Pour retrouver l'homme qu'elle aime, un écrivain maudit, Marguerite accepte de livrer son âme au diable. Version contemporaine du mythe de Faust, transposé à Moscou dans les années 1930, Le Maître et Marguerite est aussi l'une des histoires d'amour les plus émouvantes jamais écrites. Mikhaïl Boulgakov a travaillé à son roman durant douze ans, en pleine dictature stalinienne, conscient qu'il n'aurait aucune chance de le voir paraître de son vivant. Écrit pour la liberté des artistes et contre le conformisme, cet objet d'admiration universelle fut publié un quart de siècle après la mort de celui qui est aujourd'hui considéré comme l'égal de Dostoïevski, Gogol ou Tchekhov.
Cette édition s'accompagne d'un appareil critique et d'une introduction de la spécialiste de la littérature russe Marianne Gourg, qui a également révisé la traduction.
" Le texte-testament de Boulgakov. Un acte de pure folie littéraire comme de pure liberté. "
La parution de ce livre était une joie, et un événement longtemps attendu. L'œuvre romanesque de Boulgakov nous est en effet fort mal connue en traduction française, comme elle a d'ailleurs été occultée dans son pays, sa vie durant, par une censure difficilement dupe des travestissements fictionnels dont l'auteur enrobait la réalité sociale du régime stalinien. Le Maître et Marguerite, roman multiple et inachevé, auquel Boulgakov a travaillé plus de dix années, jusqu'à sa mort misérable de 1940, c'est donc la voie royale pour pénétrer l'œuvre imposante d'un écrivain qu'on imagine, la réputation russe aidant, de la lignée sulfureuse des Gogol et Pouchkine.
Surprise, Le Maître et Marguerite est un livre à l'écriture bâclée, charriant tant d'à peu près et de répétitions qu'il serait injuste de les imputer au traducteur, méritant Claude Ligny. Et cette faiblesse de style, qu'on voudrait excuser par la force d'une fiction qui emporte avec elle son auteur et le prive du temps de faire dans la dentelle verbale, cette indigence formelle n'expose en fait qu'un récit décousu, erratique, sans le moindre sérieux et sans la dérision tragique qu'on y augurait. Les caricatures d'écrivains d'Etat sont tellement grossières qu'on ne peut y croire ni s'en amuser, et cette histoire de diable voyageur, dans le temps et l'espace, n'a pas la puissance admirable du fantastique russe, mais plutôt la facilité et l'inconsistance des fantaisies slaves, leur inclination gratuite au flou de l'instant.
Ainsi donc, on le regrette, Le Maître et Marguerite restera, toutes catégories confondues, comme le modèle du roman illisible. En retrait subsiste le drame de Mikhaïl Boulgakov, écrivain fourvoyé, ainsi qu'un dépit accessoire, celui de constater l'efficience irraisonnée du marketing éditorial français. Car ce livre vient en tête des ventes de livres de poche. Vouloir contribuer à ce succès serait vraiment tenter le diable...