Offensive du virus sous le champ de bataille signe l'avant-dernier couplet de la ballade de Tony Burden. Pelot tire à la ligne, fait traîner en longueur l'histoire de ce pauvre type qui a eu la malchance de cumuler une enfance ratée, une vie ratée, une retraite ratée et une vieillesse qui se poursuit vaille que vaille dans un pays chaotique et tuméfié.
Burden continue son errance, mû par le hasard et par un désir de vengeance inscrit en filigrane contre le docteur Morgansen, responsable de tous ses malheurs et de ceux de la population du Sud des Etats-Unis. Il rencontre des gens, paumés ou illuminés, résignés ou opportunistes, malades ou morts. La question essentielle qui mine les consciences des abandonnés est celle-ci : le gouvernement cherche-t-il à sauver le Sud ou au contraire à activer le nettoyage opéré par le virus et à faire le vide ?
Burden retrouvera probablement le mystérieux Morgansen dans le dernier acte de sa ballade et lui fera la peau comme les désespérés font la leur à tous les médecins qui traînent encore de ce côté-ci de la quarantaine.
Pelot, c'est bien ou ça n'est pas bien. Mais une réaction intermédiaire et paradoxale paraît possible ; il semblerait qu'on puisse aimer Pelot même quand ça n'est pas tout à fait bien, parce que ses œuvres, y compris les plus mineures, sont habitées par la richesse et l'intensité qui naissent du désespoir et de la violence, c'est-à-dire de la partie la plus visible de la marginalité sociale.
Éric SANVOISIN
Première parution : 1/1/1988 dans Fiction 393
Mise en ligne le : 7/4/2003