En proie à une passion scientifique qui devient vertige, le jeune physiologiste Edward Jessup s'absente chaque jour un peu plus de sa vie et du monde réel. Aveugle désormais à la beauté d'Emily, sa femme, sourd à sa tendresse anxieuse...

Qu'est-ce que cet organe nommé cerveau ? Comment en dompter les mystérieux mécanismes ou au contraire les libérer sans frein vers l'inconnu ? Ces questions hantent Edward Jessup qui n'hésite pas à expérimenter lui-même les ténèbres de l'isolement, les hallucinations de la drogue.

Et cette nuit, à Harvard, enfermé dans le caisson métallique, il veut aller plus loin : régresser tout entier, remonter dans le Temps de l'homme...

De quel homme ?

 

Paddy Chayefsky fut l'un des plus grands auteurs dramatiques américains. Le cinéma lui doit Hospital, Network... et aujourd'hui Au delà du réel, brillamment porté à l'écran par Ken Russel.

     Encore une petite maison d'édition, Le Signe, pour se lancer dans la course SF ! Nous ne pouvons que nous réjouir de cette multiplication de tentatives qui, même si elles n'aboutissent pas parfaitement (il paraît que ce livre ne s'est pas bien vendu, vous devriez avoir honte), donnent à la SF l'occasion de sortir des collections spécialisées, de toucher donc un nouveau public et d'inventer en dehors des sentiers battus.

     Nous réjouir, surtout, quand on nous offre de bon livres. Lieux interdits est même plus que bon : exceptionnel... C'est sans doute l'un des meilleurs que j'aie pu lire depuis de longs mois. Jessup est un jeune savant obsédé par les phénomènes de la conscience, la question mystique et les brèches dans le réel que permettent certaines drogues hallucinogènes. Loin de traiter cette question avec le charabia d'une approche philosophico-religieuse, Jessup met sa science et les acquis technologiques des laboratoires où il travaille au service de cette belle idée, à savoir que le cerveau humain conserve des souvenirs des origines lointaines de la race.

     Rien de bien original, à première vue. Et pourtant cette histoire d'activation de certains centres du cerveau par une drogue miracle est traitée avec tant de précisions et de conviction qu'on ne peut pas ne pas y croire.

     Jessup démontre la véracité de sa théorie en l'expérimentant sur lui-même : avatar du Dr Jekyll et de Mr Hyde, dans la lignée des savants « maudits », il se transforme peu à peu en homme préhistorique, puis remonte encore plus loin, vers l'énergie primordiale, jusqu'à... l'horreur absolue.

     Mêlant les recherches d'une science d'avant-garde aux mythes lovecraftiens. Paddy Chayefsky (scénariste de Network et auteur dramatique à succès) invente un genre, le hard-fantastique, comme on dit hard-science.

     Voilà un très grand livre. Effrayant, posant avec sérieux d'immenses questions, ouvrant des portes sur d'insoupçonnés univers intérieurs. Un livre indispensable.

     P.S. Profitez-en pour lire (ou relire) Les portes de la perception (Ed. 1O-18, n° 1122) d'Aldous Huxley et L'herbe du diable et la petite fumée de Castaneda, (Ed. 1O-18, n° 1113), qui explorent le même sujet sur le mode de l'essai et de l'autobiographie... Et patientez un peu : Ken Russel travaille à l'adaptation cinématographique de ce chef-d'œuvre. Ça va être chose !