La jeune et timide Marra, dernière fille d’un souverain au royaume convoité, assiste impuissante aux mariages de ses deux sœurs avec le prince Vorling. Car, après la mort mystérieuse de l’aînée, la cadette a dû la remplacer pour tenter de donner enfin un héritier au triste sire. Quand Marra découvre l’ampleur de la cruauté du prince, elle ne peut demeurer simple spectatrice : si elle veut sauver sa sœur et empêcher le sort funeste qui l’attend elle aussi, il faut tuer Vorling. Pour mener à bien son plan, il lui faudra recruter une sorcière capable de parler aux morts et sa poule possédée par un démon, un honorable chevalier en disgrâce et une fée marraine particulièrement douée pour les malédictions.
Ce roman de fantasy féministe résiste à tous les clichés, quand il ne les dégomme pas purement et simplement, avec audace et humour. La Voix du Nord.
Marra est la troisième et dernière fille du roi d’une petite cité-état. Confronté à la menace d’un agresseur potentiel, le roi a troqué la protection de son domaine contre ses deux filles aînées, mariées au prince Vorling, héritier puissant du grand royaume voisin. La première sœur, Damia, est rapidement décédée accidentellement et a été remplacée par Kania , la cadette, auprès du prince. Il ne reste plus à Marra qu’à aller au couvent ; mais lors d’une visite auprès de sa sœur, elle découvre celle-ci affaiblie par des accouchements à répétition (elle n’a que des filles alors que le prince veut un héritier) et couverte de multiples contusions, certainement provoquées par la sauvagerie de son mari. Marra ne voit alors qu’une solution : tuer celui-ci avant qu’il ne tue Kania comme il l’a probablement fait avec Damia.
Tout cela commence comme un conte de fées : un royaume, un prince lointain, un mariage... Mais bien vite la réalité sordide prend le dessus : féminicide, violences conjugales, femmes sacrifiées pour des raisons politiques. L’autrice use tout au long du récit des tropes habituels du roman de fantasy : voyage initiatique, rencontre avec des créatures magiques, vieille sorcière, malédiction : tout cela fonctionne très bien, donnant un récit d’aventure enlevé, au rythme maitrisé avec des personnages aussi réussis que hauts en couleur, doté d'un humour et d'une légèreté qui pointent régulièrement.
Mais Nettle & Bone n'est pas que cela : Marra n’est pas une héroïne badass, elle n’est pas là simplement pour défoncer les représentants du Mal à coups d’épée ou de sortilèges. C’est une femme « normale », promise à une vie terne, mais qui comprend petit à petit les enjeux de pouvoir, qui voit ce qui arrive à ses ainées et qui décide, malgré ses faibles moyens, de lutter contre l’avenir macabre qui menace sa sœur. C’est aussi une femme qui découvre la réalité, qui réalise à quels sacrifices ont consenti ses parents et ses sœurs, qui comprend leur sens et qui malgré tout veut se battre et contrer le destin. Angela Carter, l’autrice anglaise spécialiste des détournements de contes, les renversait avec un brin de méchanceté et de cruauté ; T. Kingfisher choisit d’y mettre de la sororité et de l’humour parfois noir, faisant de Nettle & Bone un page-turner intelligent à plusieurs niveaux de lecture, qui manie en même temps légèreté et profondeur.