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La Malvenue

Claude SEIGNOLLE



FRANCE LOISIRS (Paris, France)
Dépôt légal : 1989, Achevé d'imprimer : 10 septembre 1989
Réédition
Roman, 244 pages, catégorie / prix : nd
ISBN : 2-7242-4509-1
Format : 13,8 x 20,7 cm
Genre : Fantastique

Ouvrage relié avec jaquette signée Didier Thimonier, photographie Mazeran / Vloo.

Autres éditions

Sous le titre La Malvenue et autres récits diaboliques   MARABOUT - GÉRARD, (date inconnue), 1965, 1965, 1977, 1983
Sous le titre La Malvenue
   PHÉBUS, 1998, 2013

Quatrième de couverture
[texte de la quatrième de jaquette]
 
« Claude Seignolle, d’abord enquêteur des croyances et superstitions du terroir, a puisé, là, matière à ses romans. Il en a fait, entre autres, cette Malvenue qu’on s’accorde à considérer comme son chef-d’œuvre. Un livre puissant, d’une sensualité prenante, qui va bien plus loin que ce genre fantastique aux effets gratuits dans lesquels certains auraient voulu le ranger... Il faut redécouvrir Seignolle comme un grand de notre littérature que saluèrent Mac Orlan et Cendrars, et que nous envient les lecteurs du monde entier. »
la Vie
 
Critiques des autres éditions ou de la série
Edition MARABOUT - GÉRARD, Bibliothèque Marabout - Fantastique (1965)

    Le fantastique de Seignolle a sa dimension propre. Comme le dit Hubert Juin, il s'agit d'un fantastique assumé et non pas imaginé. Poe, Lovecraft, Jean Ray sont des hommes seuls, ils créent les faits relatés, et le monde qu'ils révèlent est leur univers propre, surgi de leur esprit. Seignolle ne crée pas, il rassemble, trie, ordonne un fantastique rêvé par des générations paysannes nourries de sorcellerie campagnarde, ou encore né des villes et de leur passé.

    Rien de cosmique dans cet univers, rien qui crève ou bouleverse les cadres établis, mais un monde très réel, très réaliste, collé à la terre, faisant corps avec l'homme. Ce ne serait qu'une enquête folklorique, si Seignolle n'était avant tout un écrivain, dont l'écriture n'est point une et figée, mais s'adapte chaque fois au sujet traité. Ainsi la langue, le style, les images diffèrent selon les sujets, et les courts romans de La Malvenue ne se rédigent pas comme les contes citadins de La nuit des Halles

 

    La Malvenue, Marie la Louve, Le Galoup, Le Diable en sabots, rassemblés sous la même couverture, sont quatre courts romans, paysans et fantastiques, où s'opère harmonieusement la fusion de ces deux éléments dissemblables : le réalisme et le fantastique. Langue, image, écriture, tout vient de la glèbe, restitue le pesant soleil d'août, l'espace dur de l'été, la terre sèche, la sueur des hommes. C'est une langue paysanne, où affleurent les archaïsmes, et qui fait corps avec son sujet, au point qu'on croit surprendre des récits de veillées, avertissant les auditeurs du danger de frayer avec les forces obscures.

    La Malvenue, c'est avant tout le destin d'une fille grisée par l'été et par le jeu des flammes, qui boute le feu alentour, charge un innocent, amène son amoureux à incendier la ferme paternelle. À première vue, rien qui dépasse un destin de fille perverse et pyromane. Mais il y a l'autre, la statue brisée qui dormait sous la terre et qui porte malheur ; il y a le trimardeur dont les apparitions répétées sont sans doute autre chose que des hallucinations. Et surtout il y a ce que l'on devine, ce que l'auteur suggère : la présence maléfique de celui qu'on ne nomme pas, mais qui, sans prodige, par le simple cheminement du mal dans les esprits, révèle sa présence de façon redoutable.

