Maggie Brown est une sorcière. Pas une vraie sorcière, capable des sortilèges les plus terrifiants comme sa grand-mère, mais une sorcière aux pouvoirs plutôt « popotes » ; le genre domestique, très douée pour faire la cuisine à partir de presque rien, pour démarrer un feu ou pour nettoyer une salle de banquet d'un claquement de doigts. Et là où vit Maggie, au fin fond de la province (les Territoires du Nord), croyez bien que c'est beaucoup plus utile pour faire fonctionner la vie quotidienne que des charmes élégants et prétentieux !
Maggie est la fille illégitime de Sir William, le maire-chevalier des Territoires du Nord, et d'une sorcière. Il ne lui en est pas tenu grief pour autant : depuis que sa demi-sœur (l'enfant légitime) s'est mariée avec un autre seigneur et que Sir William est handicapé, elle gouverne la région d'une main ferme.
Jusqu'au jour où débarque au village un ménestrel, Colin, apportant en chanson la mauvaise nouvelle : la ravissante mais idiote demi-sœur, Amberwine, a trompé son noble mari avec un gitan, s'est enfuie avec ce dernier, et semble maintenant en bien fâcheuse posture...
Il ne reste plus à Maggie qu'à courir à sa rescousse, aidée par son chat (parlant) Ching, et par le très réticent Colin. Suivent des aventures échevelées, des rencontres dangereuses mais souvent cocasses (une licorne qui choisit Maggie pour être sa gente demoiselle, une dragonne malade d'amour, un gnome grognon, une sirène, etc.), à travers une contrée pseudo-médiévale d'opérette.
Je me suis toujours demandé à quel degré Elizabeth Scarborough écrivait ses romans, et à quel degré ses lecteurs étaient censés les lire ! Il y a une jubilation évidente dans l'amoncellement de clichés de
fantasy, dans le détournement de thèmes assez gentillets, mais pourtant il ne s'agit jamais de gros humour au premier degré (comme chez un
Piers Anthony) ni de délire parodique (comme chez un
Terry Pratchett). Scarborough s'amuse visiblement, mais elle hésite toujours entre premier et second degré. L'équilibre est fragile, mais elle s'y maintient sans efforts apparents (contrairement à
Nancy Kress — traduite chez J'ai Lu — qui fait tomber ses tentatives d'humour dans une « eau de rose » imbuvable).
Un air de sorcellerie est le premier volume d'une série de quatre, « Songs from the Seashell Archives », suivant l'histoire de la famille de Maggie. Elizabeth Scarborough a également écrit, dans les mêmes tonalités, un conte des mille et une nuits,
The Harem of Aman Akbar, et un improbable mélange de western et de
fantasy,
The Drastic Dragon of Draco, Texas. Ses tentatives de pur humour sont illisibles, par contre sa
fantasy contemporaine, sérieuse (dans le contexte du Viêt-Nam) a été très remarquée. Ce n'est pas un auteur majeur du genre, et ce n'est rien de le dire (les critères de choix de Pocket m'échappent, vraiment), mais un écrivain agréable pour ceux qui aiment lire de temps en temps une bonne petite
fantasy peu exigeante.
André-François RUAUD (lui écrire) (site web)
Première parution : 1/9/1994 Yellow Submarine 111
Mise en ligne le : 6/3/2004