de science-fiction et de littérature insolite. Un écrivain renommé s'essaie-t-il dans le genre qui leur est cher ? Ils s'extasient aussitôt, misant sur la réputation de l'auteur et espérant qu'un peu de sa gloire rejaillira sur le genre littéraire. On craint que le calcul ne soit faux : La planète des singes est assurément l'œuvre d'un écrivain respecté ; ce n'en est pas moins, sur le plan de la science-fiction, un ratage intégral. Bien entendu, il faut qu'un Pierre Boulle sévisse dans la science-fiction pour qu'une large part du grand public, prenne conscience de cette dernière ; mais on comprend facilement ceux qui, dans ce grand public, auront refermé le livre en pensant : « La science-fiction, ce n'est donc que cela ? »

    Revenons à nos Priestley. Il affirme avoir écrit, pour s'amuser, ce récit au caractère féerique, dans lequel le monde moderne et celui du Roi Arthur s'interpénètrent, et où des personnages passent de l'un à l'autre de ces temps. Ce caractère féerique est le second des problèmes que soulève ce livre.

    Au temps où l'on croyait à l'existence des dieux, des sorciers et des génies, chacun connaissait – dans les grandes lignes tout au moins – l'étendue et les limites de leur pouvoir. Protée pouvait changer d'aspect à sa guise, Cassandre savait l'avenir bien que personne ne la crût et Balder ne pouvait être blessé que par une branche de gui. Lorsque Priestley met en scène des enchanteurs, il a beau les présenter comme ayant été formés par Merlin : le lecteur auquel il s'adresse n'a aucune idée de ce que peut être leur pouvoir, et les aventures qui arrivent à ces braves enchanteurs ainsi qu'à leurs protégés ont un caractère gratuit qui lasse rapidement. En fait, il n'y a aucune raison pour qu'il leur arrive même des aventures – autrement dit, pour qu'ils rencontrent des difficultés dans l'accomplissement des tâches qu'ils se sont imposées. 

    Il n'y a aucune raison pour qu'une princesse, fille d'un vassal du roi Arthur, aperçoive dans un miroir magique le visage d'un dessinateur travaillant dans une actuelle agence londonienne ; on peut concevoir qu'elle en tombe amoureuse, la rigueur dans ce domaine ne pouvant être exigée du romancier. Il n'y a aucune raison, en revanche, pour que le jeune Londonien finisse par prendre part à un tournoi de chevaliers, ni pour que son patron soit transformé en dragon. L'aîné des deux enchanteurs a beau répéter périodiquement qu'il a un plan, on ne s'y intéresse guère, puisqu'on ignore la mesure même dans laquelle un plan lui est nécessaire.

    Ces pages dégagent une impression d'arbitraire qu'accentue encore l'interpénétration des deux univers. Il n'y a aucune justification derrière le déroulement de ces aventures, car il n'y avait aucune raison particulière pour qu'elles se compliquent, ni pour qu'elles se terminent. Ni, surtout, pour qu'elles commencent.

    On chercherait en vain, dans ces pages, la belle poésie fantastique et onirique d'Alice au pays des merveilles ; on n'y trouverait pas, non plus, la verve dans l'absurde qui animait L'invitation au supplice de Nabokov. On n'y rencontrera qu'un timide surnaturel arbitraire, assaisonné d'un humour laborieux – dont les manifestations les plus acceptables, comme la conversation dans le pub qui est manifestement inspirée des pages de George Mikes, sont des variations sur la pesanteur et le flegme anglais. Le total est franchement ennuyeux.

    Tel ne semble pas être l'avis de l'auteur, qui manifeste un solide optimisme dans le succès de vente que connaîtra son livre. Sa dédicace porte en effet ceci : « Pour mes petites-filles, Sadie Wykeham, Vioky, Karen et Sophie Goaman, Kristin et Miriam Littlewood, avec l'espoir qu'il restera encore quelques exemplaires de ce récit quand elles se sentiront prêtes à s'y attaquer. » Le soussigné, ne tenant pas outre mesure à son exemplaire de ce livre, se fera un plaisir de l'envoyer à la première de ces demoiselles qui lui en adressera la demande.

Demètre IOAKIMIDIS
Première parution : 1/9/1963 dans Fiction 118
Mise en ligne le : 25/8/2024

retour en haut de page

Dans la nooSFere : 87293 livres, 112209 photos de couvertures, 83729 quatrièmes.
10815 critiques, 47164 intervenant·e·s, 1982 photographies, 3915 adaptations.
 
NooSFere est une encyclopédie et une base de données bibliographique.
Nous ne sommes ni libraire ni éditeur, nous ne vendons pas de livres et ne publions pas de textes. Trouver une librairie !
A propos de l'association  -   Vie privée et cookies/RGPD