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L'Hipparion

Jean MUNO



JULLIARD (Paris, France)
Dépôt légal : 1962
Première édition
Roman, 240 pages, catégorie / prix : 10,80 NF
ISBN : néant
Format : nd
Genre : Fantastique


Pas de texte sur la quatrième de couverture.
Critiques

    Le thème de ce roman se rattache au fantastique, et aussi à la féerie.

    Lionel Van Aerde, brave instituteur en retraite, découvre un matin, sur la plage près de laquelle il passe ses vacances, un hipparion parfaitement vivant. Il en est décontenancé. N’est-ce pas là, après tout – et ainsi que le dit le Larousse – un « genre de mammifères périssodactyles fossiles, qui comprend les ancêtres des chevaux actuels » ? L’étrange quadrupède s’attache à lui, le suit docilement, et devient bientôt sa propriété. Van Aerde l’installe chez lui : dans son jardin d’abord, puis dans son appartement. Enthousiasmé par sa découverte, il retrouve une sorte de seconde jeunesse, mais celle-ci sera éphémère ; l’incompréhension de ses voisins et de ses confrères, le désordre que l’animal apporte dans sa vie, les problèmes qu’il engendre : tout cela aura raison de l’enthousiasme du vieux monsieur, et causera même la mort de l’animal. Son squelette pourra-t-il du moins être conservé, devenir l’ornement de quelque musée de province ? Van Aerde l’espère, et les événements lui donnent d’abord raison. Hélas, un inspecteur sans imagination, qui le voit au hasard d’une tournée, juge ce squelette trop bien conservé, et les différents os en sont jetés. Il n’en restera qu’une partie du pied, munie d’une étiquette sur laquelle l’indication « pied de cheval fossile » s’accompagnera d’un point d’interrogation. Cette relique sera la seule manifestation du passage, dans la vie de Van Aerde, du miraculeux hipparion… 

    Il y avait là le sujet d’une pantalonnade, comme celui d’une satire, Jean Muno a choisi de traiter son sujet sur le mode féerique, en y développant un symbolisme facile à traduire.

    Cet hipparion incarne les aspirations secrètes du vieil instituteur, les vœux qui ne se sont pas accomplis, les rêves et les espoirs de sa jeunesse. Il représente en quelque sorte la chance de l’ancien instituteur : sa chance de s’évader du quotidien, du médiocre ou du conventionnel, sa chance de s’affirmer, sa chance de faire parler de lui. Si l’hipparion finit par mourir, si son squelette même finit par disparaître presque entièrement, c’est au fond parce que Van Aerde ne lui a pas fait l’accueil qu’il méritait. Il a chassé, il est vrai, la très prosaïque Madame Fugue, qui tenait son ménage de vieux garçon avec les espoirs inavoués habituels, pour faire place à son nouvel invité ; mais il n’a pas su comprendre que l’arrivée de celui-ci exigeait certains sacrifices, dont celui de ses habitudes – et peut-être aussi d’un peu de son caractère ? Pour devenir ce qu’on souhaitait jadis être, ne faut-il pas changer intérieurement ? Le pauvre Van Aerde en fera l’expérience et, après avoir bouclé la boucle, il se retrouvera chez lui, sans hipparion, mais avec Madame Fugue, plus prosaïque et quotidienne que jamais.

    Le ton choisi par l’auteur s’accorde à la personnalité de son protagoniste. Van Aerde, après tout, n’est ni haïssable, ni risible, ni méprisable. Il n’inspire pas non plus l’admiration, ni même simplement l’inquiétude. Tout semble indiquer qu’il a fait honnêtement, naguère, son métier d’instituteur : sans éclat, mais avec compétence. Son « hobby », qui est évidemment la paléontologie, est l’objet de ses soins appliqués et méthodiques. Mais il lui manque la flamme – ou, tout au moins, la brindille qui pourra prendre feu…

    De ce qui n’était fondamentalement qu’une sorte de fait divers, Jean Muno a tiré un roman qui se lit sans ennui. Le rythme lent de l’action s’accorde avec le personnage central, et permet à l’auteur de placer des notations toujours justes et fréquemment poétiques. Le personnage du petit voisin – qui, quant à lui, accorde à l’hipparion le crédit et la place qu’il mérite – provoque certains passages un peu mièvres. En revanche, les personnages auxquels Van Aerde est amené à s’adresser – du rival fielleux au taxidermiste farfelu – fournissent le prétexte de touches en général pleines d’humour.

    Tout cela est raconté sur un ton simple, tranquille et naturel, qui conserve sans difficulté la sympathie et l’attention du lecteur. Jean Muno ne cherche pas à donner de leçon, mais il suggère des réflexions et des approfondissements, sans avoir l’air d’y toucher : cela n’est pas à la portée du premier venu.

Demètre IOAKIMIDIS
Première parution : 1/8/1962 dans Fiction 105
Mise en ligne le : 28/12/2024

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