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Quand le temps soufflera

Michel JEURY


Illustration de Les EDWARDS

FLEUVE NOIR / FLEUVE Éditions (Paris, France), coll. Anticipation précédent dans la collection n° 1239 suivant dans la collection
Dépôt légal : mai 1983, Achevé d'imprimer : 20 mai 1983
Première édition
Roman, 192 pages, catégorie / prix : nd
ISBN : 2-265-02337-X
Format : 11,0 x 17,5 cm
Genre : Science-Fiction


Quatrième de couverture
     Quand soufflera le vent fou de l'an dix, ce sera la fin de la Suprême Union des Eglises et des Maisons. Le combat s'engage dans le temps zéro, entre les voyageurs de la destinée et la Sainte Action populaire. Et Simon Jallas possède une arme d'une très grande puissance : l'ultra-mémoire.
Critiques
     Quand on ouvre un Jeury, aussitôt on est précipité dans tous les autres Jeury. Chacun de ses romans est une nouvelle pièce d'un puzzle qui croît à mesure que les années passent et que l'œuvre se construit. Simon Jallas fait-il partie d'un autre récit ? Les Eglises et les Maisons se trouvent-elles ailleurs dans le puzzle ? A moins de tenir un répertoire rigoureux de l'œuvre jeuryenne, le doute vous prend. Et puis qu'importe ? Puisque le temps justement vous emporte... Ici, d'ailleurs, le temps vous ballotte plus qu'il ne vous mène vers l'avenir — cet an + 10 qui est synonyme de castastrophe. A instaurer ? A éviter ? « En prophétisant la catastrophe, on compte bien la faire arriver... »
     On se croirait chez nous, aujourd'hui, où la peur soigneusement cultivée de 1984 sert peut-être à certains. Quant aux signes... « la grande faux... la trombe électrique... la tache grondante », qu'on croirait sortis d'une pub pour produits à récurer (à moins qu'ils ne soient que des échos du millénarisme des Yeux géants), ils restent des signes, enclos d'un futur qu'on crée à mesure qu'on l'explore. L'explore-t-on, d'ailleurs ? « Parce que nous savons que vous ne voyagez pas dans le futur, ni nulle part. Vous ne faites que singer le voyage » Signe de du temps incertain (mais quel temps ? Celui qu'il fait ? Celui qui passe ?), Simon Jallas n'est qu'une feuille morte, un héros que le souffle temporel balaie, et qui ne cesse, tout au long de son périple en rond, de se poser des questions — tel un héros vanvogtien doutant de sa surpuissance, et ne sachant d'où il vient ni où il va...
     Le temps, Jeury commence à le traiter avec humour. « Le ciel avait la couleur de la vache-mascotte des pionniers et le soleil matinal une nuance de crème tournée. Un temps tout à fait bovin, décida-t-il. » Ce temps-là, alors ? Oui, mais l'autre aussi : «  — Nous avons le temps, dit Simon calmement. — Même pas. Le temps n'est plus de notre côté. » Comme si l'auteur, à force de battre ses pièces, ne pouvait s'empêcher de relativiser son jeu — qui devient justement un jeu.
     Restent les poussées d'utopie, une brise légère qui peut prendre des directions inusitées « Bruna avait sans doute rejoint Marlene, avec qui elle, partageait un chalet, comme au centre Argus-Atlantique. Il devait accepter qu'elle se partage entre Marlene et lui. Plus tard, elle accepterait qu'il se partage entre elle et Marlene. Ainsi le voulait la destinée. Et II ne se battait pas contre ce décret, qui l'arrangeait fort bien. »
     C'est ce que je préfère chez Jeury : cet humour qui vient sans crier gare, à travers le vent fou du temps. Mais perdre le compte des ans, c'est aussi perdre le nord, et jeter son bonnet par-dessus les moulins.

Jean-Pierre ANDREVON (lui écrire) (site web)
Première parution : 1/12/1983 dans Fiction 346
Mise en ligne le : 10/5/2002

Critiques des autres éditions ou de la série
Edition IMAGINAIRES SANS FRONTIÈRES, (2003)

     An zéro. L'Europe est sous la coupe de la Suprême Union des Églises et des Maisons. Les notions de passé et de futur, ainsi que le décompte du temps, ont été définitivement abolis au profit d'une datation neutre : l'avenir se dit désormais « temps-plus », et le passé, « temps-moins ». Dopés aux euphorisants, Simon Jallas et ses collègues voyageurs de l'Institut du Temps-Plus visitent leur propre avenir et en ramènent d'effrayantes visions d'apocalypse. Il semblerait qu'en l'an +10, le monde sera déchiré par une catastrophe d'origine inconnue. Pourtant les récits divergent d'un pionnier à l'autre. Le « vent fou » destructeur entrevu par la plupart d'entre eux existera-t-il réellement ? Les voyageurs ne seraient-ils pas plutôt victimes d'hallucinations collectives ? Le don d'ultra-mémoire (faculté de se rappeler l'avenir) qui leur permet d'habiter momentanément leur moi futur n'est-il pas un simple leurre, un phantasme schizoïde provoqué sciemment par de puissants conspirateurs ? Dans cette société déshumanisée, coupée de ses racines et dirigée par la main de fer de la très inquisitrice Sainte Action Populaire, Simon part en quête de vérité, au cœur du labyrinthe du temps.

     Un voyageur temporel, une femme, un rivage. Quand le temps soufflera, réédition d'un court roman paru en 1983 au Fleuve Noir, débute comme Le Temps incertain s'achevait : au bruit du ressac, au cœur de l'inconnu. La schizophrénie « en miroir » que développe Simon n'est pas sans rappeler celle qui perturbait le héros multiple du Temps incertain ; les paroles d'un haut responsable de la Sainte Action Populaire (« Vous ne faites que singer le voyage. N'est-ce pas ? »), font écho à un autre roman de l'auteur, Les Singes du temps. En outre, la catastrophe prévue en l'an +10, ce fameux « vent fou », évoque forcément Le Vent de nulle part de J.G. Ballard.

     Le lecteur croit donc évoluer en terrain familier, balisé, truffé de références et d'autocitations, et pourtant il ne peut se départir d'un durable sentiment d'inquiétante étrangeté. Parce que Jeury, en brillant émule de Philip K. Dick, ne cesse de nous faire douter, comme son héros, de la réalité des événements. Témoin ces phénomènes prétendument terrifiants observés par les pionniers en l'an +10 : la faux, la trombe, les taches hurlantes, qui ont surtout valeur de termes accrocheurs à l'intention du lecteur ; moins que des symboles, ce sont des icônes, indices quasi-abstraits du caractère incertain du temps-plus. Témoin encore, ce jeu récurrent avec le temps qu'il fait et le temps qui passe.

     Peu importe alors si le récit oublie parfois de prendre son temps (celui qui passe), si son héros manque d'épaisseur et si le dénouement, expéditif, nous laisse un peu sur notre faim : Quand le temps soufflera se lit d'une traite, servi par un style irréprochable (qui laisse admiratif quand on songe à la production pléthorique de l'auteur à cette époque) et par une trame paranoïaque à la fois complexe et beaucoup plus limpide — et accessible — que les chefs-d'œuvre expérimentaux cités plus haut. Les éditions Imaginaires Sans Frontières, après nous avoir mis l'eau à la bouche, seraient bien inspirées d'exhumer d'autres fictions oubliées de Michel Jeury.

Olivier NOËL
Première parution : 1/9/2003
dans Galaxies 30
Mise en ligne le : 28/11/2008

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