Une bande-annonce barre la page d'un trait rageur : « Le retour d'ANDREVON au Fleuve Noir » ! Comme on le voit. Patrick Siry n'a pas fait les choses à moitié pour fêter le « come-back » au sein de sa collection d'un des grands de la SF française.
Après Jeury, Arnaud, Houssin, Brussolo, Walther, Andrevon prend donc place à son tour dans ce vaste mouvement qui draîne les forces vives de la SF nationale vers ce qui fut il y a peu la collection la plus décriée par les spécialistes. On sous-estime sans doute encore l'ampleur et les répercussions à venir du phénomène : nous aurons l'occasion d'y revenir
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Soupçons sur Hydra renoue avec une SF des plus classiques... Pour son retour au Fleuve, Andrevon a été prudent, très prudent, puisqu'il se contente de mettre en scène une expédition militaire sur une planète inconnue et hostile, sous la menace permanente des « Autres », ces extraterrestres que les Terriens combattent depuis des décennies mais que personne n'a jamais vus... Huis-clos classique, conflit galactique, guerre sans fin et sans but : Soupçons sur Hydra n'innove nullement. Ce roman est pourtant l'un des meilleurs que le « nouveau » Fleuve ait produit. Cela tient sans doute au climat touffu qui se dégage de chaque chapitre du livre, à mesure que les divers membres du commando meurent assassinés par un ennemi mystérieux qui, selon toute vraisemblance, est l'un d'entre eux. Il est vrai qu'Andrevon est l'un des grands professionnels de la SF française et que Soupçons sur Hydra en témoigne éloquemment.
La dimension-limite du Fleuve est un redoutable obstacle : nombre d'auteurs, pourtant talentueux, ne maîtrisent pas encore totalement cette difficulté ; c'est d'ailleurs ce qui explique que certains ouvrages se terminent un peu en catastrophe, comme si l'auteur parvenu au dernier chapitre se rendait compte brusquement que les pages lui étaient délivrées à dose homéopathique ! Avec Andrevon, rien de tel : du début à la fin, le récit fonctionne sans le moindre accroc, sans emballement, sans aucun déséquilibre apparent. Soupçons sur Hydra illustre la totale maîtrise de l'outil Fleuve par l'auteur.
Si ce roman marque l'acceptation par Andrevon d'une SF classique, il véhicule cependant les obsessions traditionnelles de l'auteur. Mieux : ce livre, fondamentalement pacifiste et anti-raciste, sait parfaitement intégrer l'idéologie diffuse au récit. En ce sens, il se refuse à tout effet démonstratif, à toute volonté outrageusement didactique.
Soupçons sur Hydra est l'un des exemples de ce que le Fleuve peut donner à la SF française dans les mois et les années à venir : des romans populaires de grande qualité.
Notes :
1. Attendez vous à de drôles de surprises !
Stéphanie NICOT (lui écrire)
Première parution : 1/6/1984 dans Fiction 352
Mise en ligne le : 15/2/2003