Joël Houssin a fait voici un peu plus d'un an une entrée remarquée en « Anticipation », avec
Angel Felina, un roman noir, sec et serré, où les animaux — chiens, chats et rats — tenaient un grand rôle, jusqu'à ce que s'y mette le pire de tous : l'homme. Depuis, quatre autres ouvrages ont suivi, de moins bonne tenue, qu'ils soient bien loin de la SF (
Le pronostiqueur),
d'une idéologie quelque peu douteuse (
Blue) ou simplement languissant (
Masques de clown).
Mais voilà qu'avec son sixième bouquin, l'ami Houssin frappe à nouveau aussi fort qu'avec son premier.
Il faut croire que les animaux lui vont bien au teint (mais on sait qu'il fut éleveur de chiens dans les Pyrénées...), car cette fois ce sont deux lionnes qu'il convoque, pour venir semer la terreur dans le Paris contemporain. Là encore : noir, sec, serré — comme un café en somme, pris au petit matin blême sur le zinc graisseux d'un bistro de quartier. L'auteur utilise sa grande maîtrise du polar (il en est bien, parallèlement à ses SF, à son dixième « Doberman ») pour entretenir le suspens et tracer des ambiances en deux coups de cuillère à pot. Des portraits insolites (le chasseur de fauves, le flic hargneux, la vieille libraire aveugle, l'étudiant noir) et un montage très ciné font le reste.
Certes, on est un peu pris de court par la chute, qui laisse de nombreux points dans l'ombre (le lien entre la cosmogonie africaine, qui « explique » les lionnes, et leur matérialisation grâce à l'esprit d'un jeune psychotique, est plus que flou), mais on a tellement été passionné par le déroulement du récit qu'on passe sur ses trous sans trop être secoué.
Jean-Pierre ANDREVON (lui écrire) (site web)
Première parution : 1/1/1983 dans Fiction 336
Mise en ligne le : 1/6/2006