GALLIMARD
(Paris, France), coll. La Blanche Date de parution : 16 juin 1954 Dépôt légal : 1954 Première édition Roman, 192 pages, catégorie / prix : nd ISBN : néant Format : 11,8 x18,5 cm❌ Genre : Fantastique
Quatrième de couverture
Un fabricant d'automates, Poétro, sorte de Vaucanson (en plus doué), déserte systématiquement le réel. Un jour, un marchand de Nuremberg achète toutes ses poupées, y compris Hermine, œuvre chérie du maître automatiste. Poétro ne peut supporter sa solitude car ses poupées étaient pour lui comme des enfants. Il confie son atelier à son disciple Tiburce et monte dans le même coche que l'homme de Nuremberg. Dans une auberge où un accident de voiture l'oblige à s'arrêter, Poétro retrouve chacun des «modèles inconnus» de ses automates. Il y a un moine, un soldat, un couple d'amoureux et bien d'autres personnages encore... Ainsi il existe une Hermine en chair et en os. Hélas! tout comme l'automate construit à sa semblance, Hermine est privée de mouvement, Poétro guérit la paralytique, mais au moment où il renoue avec le réel, qui prend pour lui les traits de la plus séduisante des créatures, il est assassiné par un soldat... dont la réplique existait aussi dans la galerie d'automates.
Il est difficile de dégager la morale de ce conte qui se trouve au point de rencontre de la poésie, de la fantaisie, et d'un scepticisme qui fleure son XVIIIᵉ siècle. L'auteur s'est adonné aux caprices de son imagination, mais il ressort de son œuvre sinon une morale, du moins une idée maîtresse, à savoir que le créateur est responsable des démons qu'il engendre et qu'il ne doit s'en prendre qu'à lui-même si une de ses créatures diaboliques – idée ou automate, qu'importe! – se révolte contre lui, et le prive du plaisir de jouer plus longtemps avec le feu, serait-ce le feu de l'enfer.
Critiques
Un conte fantastique en forme de fable philosophique – au sens XVIIIe siècle du mot. C’est d’ailleurs en ce siècle qu’est située l’action. Le héros est un personnage étrange, mi-magicien, mi-poète : Prospéro, qui fabrique des automates à la Vaucanson, mais encore plus merveilleux tant ils imitent à la perfection la vie (ils ont même la parole). Chacun d’eux est une figure particulière ; il y a le Moine, le Soldat, les Fiancés et aussi Hermine, la créature chérie de Prospéro, la projection de ses rêves, son double féminin idéal. Il y a enfin le maléfique Sorcier, qu’il avait construit pour donner la mort et dont il a tué le mécanisme. Or il rencontre au cours d’un voyage, réunis par le hasard à la suite d’un accident de coche, tous les originaux des automates, les modèles inconnus dont ceux-ci n’étaient que les portraits. Il tombe amoureux, bien sûr, de la véritable Hermine, mais le véritable Sorcier reste toujours le donneur de mort…
La suite et surtout la conclusion du récit ne valent pas tout à fait les promesses de ce début, au moins dans la trame de l’intrigue. Encore faut-il considérer que l’auteur n’a pas prétendu écrire une histoire de terreur occulte (pensons à ce qu’aurait fait un Jean-Louis Bouquet sur un tel sujet), mais une fantaisie allégorique, au ton léger, à la tournure aimable, au style volontairement ciselé selon une facture voltairienne. La moralité, s’il en faut une, peut en être dégagée. On voit l’argument possible : le créateur dépassé par ses créatures… Mais l’idée reste implicite. Et ce sont surtout les traits du dialogue, les détails poétiques ou pittoresques qui font l’agrément de la lecture. Nous aimons moins l’avant-propos qui suggère que l’aventure de Prospéro existe seulement dans son délire. Le fantastique, quel qu’il soit, n’a pas besoin de points de repère.
En tout cas, à la désolante « machine humaine » de Véraldi, on peut préférer ces automates. Ils ont la grâce désuète qui convient aux bibelots, aux brocarts et aux boîtes à musique d’autrefois.