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La Pierre de lune. Scènes de la vie de province

Tommaso LANDOLFI

Titre original : La Pietra lunare   ISFDB
Traduction de Michel ARNAUD

GALLIMARD (Paris, France), coll. Du monde entier précédent dans la collection suivant dans la collection
Date de parution : 8 janvier 1957
Achevé d'imprimer : 10 décembre 1956
Première édition
Roman, 184 pages, catégorie / prix : 450 F
ISBN : néant
Format : 14,0 20,5 cm
Genre : Fantastique


Quatrième de couverture

Giovancarlo est un bon jeune homme quelque peu hoffmanesque et quelque peu poète qui fait ses études à la ville. Un soir, pendant les vacances qu'il passe dans un petit bourg de montagne, il va rendre visite à son oncle et à ses cousins, et, pendant qu'il est là à bavarder de choses et d'autres avec eux, une belle jeune fille fait soudain son entrée. Tout en elle est séduisant – la pâleur de son visage, ses cheveux splendides, son éblouissante poitrine – et comme notre étudiant suit avec satisfaction la ligne de ses cuisses fuselées et de ses jambes parfaites, voici que, là où il s'attendait à découvrir une fine cheville, un joli pied, il voit... deux sabots fourchus de chèvre.
Mais peut-être Giovancarlo a-t-il seulement été le jouet d'une hallucination et Gouroue – ainsi se nomme l'adolescente – n'est-elle pas une véragne, c'est-à-dire une de ces filles de la lune, qui, avec leurs sœurs, se livrent parfois, la nuit, dans la montagne, à d'étranges sabbats.
Comment, sans leur faire perdre leur charme magique, résumer les amours de Giovancarlo et de Gouroue? Le roman de Tommaso Landolfi – est-ce seulement par antiphrase qu'il s'intitule modestement «Scènes de la vie de province»? – ressuscite les prestiges des meilleurs romantiques et il a sa place à côté d'œuvres qui attestent la renaissance d'un fantastique à l'image des Achim d'Arnim et des Jean-Paul.

Critiques

    Dans une Italie indéterminée, mais qu'on devine méridionale, et à une époque vague qui pourrait être le milieu du XIXe siècle, un jeune homme rend visite un soir à des parents villageois… quand tout d'un coup au milieu de la conversation il se sent observé. Dehors, il aperçoit « deux yeux noirs, dilatés et sauvages », qui le regardent fixement. L'instant d'après une jeune fille entre. Le jeune homme l'admire, parcourt son corps du regard, et… « au lieu d'une fine cheville et d'un pied gracieux », il voit « pointer sous la jupe de la jeune fille deux pieds fourchus de chèvre, des pieds certes d'un galbe élégant, mais qui n'en étaient pas moins secs et ligneux et qui s'abritaient sous la chaise ».

    C'est là le début d'un roman de Tommaso Landolfi : « La pierre de lune » (La pietra lunare), traduit de l'italien (avec intelligence) par Michel Arnaud (Gallimard). Petit roman hors du temps, bizarre et séduisant, dont le baroque plonge aux sources de ce fantastique nocturne qui est une forme séculaire du merveilleux – ce fantastique où une belle jeune fille-monstre entraîne un jeune homme transi vers un monde en dehors où s'accomplissent d'insolites sabbats sous la pleine lune. On songe en le lisant à l'esprit de certains contes de Pieyre de Mandiargues, notamment ce pétrifiant chef-d'œuvre qui a nom « L'étudiante ». Mais Tommaso Landolfi ne s'est pas borné à invoquer le surnaturel. Il décrit aussi, avec le réalisme pittoresque des auteurs de vieilles estampes, le détail des mœurs villageoises, d'où le sous-titre donné à son livre : « Scènes de la vie de province ».

    Ce double plan, folklorique et fantastique, communique au roman un ton alternativement léger et mystérieux, qui illustre l'opposition entre la vie diurne et la vie nocturne, le monde solaire et le monde lunaire. La nuit et la lune sont magiques. C'est la nuit que les étranges filles-bêtes s'assemblent et rôdent dans la montagne, là où se perpétuent les sortilèges. Et c'est la lune, « soleil des loups » inscrit par Mandiargues, déjà cité, au frontispice d'un de ses recueils, qui fait luire leurs yeux et leurs dents, et battre leur sang dans leurs veines. En compagnie de Gouroue, la fille-chèvre, la chèvre-garoue, la « véragne », le jeune Giovancarlo vit une aventure à la fois féerique et picaresque au long d'une nuit qui semble éternelle. Mais le matin monte enfin, les ombres se dissolvent et les créatures s'en vont dans le brouillard de l'aube. Il ne reste au cœur du jeune homme qu'un peu de poudre aux yeux, et à celui du lecteur que le regret de n'avoir pas une Léonor Fini pour immortaliser Gouroue, avec un visage pareil à celui réfléchi par l'eau dans le tableau « Au bout du monde », et un corps de rêve tel que l'écrivain nous le dépeint :

    « La ligne d'attache des deux natures ne présentait rien de particulier ; tout au plus la toison était-elle légèrement relevée et détachée sur le bord, comme si la partie féminine de ce corps avait été une blanche pulpe de fruit émergeant, à moitié d'une coque veluePeut-être n'était-ce là qu'une impression due à quelques poils retournés vers le haut, car l'ensemble du pelage était orienté vers le bas et n'affectait nullement, en substance, la ligne des hanches ; cette toison, pourtant, avait quelque chose de la rigide consistance que devait avoir l'écorce des arbres sur le corps des dryadesPour nous résumer par une image exhaustive et compréhensible par tous, la jeune fille portait ses appendices caprins comme les sirènes leur queue ; et c'est sans remords que l'on fait appel à cette image, et aussi sans nuire à la précision, car il n'est personne qui, le voulant, n'ait vu une sirène. »

Alain DORÉMIEUX
Première parution : 1/10/1957 dans Fiction 47
Mise en ligne le : 16/9/2025

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