    Marie la Louve a reçu d'un meneur de loups le pouvoir de guérir les blessures, mais perdra ce don quand mourra le donateur. La fille en rit d'abord, puis un jour, cédant aux supplications, elle guérit un enfant. C'est alors le haro général, le pays dressé contre cette mauvaise, cette fille du diable, cette sorcière. La haine baveuse et basse se déchaîne, chacun la hait, la méprise, l'envie et la désire. Et Marie, repoussée par tous, reniée par Dieu, se veut servante de l'Autre et déchaîne autour d'elle des puissances mortelles.

    Dans ces deux romans, le fantastique est tout en suggestions, en silences, en courants sous-marins qui agitent les profondeurs des âmes. Au contraire, Le Galoup et Le Diable en sabots nous entraînent directement dans les terres maudites : soit qu'un fermier se change en loup et massacre de nuit les troupeaux ; soit que le diable se fixe dans un village, y exerce le métier de forgeron, et y brase et martèle les portes qui se fermeront sur de futurs assassins.

 

    Mais Seignolle n'est pas familier que du terroir solognot. À la suite de Nerval, il a découvert que les grandes villes sont terrain plus riche encore, avec ces strates déposées par les siècles, ces mille magies, mille connivences secrètes entre les gens et les choses, avec le grand secret enclos dans les pierres, monde qu'il faut se hâter d'explorer et de défricher, dont il faut recenser toutes les richesses, avant que la pioche des démolisseurs achève ce qu'a commencé l'instruction obligatoire, le nivellement des esprits, la destruction concertée de tout ce qui fut le passé.

    Aussi Paris, sous sa plume, se révèle aussi complexe, aussi fantastique que les plus lointaines campagnes, dans ces contes voués à la magie citadine. Par certains détails, La nuit rappelle ce livre, si envoûtant, de Jacques Yonnet : Enchantements sur Paris, où l'on esquisse les limites dévolues à ce diable citadin, dont l'autorité ne s'étend guère au-delà de l'enceinte de Philippe-Auguste.

    C'est là, dans ce périmètre où tout est redoutable, que Sonia, la pitoyable petite putain de quinze ans, s'embusque la nuit, choisît un client parmi les plus sanguins des Halles, puis s'en retourne dormir au Père-Lachaise.

    Chaque millième cierge allumé dans l'église St-Merri appartient au Diable, et la vie du suppliant dure autant que cette flamme brève. Le héros du conte de cette malédiction se fait une arme, et exerce une vengeance raffinée contre la femme qui jadis le ridiculisa.

    Il y a encore ce bourreau surgi des âges, ce faucheur qui se révèle la Mort. Et puis il y a Delphine, héroïne d'une histoire d'amour et de désillusion, qui ne peut que répéter des gestes accomplis cent ans plus tôt, pour tomber frappée par une balle tirée en 1800. Jean Ray y voyait « une dangereuse intrusion dans l'inconnu, une troublante polarisation… dont les plans d'incidence se situent dans un autre monde, peut-être hypergéotrique ».

    Et nous touchons là à un domaine où fantastique et SF se mêlent, comme ils le font dans Le Diable dans la tête, qui nous apprend que certaines nuits le plateau Beaubourg est hanté par le fantôme d'une rue oubliée.

    Le monde ainsi découvert ne paraîtra étrange qu'à ceux qui perdirent l'habitude de regarder, de marcher avec lenteur, cherchant à surprendre le secret des visages et des choses, devenant par là sensibles à bien des résonances semi-éteintes.

Jacques VAN HERP
Première parution : 1/10/1965
Fiction 143
Mise en ligne le : 22/10/2023

Cité dans les Conseils de lecture / Bibliothèque idéale des oeuvres suivantes
Jean-Pierre Fontana : Sondage Fontana - Fantastique (liste parue en 2002)
Patrick Marcel : Atlas des brumes et des ombres (liste parue en 2002)

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